Non, ce titre n'est pas un quiz de connaissances générales. Les noms des deux villes se ressemblent, mais on sait bien que PyeongChang est la ville sud-coréenne où s'ouvriront les Jeux d'hiver au début de février. Et que Pyongyang est la capitale de la Corée du Nord.

Mais à Séoul ces jours-ci, c'est avec colère que le chef d'un parti de l'opposition conservateur lance cette phrase teintée de récrimination. Puisque le tapis rouge a été déroulé devant les Nord-Coréens pour faciliter leur participation aux Jeux, sont-ils en train de s'approprier l'évènement au détriment du pays hôte ? Le débat est émotif, car il touche au coeur des relations tendues entre les deux voisins, marquées par la terrible guerre du début des années 50.

L'affaire est si explosive que le gouvernement sud-coréen a réagi cette semaine, rapporte l'agence Reuters. « Il y a un mois à peine, de vives tensions secouaient la péninsule coréenne. Nous croyons que les Jeux olympiques seront un tremplin pour apporter la paix », a déclaré un porte-parole du président Moon Jae-in.

Bizarrement, c'est un sport sans racines en Corée qui incarne le débat : le hockey. Afin d'augmenter le nombre d'athlètes nord-coréens aux Jeux, les deux pays ont conclu un accord avalisé par le Comité international olympique (CIO) : l'équipe féminine de Corée du Sud accueillera 12 joueuses nord-coréennes dans ses rangs, portant exceptionnellement son effectif à 35 membres. L'équipe sera connue sous le nom de « Corée », faisant abstraction des désignations « du Nord » et « du Sud ».

Durant les matchs, la Corée sera limitée à 22 joueuses, le même nombre que ses adversaires. Mais au moins trois d'entre elles devront être du Nord. Cet arrangement provoque de vives réactions. Des joueuses sud-coréennes, qui s'entraînent avec l'équipe depuis longtemps, verront leur utilisation réduite.

On peut comprendre leur frustration et celle de milliers de leurs compatriotes. Mais un enjeu supérieur est en cause. Si le mouvement olympique peut agir comme levier pour apaiser les relations tendues entre la Corée du Nord et tous ses voisins, il faut saisir l'occasion. Tout cela dépasse largement le cadre du sport. Et au lieu de dénoncer le président de Corée du Sud, un promoteur de cette initiative, il faut l'en féliciter. L'essentiel est de rétablir des canaux de communication entre deux pays divisés. Cela favorisera la reprise du dialogue.

La situation entraîne un effet imprévu. En l'absence des joueurs de la LNH, on croyait que le hockey générerait moins d'intérêt à PyeongChang qu'aux Jeux précédents.

Mais voilà que le tournoi féminin prend une dimension unique dans les annales olympiques. Les matchs de l'équipe coréenne unifiée susciteront une couverture monstre. Comment ce club déjà historique se débrouillera-t-il ? Trouvera-t-il un semblant d'unité ?

Un lourd mandat attend son entraîneuse, une Canado-Américaine de 29 ans, Sarah Murray. Elle est la fille de l'ex-pilote de la LNH Andy Murray, qui a dirigé les Kings de Los Angeles et les Blues de St. Louis. Des centaines de coachs seront à PyeongChang. Mais aucun d'eux ne se retrouvera sur la sellette autant que cette ancienne joueuse de 29 ans.

Le défi de Sarah Murray est formidable : intégrer le contingent nord-coréen sans rompre la chimie de son équipe, développée depuis plusieurs mois. Avec les yeux du monde pour surveiller comment elle se débrouillera. Et toute la société sud-coréenne pour commenter cette affaire très émotive. Elle n'avait sûrement pas imaginé cette tournure des évènements en acceptant l'emploi.

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Décidément, ces Jeux sont déjà ceux de la controverse. Le dossier du dopage russe à Sotchi vient de rebondir avec éclat, faisant des mécontents dans tous les camps.

Le CIO a annoncé que sur un pool initial de 500 athlètes russes, 389 demeuraient admissibles aux Jeux de PyeongChang. Même si tous ceux suspendus pour dopage ont été exclus, la décision a créé un choc. Bien des gens croyaient à tort que les sanctions annoncées par le CIO le mois dernier réduiraient considérablement le contingent russe à PyeongChang.

À cela s'est ajoutée une nouvelle anecdotique, mais qui a laissé une curieuse impression. Les tenues des athlètes russes, qui concourront sous l'appellation « Athlètes olympiques de Russie », ont été dévoilées.

Sur ces images léchées, on voit de jeunes sportifs portant de splendides vêtements. Ce défilé de mode virtuel était-il nécessaire ? Un peu de retenue aurait été de mise. Remarquez que le CIO voulait aussi démontrer que les Russes ont respecté les consignes leur interdisant toute ressemblance avec leurs uniformes habituels.

Au moment où les Russes semblaient s'en tirer plutôt bien, un rebondissement est survenu. On a appris que des athlètes de premier plan, pourtant jamais suspendus pour dopage, faisaient partie du groupe des recalés par le comité d'examen du CIO. Parmi eux, Viktor Ahn, champion de patinage de vitesse sur courte piste.

Des officiels russes ont crié au scandale et la menace d'un boycottage a repris vie, avant de s'évanouir de nouveau. Thomas Bach, le président du CIO, a affirmé qu'il ne devait pas exister « le moindre doute ou soupçon » à propos des athlètes invités, ce qui n'était manifestement pas le cas de quelques grands noms.

Même si on accueille avec prudence les propos de Bach, reconnaissons que le comité d'examen a pris des décisions difficiles. Sa présidente est Valérie Fourneyron, ex-ministre des Sports de la France.

Hier, le Comité olympique russe a annoncé que 169 athlètes du pays seraient à PyeongChang. Mais le dossier n'est pas réglé pour autant. Trente-neuf athlètes suspendus en décembre dernier à la suite de la tricherie de Sotchi ont porté leur cause en appel. Le Tribunal arbitral du sport devrait rendre sa décision la semaine prochaine. S'ils obtiennent gain de cause en tout ou en partie, cela provoquera une crise aux proportions inouïes.

Les Sud-Coréens n'ont pas à s'inquiéter. Avant même la cérémonie d'ouverture, leurs Jeux font déjà partie de l'histoire.

Photo David J. Phillip, Archives Associated Press

Viktor Ahn, champion de patinage de vitesse sur courte piste, a été décoré de six médailles olympiques depuis le début de sa carrière.