On ne refera pas l'Histoire mais il faut tout de même bien y revenir un peu. C'est quoi déjà leur foutu problème? La religion? Les riches, les pauvres? Le Nord, le Sud?

C'est la terre. Après ça dégénère dans la haine et le sang, mais au départ c'est une histoire de terre, de terre trop promise je crois.

 

Mille ans avant Jésus-Christ, la Palestine était le royaume juif du roi David. C'est pour cela qu'à la fin du XIXe siècle, les Juifs de plus en plus persécutés en Europe (les pogroms russes notamment) se sont repliés vers leur terre ancestrale. C'est une question qui revient chaque fois: pourquoi les Juifs, quand ils ont senti le besoin de se replier dans un espace à eux, pourquoi ont-ils choisi la Palestine plutôt que le Laos ou le Manitoba?

Parce que la Palestine, c'est chez eux, voilà.

Sauf que c'était chez eux 2000 ans avant. Il s'en passe des choses en 2000 ans; en Palestine, il s'était notamment passé qu'elle était devenue la terre des Arabes.

Au sortir de la guerre, les persécutions nazies ayant accéléré le mouvement, ils étaient près de 700 000 Juifs à être de retour sur cette terre «promise». Promise par qui et à qui, 2000 ans plus tard, ce n'était pas si clair. Alors avant que la chicane pogne avec les Arabes, les Nations unies ont donné la moitié de la Palestine aux Juifs et l'autre moitié aux Arabes. C'était en 1947.

Avoir su ce que leur réserverait le prochain demi-siècle, les Palestiniens auraient accepté le plan de l'ONU et on aurait aujourd'hui deux États qui se détesteraient, c'est sûr, on peut rêver, se détesteraient sans se faire la guerre. Chacun chez soi à se crier des bêtises par-dessus la frontière.

Mais les Palestiniens ont refusé le plan de l'ONU et ce fut la guerre (1948). Les Palestiniens sont littéralement massacrés. Les Israéliens profitent de leur victoire pour refaire le partage du territoire: au lieu des 50% attribués par l'ONU, les Arabes n'ont plus maintenant que 25% du territoire.

Nouvelle guerre en 1967 (dite des Six Jours), nouvelle victoire écrasante des Israéliens qui décident que le territoire d'Israël c'est désormais... toute la Palestine. Point à la ligne.

Plus d'État palestinien?

On verra ça plus tard. On verra ce qu'on peut vous donner quand on aura fini d'installer nos colonies.

Et voilà. Ça fait 40 ans qu'on discute des frontières d'un éventuel État palestinien. C'est passé de 25% à 19%, à 10% avec le plan de paix d'Ariel Sharon en 2003. Avec le plan Sharon, les Palestiniens seraient confinés sur 10% du territoire qu'ils occupaient avant 1947.

Les Israéliens ne se sont-ils pas retirés de Gaza en 2005? Et alors, le voilà l'État palestinien.

Regardez une carte. Gaza, c'est rien. Une peanut. Et puis les Israéliens n'étaient pas allés loin! La preuve! En fait si Gaza n'était plus occupée, elle était toujours assiégée, les entrées et les sorties des personnes et des biens contrôlées par les Israéliens.

Faut-il aussi parler du mur, qui lorsqu'il sera terminé, ceindra ce qui reste de la Palestine sur des centaines de kilomètres - des miradors tous les 200 mètres? Un mur que les juges de la Cour internationale ont déclaré «contraire au droit international» ?

Sept cents morts d'un côté. Neuf de l'autre, dont deux tués accidentellement par une bombe «amie». Je vous explique: les neuf Israéliens ont été tués par des terroristes. C'est bien là la preuve que la sécurité d'Israël était menacée. Les 700 Palestiniens, eux, ont été tués par des soldats, on n'y peut rien, c'est la guerre.

Je ne comprends rien? Peut-être.

Je vais vous dire ce que je comprends. Je comprends que Juifs et Arabes se disputent cette terre depuis si longtemps, que les premiers ont humilié si souvent les seconds, et que les seconds sont piégés si profondément dans une haine inextinguible qu'il ne peut pas y avoir d'issue sur le terrain.

Je comprends que chaque fois que des modérés, je pense à tous ces Israéliens qui se reconnaissent dans les prises de position du journal Haaretz par exemple, ou dans celles d'écrivains comme Amos Oz ou David Grossman, chaque fois que des modérés amorcent une tentative de compromis, chaque fois un attentat, une bombe humaine vient torpiller leurs efforts. Je comprends la réplique. Je comprends la spirale. Je comprends que les forces sont si inégales qu'une semaine plus tard, il y a 700 morts d'un côté et 9 de l'autre. Je comprends que c'est seulement le manque de moyens qui empêche les Palestiniens de massacrer quelques milliers de Juifs. Je comprends qu'on est devant un cancer.

Ce que je ne comprends pas du tout par contre, ce que je n'ai jamais compris, ce sont les Américains là-dedans.

Ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de solution. Il y en a. Connue. Cent fois envisagée. Deux pays. Chacun chez soi. Les Israéliens qui renoncent à leurs colonies. Les Palestiniens qui renoncent à tous ces villages, ces villes comme Haïfa qui étaient arabes et qu'ils rêvaient de voir redevenir palestiniens.

Cette solution, les Américains ont le pouvoir de l'imposer.

Il suffirait pour cela que les États-Unis cessent d'être aussi scandaleusement toujours dans le même camp. Protecteurs d'Israël? Bien sûr. Mais ce poids écrasant toujours sur le même plateau de la balance? Cet appui toujours systématiquement inconditionnel?

On a vu avec quelle diligence M. Bush a donné le feu vert aux bombes d'Israël, cette fois-ci encore. On a vu avec quel empressement aussi M. Obama a nommé Mme Hillary Clinton au poste de secrétaire d'État, Mme Clinton, la grande amie d'Israël.

Pauvre Palestine.