Qui suscite le plus d'attention depuis le début des Jeux olympiques? Non, ce n'est pas un athlète, mais plutôt les meneuses de claques de la Corée du Nord. Depuis leur arrivée à PyeongChang, leurs sorties déclenchent un intérêt fou.

Il est en effet fascinant de voir ce groupe de 200 jeunes femmes, triées sur le volet par le régime, effectuer leurs routines avec une précision robotique et un minimum de sourires. Leurs gestes sont fluides, mais l'interprétation est sans émotion.

Entre leurs numéros, elles restent assises, tenant leurs mains jointes dans la même position. Elles échangent parfois furtivement un mot entre elles et sont encadrées par des hommes aux extrémités des rangées de sièges. Tout cela ne contribue pas à adoucir l'image de ce pays coupé du monde et qui brandit la menace nucléaire depuis plusieurs mois.

Mercredi matin (heure locale), au Palais des glaces de Gangneung, je me suis retrouvé à trois pas d'elles lorsque leurs compatriotes Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik ont amorcé leur programme court, première épreuve de patinage en couple. Elles les ont accueillis en agitant de petits drapeaux nord-coréens, gardant dans leur sac celui de la Corée unifiée, utilisé durant les matchs de hockey féminin.

La performance de Ryom Tae-ok et Kim Ju-sik était attendue depuis longtemps. Si 22 athlètes de la Corée du Nord participent aux Jeux, ils sont les seuls s'étant qualifiés à la régulière en compétition internationale. Dans leur coin, on retrouvait leur entraîneur, le Québécois Bruno Marcotte.

L'été dernier, les deux patineurs ont séjourné huit semaines à Montréal pour augmenter leur niveau. Bonne décision. Devant le public coréen charmé, ils ont patiné avec aisance et fluidité. Quand leur note a été annoncée, assez haute pour participer au programme long d'aujourd'hui, ils ont souri avec chaleur. Marcotte a enlacé Kim Ju-sik (le garçon) et c'était bien sympathique de voir ça.

Après coup, les deux Nord-Coréens ont livré un bref commentaire à la télé: «Nous avons senti l'énergie de la foule et cela nous a aidés», a dit Kim Ju-sik. Sa coéquipière a ajouté: «Nous sommes très heureux de participer à nos premiers Jeux olympiques et de rivaliser avec des duos d'autres pays.»

J'aurais aimé en entendre davantage. Mais contrairement à ce qui avait été annoncé, ils ne se sont pas arrêtés pour répondre aux questions des médias écrits, passant à côté de nous comme des patineurs de vitesse fonçant vers la ligne d'arrivée. Désolé, je n'ai pas pu leur demander s'ils ont découvert la poutine durant leur séjour au Québec.

Meagan Duhamel, qui a terminé au troisième rang de ce programme court avec son partenaire Eric Radford, a côtoyé les deux Nord-Coréens durant leur entraînement à Montréal. «J'ai essayé de les aider pour qu'ils mettent un peu plus d'énergie dans leur jeu de pieds, a-t-elle dit. J'étais contente de voir plus d'émotion, c'est un peu ce que je leur avais suggéré. C'est impressionnant de les voir. Ils étaient très heureux de leur performance et on les a félicités.»

Marcotte, de son côté, a préféré attendre 24 heures avant de livrer ses impressions. «Pour le moment, je dirai simplement ceci: ils ont fait leur travail et je suis très heureux pour eux.»

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PHOTO ROBERTO SCHMIDT, AFP

Kim Ju-sik, Ryom Tae-ok et l'entraîneur québécois Bruno Marcotte

En terminant 11e sur 22, les Nord-Coréens ont tout juste devancé le duo québécois de Julianne Séguin et Charlie Bilodeau. Eux aussi ont assez bien fait pour poursuivre la compétition aujourd'hui.

«Pour nous, le gros stress cette saison était de terminer parmi les trois premiers aux Championnats canadiens afin d'obtenir notre place aux Jeux, a dit Charlie. Il fallait être à notre sommet en janvier pour relever ce défi. Et aujourd'hui, on savoure notre baptême olympique.»

Julianne et Charlie incarnent la relève du patinage canadien, dont le visage changera profondément avec la retraite prochaine de plusieurs têtes d'affiche. Ils attendent avec impatience les Championnats du monde de 2020, présentés à Montréal. Et, bien sûr, les Jeux olympiques de 2022 à Pékin. «Nous, on commence!», lancent-ils, enthousiastes.

Josée Picard est l'entraîneuse de Julianne et Charlie. Elle a consacré sa vie au patinage artistique, une de ces travailleuses de l'ombre qui font progresser le sport québécois et canadien. Au fil de sa longue carrière, elle a dirigé des dizaines de patineurs, dont les entraîneurs Bruno Marcotte et Patrice Lauzon quand ils étaient enfants et adolescents. «On est comme une grosse famille», dit-elle.

Pour former un duo gagnant en patinage de couple, le garçon doit mesurer environ 12 po de plus que sa partenaire. Aussi a-t-elle perçu le potentiel de Julianne dans cette spécialité. «Des filles de 4 pi 10 po, il n'y en a pas beaucoup de nos jours, dit-elle. Les enfants sont tellement grands!»

Il y a cinq ans, les circonstances ont permis à Josée Picard de jumeler Julianne, une fille de Longueuil, à Charlie, un gars de Trois-Pistoles. Et ils progressent depuis ce temps. «Ils peuvent participer à deux autres Jeux olympiques», dit cette enthousiaste femme de 61 ans, qui compte bien accompagner ses protégés à Pékin dans quatre ans.

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Meagan Duhamel et Eric Radford viseront la médaille d'or lors du programme long. Mais la lutte est vive et ils devront offrir la performance de leur vie pour s'imposer.

«Aujourd'hui, l'objectif était de mériter une place dans le dernier groupe de patineurs lors du programme long, a expliqué Bruno Marcotte, qui est aussi leur entraîneur. Et ils ont réussi ! Les gagnants seront ceux qui composeront le mieux avec les attentes, et qui demeureront concentrés sur le travail à accomplir. J'aime nos chances.»

Duhamel et Radford n'ont pas réussi le meilleur programme court de leur carrière à PyeongChang. «Ils font mieux tous les jours à la maison, où ils sont évidemment plus relaxes, a ajouté Marcotte. Mais n'oublions pas une chose: si tu ne peux pas remporter la compétition avec ton programme court, tu peux très certainement la perdre. Et ils ont fait assez bien pour patiner dans le dernier groupe.»

Il y aura de la tension dans l'air quand les derniers patineurs joueront leur va-tout ce soir.

Photo Bernard Brault, La Presse

Julianne Séguin et Charlie Bilodeau incarnent la relève du patinage artistique canadien.