Peu importe les performances timides de quelques vétérans, le camp d’entraînement du Canadien est une réussite : Nick Suzuki et Ryan Poehling ont démontré leur véritable potentiel, l’enjeu crucial de ces semaines préparatoires.

Si ces deux jeunes attaquants avaient déçu, une certaine inquiétude serait apparue. Les meilleurs espoirs d’aujourd’hui doivent devenir les joueurs d’impact de demain. Sinon, le Canadien est condamné à demeurer une équipe moyenne.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La recrue du Canadien Ryan Poehling a subi une commotion la semaine dernière dans une rencontre hors concours contre les Panthers de la Floride. 

Voilà pourquoi la commotion cérébrale subie par Poehling la semaine dernière est l’évènement le plus troublant de ce camp. Beaucoup plus que les performances en demi-teinte de Jonathan Drouin et Jesperi Kotkaniemi. Être victime d’une blessure aussi insidieuse est une très mauvaise nouvelle.

Poehling est demeuré au jeu après avoir encaissé le choc. Le Canadien a expliqué que le jeune homme se sentait bien et qu’un diagnostic de commotion avait seulement été établi le lendemain. Cette affaire démontre néanmoins que beaucoup de travail reste à faire pour améliorer l’approche de la Ligue nationale à ce chapitre. Mais d’abord, un bref retour en arrière s’impose.

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En décembre 2015, Nathan Beaulieu a encaissé une percutante droite au visage dans un combat à sens unique contre Nick Foligno, des Blue Jackets de Columbus. Ses genoux ont plié. Étourdi, le jeune défenseur du Canadien s’est rendu au banc des pénalités alors que le gros bon sens aurait voulu qu’on détermine sur-le-champ s’il avait subi une commotion cérébrale.

Après le match – une belle victoire du Canadien –, l’entraîneur-chef Michel Therrien a été désarçonné par les premières questions des journalistes. Plutôt que de l’interroger sur le rendement des siens, ils lui ont demandé pourquoi Beaulieu n’avait pas été immédiatement soumis au protocole lié aux commotions cérébrales. (Le test a été effectué plus tard, entre les deuxième et troisième périodes.)

Agacé par cette insistance, Therrien a perdu patience : « Être assis au banc des punitions ou être assis dans la chaise berçante dans la chambre noire, il n’y a pas grand-chose de différent », a-t-il dit, en faisant référence à la pièce calme où sont conduits les joueurs en observation.

Cette réplique peu subtile a illustré tout le travail de sensibilisation encore à accomplir pour convaincre les organisations de la nécessité de respecter le protocole. À sa décharge, quand je lui en ai reparlé quelques mois plus tard, Therrien a lancé : « Je te dirais que ç’a n’a pas été ma meilleure déclaration. »

Quatre ans après l’affaire Beaulieu, les organisations sont-elles plus conscientes des dangers des chocs au cerveau ? Le cas de Poehling laisse songeur.

Contre les Panthers de la Floride, Poehling a été frappé le long de la rampe. Sa tête a percuté la baie vitrée et il s’est retrouvé à quatre pattes sur la patinoire, désorienté. Une grimace au visage, il a porté une main à sa tête en retournant au banc des siens. Pas besoin d’être un spécialiste pour comprendre qu’il était durement sonné.

En 2019, avec toute l’information disponible à propos des dangers des commotions, le réflexe devrait être instantané : Poehling aurait dû être examiné sur-le-champ. Mais personne en autorité n’a agi ainsi, ni du côté du CH ni du côté de la LNH.

Quant au principal intéressé, il n’a évidemment rien dit. Un jeune joueur souhaitant se tailler une place dans la formation ne prendra pas l’initiative de demander son retrait du jeu. Agir ainsi s’inscrirait contre la « culture » du hockey. De toute façon, dans les minutes après avoir encaissé le choc, la victime n’est pas en mesure d’évaluer sereinement son état. C’est pour cela qu’un protocole a été adopté. Encore faudrait-il l’enclencher.

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Il y a quatre ans, Beaulieu n’a finalement pas subi de commotion cérébrale. Ce fut cependant le cas de Poehling la semaine dernière. Et Claude Julien n’a pas commenté l’affaire de façon plus avisée que Therrien à l’époque.

L’entraîneur-chef du Canadien s’est raidi lorsqu’un journaliste s’est montré insistant. Sa réaction a démontré qu’une chose ne change pas chez le Canadien : la direction déteste être interrogée à propos des commotions cérébrales. Cette irritation conduit à des déclarations malheureuses.

Ainsi, après avoir affirmé que Poehling ne montrait aucun signe de commotion cérébrale durant le match – comment le savoir alors qu’il n’a pas été examiné à ce moment ? – , Julien a dit : « Si on commence à enlever tous les joueurs de l’alignement parce qu’on pense qu’ils ont peut-être une commotion, et que rien ne l’indique, on va finir avec un demi-banc. »

Outre son caractère excessif – non, dix joueurs par match ne donnent pas l’impression d’avoir subi une commotion –, cette remarque de Julien banalise le danger lié à ce type de blessure.

Ainsi, si Carey Price est incommodé par une contusion à la main, on ne prend pas de risque : il est retiré de la formation, surtout dans le cas d’un match préparatoire, comme ce fut le cas lundi. Mais si un autre joueur se sent groggy après avoir reçu un choc au cerveau, on le renvoie sur la patinoire trois minutes plus tard.

Le plus paradoxal, c’est que le Canadien n’aurait jamais agi ainsi avec Poehling si, au lieu de sa tête, son genou avait été touché. Il aurait été examiné dans les secondes suivantes. Parce que cette fois, le « symptôme » aurait été concret, même pour des gens de hockey n’ayant aucune expertise médicale.

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Les symptômes de Poehling sont apparus le lendemain de l’incident et Julien a rappelé que c’est souvent après coup que le joueur constate un malaise. C’est vrai.

Mais puisque cela est connu, les organisations devraient être doublement prudentes dans des circonstances semblables (et encore plus dans un match préparatoire à la signification limitée). Elles ne peuvent pas plaider l’ignorance.

Le Canadien se rappelle sûrement le cas Dale Weise durant les séries de 2014. Frappé par un joueur des Rangers de New York, il a perdu ses repères pendant quelques secondes, mais est revenu au jeu après s’être soumis au protocole. Sa commotion a finalement été diagnostiquée plus tard. Le cas Poehling ressemble en partie à celui de Weise.

Les dirigeants de la LNH rappellent souvent combien le dossier des commotions est complexe. Bien d’accord. Mais pour diminuer les effets de ce fléau, il faudra une réaction plus volontaire des responsables lorsqu’un joueur est clairement ébranlé après un choc à la tête, comme ce fut le cas de Poehling.