Quand les Blue Jackets de Columbus ont donné un coup de massue au Canadien dans un match clé en fin de saison, il est devenu clair que cette équipe se regroupait après des mois de psychodrames.

Rappelons-nous : Artemi Panarin et Sergei Bobrovsky seraient-ils échangés ? John Tortorella avait-il « perdu » son vestiaire ? On connaît la suite : non seulement les deux stars sont demeurées à Columbus, mais la direction a obtenu Matt Duchene et Ryan Dzingel, deux des joueurs les plus convoités à la date limite des transactions.

Voici donc un club de la LNH qui adopte une stratégie tirée du livre de jeux du hockey junior : quand une chance de remporter un championnat se dessine, on fonce à pleins gaz. On oublie l’avenir à moyen et long terme. La devise devient : « Le futur est maintenant. » On vise un résultat immédiat, quitte à prendre des risques immenses.

Si les Blue Jackets atteignent la finale de la Coupe Stanley – existe-t-il une meilleure équipe dans l’Association de l’Est actuellement ? –, cette approche inspirera d’autres organisations. Et c’est tant mieux !

Dans la LNH d’aujourd’hui, remporter une Coupe Stanley est un exploit d’une difficulté inouïe. Le Canadien, par exemple, n’a pas célébré de championnat depuis 26 ans. Et ce n’est pas en privilégiant toujours un plan à long terme que cette tendance sera renversée.

Un jour ou l’autre, et avant que l’âge ne ralentisse Carey Price, il sera essentiel de mettre la main sur les chaînons manquants dans la dernière ligne droite du calendrier. C’est en conduisant l’équipe à la victoire ultime que Geoff Molson et Marc Bergevin se tailleront une place enviable dans l’histoire de l’organisation. Et pour cela, ils devront oser. Simplement viser une participation aux séries éliminatoires chaque saison n’est pas une recette pour laisser une empreinte durable.

Cela dit, le Canadien aurait-il dû agir ainsi en février dernier ? Non. L’équipe n’était pas assez puissante pour rêver d’un championnat. La prudence était de mise, puisque ses jeunes joueurs sont loin d’être à maturité.

Marc Bergevin a bien fait de ne pas gaspiller prématurément ses munitions. Le Canadien ne serait pas venu à bout du Lightning de Tampa Bay au premier tour.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il aurait été une vraie équipe de huitième place. Ce n’est pas le cas des Blue Jackets, bien meilleurs que leur nombre de points au classement l’indique. Avec leur force de frappe en attaque, une brigade défensive comptant sur « l’homme montagne » de 2019 Seth Jones et leur solide gardien, ils étaient de « faux » huitièmes. Leurs chances de surprendre le Lightning, soudainement transformé en favori vulnérable, étaient donc réelles.

Avec son sens remarquable de la formule, Jon Cooper, l’entraîneur-chef du Lightning, a bien mis les choses en perspective après l’échec des siens : « Obtenir autant de points en saison, c’est à la fois une bénédiction et une malédiction. Tu ne joues pas de matchs significatifs durant une longue période. Et d’un seul coup, tu dois augmenter la cadence. Ce n’est pas une excuse. C’est la réalité. »

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Contre le Canadien, le Lightning aurait peu à peu retrouvé ses marques au fil des matchs. Contre les Blue Jackets, à la fois lourds, créatifs et disciplinés, la mission est devenue quasi impossible. Les joueurs l’ont sans doute compris, ce qui explique le geste inutile de Nikita Kucherov à la fin du deuxième affrontement, qui lui a valu une suspension d’un match.

L’absence de Victor Hedman a miné encore plus le moral du Lightning. Pendant ce temps, les Blue Jackets ont gagné en confiance. Matt Duchene a joué du hockey remarquable, Pierre-Luc Dubois et Artemi Panarin aussi. Quand une équipe trouve ainsi son rythme, et qu’elle devient sûre de ses moyens, il est très difficile de l’arrêter.

Les joueurs des Blue Jackets ont beaucoup de mérite, leur entraîneur-chef Tortorella aussi. Son style cassant ne fait pas l’unanimité, mais il a plus d’un tour dans son sac. La médaille d’or revient néanmoins à leur directeur général Jarmo Kekäläinen. Son cran est impressionnant. Il risque de perdre des joueurs étoiles au cours de l’été, mais le jeu en aura valu la chandelle si son équipe bataille pour la Coupe Stanley. Avant cette semaine, les Blue Jackets n’avaient jamais remporté une série éliminatoire depuis leur entrée dans la LNH en 2000. Il a jugé que l’attente avait assez duré.

Évidemment, si son équipe baisse pavillon au deuxième tour, son pari ne sera pas gagnant. Mais son risque en vaut la peine. Il faut applaudir un gestionnaire osant porter un coup audacieux après avoir analysé à fond la situation.

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Dans les prédictions des journalistes de La Presse publiées avant le début des séries, j’ai choisi les Blue Jackets pour éliminer le Lightning en sept matchs. Je n’ai évidemment pas prévu ce balayage, mais suis tout de même heureux d’avoir sélectionné l’équipe gagnante.

En revanche, et les fidèles de cette chronique s’en souviennent peut-être, j’ai eu moins de succès avec mes prévisions concernant Tiger Woods. À quelques reprises au cours des dernières années, j’ai écrit qu’il ne remporterait plus de titre majeur de sa carrière. Erreur.

PHOTO LUCY NICHOLSON, REUTERS

Tiger Woods a remporté le Tournoi des Maîtres dimanche.

Ma conclusion était basée sur son cheminement chaotique des dernières années, sur les plans sportif et personnel. Mais par-dessus tout, je ne le croyais plus capable d’intimider ses rivaux par sa seule présence sur le terrain. Je croyais la génération montante à l’abri de ce phénomène. Deuxième erreur.

On a vu dimanche comment Tiger a soulevé le doute chez ses adversaires. Le tournant est survenu au 12e trou, quand ses partenaires de jeu Francesco Molinari et Tony Finau ont tous deux expédié leur balle à l’eau sur cette diabolique normale 3. Ils savaient pourtant que Brooks Koepka et Ian Poulter, qui jouaient juste devant eux, venaient de commettre cette erreur. Mais ils ont été incapables de s’ajuster. Tiger a choisi un coup moins risqué qui lui a été profitable. Il a géré la situation avec confiance.

Des joueurs croyant en leurs capacités, peu importe qu’il s’agisse d’un Blue Jacket ou d’un Veston vert, ont une longueur d’avance sur leurs rivaux. Ils peuvent ainsi causer des surprises retentissantes… même en étant des négligés et même à 43 ans. C’est la magie du sport.

Tiger ajoutera-t-il d’autres titres majeurs à sa collection ? Et pourquoi pas ? Après tout, Tom Watson a failli remporter l’Omnium britannique à l’âge de 59 ans. Il lui reste donc plusieurs années à un très haut niveau.