Un sport. Un athlète. Un événement. Trois coups de coeur pour le prix d'un. Je suis gentil, non?L'événement: les Jeux eux-mêmes. Mes neuvièmes? J'ai perdu le compte. Peu importe, je n'en ai jamais vécu de mieux organisés. Je m'attendais à cette perfection, les Chinois n'avaient pas le choix. Mais j'imaginais aussi que transparaîtraient la lourdeur du régime, sa rigidité, peut-être même une certaine brusquerie.

Tout le contraire. Une intendance toute en délicatesse. Un extraordinaire soin du détail. Le transport, ce cauchemar récurent à tous les Jeux, d'une efficacité inégalée à ce jour, la sécurité rendue presque supportable, des échanges chaleureux. Ils étaient prêts.Oui, mais la fête? me direz-vous.

La fête au sens où nous l'entendons, le party, il n'y en a pas eu, c'est vrai. Par contre je n'ai jamais senti une ville olympique vibrer autant sur «la game», s'intéresser autant à qui-c'est-qui-gagne-qui-c'est-qui-perd, pas seulement aux cérémonies. A-t-on assez dit que les Chinois étaient sans culture sportive hors du ping-pong? Pas mal plus allumés et surtout plus curieux que nous, si vous voulez mon avis.

Mon coup de coeur sport: la gymnastique. Ici c'est un vieux qui parle, cette maîtrise de l'espace, cette rigueur, cette douleur, cette discipline si peu de notre époque.

J'aime que la gymnastique soit si radicalement en rupture avec notre temps, je redécouvre avec ravissement, une fois tous les quatre ans, que des parents envoient toujours leurs enfants se faire torturer sur des poutres, des barres asymétriques et autres cheval sautoir. Je les félicite.

L'athlète: Kevin Sullivan, 34 ans. Il court le 1500, cinquième à Sydney sur les talons des El Guerrouj, Lagat, Ngeny, qui avait battu El Guerrouj.

Sullivan, le coureur dans toute la splendeur du dénuement, de sa simplicité de coureur de demi-fond. À ces Jeux, probablement ses derniers, il s'est fait sortir sèchement de sa demi-finale, dur à prendre pour un invité régulier des Grands Prix et des Golden League en Europe.

Je l'ai vu pas mal débiné dans la zone mixte, restant très vague sur son avenir. Je me suis dit: c'est fini, on ne le reverra plus.

Arrive le 5000, et qui vois-je dans la première série? Kevin Sullivan. Il s'est fait larguer bien sûr. Il savait qu'il se ferait larguer. Alors? Qu'est-il allé faire dans cette galère? Racheter son médiocre 1500 par un 5000 calamiteux? Ses adieux? Un dernier tout de piste?

Ne cherchez pas si loin. Il est allé courir. Tout simplement courir.