Impossible de nier ce fait : les Nationals de Washington, qui participeront pour la première fois de leur histoire à la Série mondiale cet automne, sont bel et bien les anciens Expos. Mais pour la nostalgie, ne comptez pas sur moi. Dans mon esprit, cette équipe et toute cette organisation n’ont ab-so-lu-ment rien à voir avec les Z’Amours. Je ne ressens aucun attachement émotif envers les Nationals, ni de près ni de loin.

PHOTO NICK WASS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les joueurs des Nationals de Washington, dont le receveur Kurt Suzuki et le lanceur Matt Grace, ont porté les couleurs des Expos le 6 juillet dernier.

En fait, les nombreux rapprochements faits dans les médias entre les Expos et les Nationals, depuis que ceux-ci ont remporté le championnat de la Ligue nationale mardi, m’exaspèrent. Ainsi, quand j’entends que la concession avait échoué dans son objectif d’atteindre la Série mondiale en 1981 lorsque les Dodgers de Los Angeles ont éliminé les Expos, j’ai le goût de crier : « Arrêtez, ça n’a rien à voir… »

Les Expos sont morts en 2004. C’est à ce moment que leur histoire a pris fin. Leur ADN ne s’est pas transporté comme par magie à Washington le jour du déménagement.

Le parc Jarry, Fernand Lapierre à l’orgue, le retour de Rusty Staub en 1979, la fesse d’Ellis Valentine (j’en profite pour saluer mon collègue Serge Touchette, auteur d’un excellent livre portant ce titre), le circuit de ce satané Rick Monday, le sourire du Kid, les buts volés de Tim Raines, le match parfait d’El Presidente, les balles de feu de Pedro, les tours de magie de Felipe et les longs circuits de Vlad, qu’est-ce que tout cela a à faire avec les Nationals de Washington ? Rien, moins que rien.

Pour tout vous dire, je suis même choqué que l’excellent site baseballreference.com, l’endroit idéal pour trouver toutes les statistiques et tous les records du baseball, répertorie les saisons des Expos dans l’onglet consacré aux Nationals. On écrit même que la concession en est à sa 51e saison, de 1969 à 2019.

Si le club de Washington avait plus de respect pour son passé montréalais, on aurait au moins évité d’attribuer à des joueurs d’aujourd’hui les numéros 8 (Gary Carter), 10 (Rusty Staub et Andre Dawson) et 30 (Tim Raines), tous retirés par les Expos.

Voilà pourquoi je ne verse pas une larme d’émotion quand je vois les Nationals enfiler le vieil uniforme bleu poudre des Expos, comme ils l’ont fait durant la saison. Il s’agit d’une simple opération de marketing (vendre plus de maillots) bien plus que d’un hommage venu du fond du cœur.

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Ma consternation ne se limite pas au dossier Expos-Nationals. Ma réaction est aussi viscérale avec l’Avalanche du Colorado et les anciens Nordiques.

Oui, plusieurs ex-joueurs des Bleus étaient de la formation gagnante de la Coupe Stanley en 1996. Malgré tout, cette équipe était à des années-lumière de ce que les Nordiques ont si longtemps représenté, ces traits uniques qui les caractérisaient dans le hockey nord-américain : des dirigeants francophones, huit fleurs de lys sur le chandail et une riche histoire dont l’enracinement se trouve dans l’Association mondiale de hockey.

L’Avalanche a bâti sa propre légende avec des gars comme Patrick Roy et Joe Sakic. Bravo à l’organisation. Mais ne mêlons pas les Nordiques à cette réussite. Ils sont morts en 1995.

Je ne suis pas plus enthousiaste quand je vois les Hurricanes de la Caroline profiter des Whalers de Hartford pour créer de l’enthousiasme autour de leur équipe. Quand ils ont endossé le magnifique chandail vert des Baleiniers la saison dernière, et utilisé l’entraînante musique du Brass Bonanza pour célébrer leurs buts, je me suis bouché le nez.

PHOTO KARL B DEBLAKER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les Whalers de Hartford sont devenus les Hurricanes de la Caroline en 1997.

Les Whalers ont leur propre et magnifique parcours : ils ont été de tous les combats de l’AMH, ils ont été admis dans la LNH, ils ont aligné la famille Howe… En clair, ils ont écrit leur propre histoire avant le transfert de la concession en Caroline en 1997. Les Hurricanes n’ont pas à faire semblant d’être leurs petits-enfants.

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Cette manie de mettre les Nationals dans le même bain que les Expos, ou l’Avalanche dans celui des Nordiques, pose aussi un problème : on fait quoi avec les records d’équipe si Montréal retrouve son équipe de baseball ou Québec son club de hockey ?

Imaginons que les Rays de Tampa Bay déménagent à Montréal pour de vrai (et non pas pour une demi-saison par année, comme le propose le plan actuel). À quels jalons historiques comparerons-nous les performances de ces Expos 2.0 ?

Dans mon cas, la réponse est claire : la mesure étalon devra être celle des premiers Expos. J’ai bien des égards pour les détenteurs de records chez les Rays, mais comment s’identifier à des joueurs qu’on n’a pas vraiment connus ? Un exemple : Vladimir Guerrero (44) est le joueur des Expos ayant frappé le plus grand nombre de circuits en une saison ; chez les Rays, c’est Carlos Peña (46). Pour qu’un futur Expo 2.0 brise le record de concession, il devra en cogner 45, et non pas 47.

En passant, Carlos Peña, ça vous dit quelque chose ?

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Je sais très bien que tous les amateurs ne pensent pas comme moi. J’ai des collègues qui encouragent à fond les Nationals cet automne parce qu’ils ont été des supporters enthousiastes des Expos.

L’un d’eux a été touché quand les Nationals ont enfilé l’uniforme des Expos plus tôt cette saison. Au lieu de voir – comme moi – une usurpation d’identité, il a plutôt été ému parce que l’initiative l’a connecté à sa jeunesse, quand il se rendait applaudir les Z’Amours plusieurs fois par saison.

Je comprends ce sentiment, je le respecte au plus haut point, mais je ne le partage pas.

Alors bonne chance aux Nationals en Série mondiale. Mais si les Astros de Houston sont du rendez-vous, je me range derrière eux.