Bon, permettez-moi de ne pas trouver beaucoup de réconfort dans la deuxième période du Canadien vendredi à Anaheim, seul moment où l'équipe a menacé à répétition le gardien rival durant cette désastreuse expédition en Californie.

J'ai plutôt l'impression que les Ducks, croyant la victoire dans le sac après 20 minutes de jeu, ont connu une baisse de régime momentanée. Lorsqu'ils ont de nouveau appuyé sur l'accélérateur en troisième, l'affaire s'est réglée le temps de dire pif, paf, pof. Le Canadien a encaissé trois buts rapides et ce fut la fin des émissions. Cela témoigne du manque de caractère du club et de sa faiblesse sur tous les plans.

Quand, après un voyage de trois matchs, le fait d'armes de Carey Price est d'avoir fracassé son bâton contre le poteau du but, et celui de Max Pacioretty est une déclaration digne d'un parolier sans inspiration - «J'ai l'impression d'être seul dans une île» -, c'est signe que les choses vont très mal.

Alors, vous faites quoi si vous êtes Geoff Molson? Vous montrez la sortie à Marc Bergevin? Les surprises sont possibles, mais je doute fort de l'imminence de ce scénario. Mercredi dernier, le président-propriétaire du CH a rappelé combien la «stabilité» et la «continuité» au sein de l'organisation étaient importantes pour lui. Et il a dit toute sa «confiance» envers les dirigeants de l'équipe.

Cela dit, M. Molson est aussi à l'écoute des fans. Il n'ignore pas que le travail de son DG est contesté de toutes parts. Soyons clairs : à part l'acquisition de Jonathan Drouin, Bergevin a connu un été pénible. Il faut une bonne dose d'aveuglement pour affirmer, comme il l'a fait le mois dernier, que la défense du CH serait meilleure cette saison.

Le plus troublant dans cette déclaration, c'est qu'elle reflétait sûrement un sentiment général au sein de ses adjoints. Tous ces gens, embauchés en raison de leurs connaissances en hockey, ont collectivement commis une grave erreur d'appréciation. Et cela, M. Molson ne peut l'ignorer. Est-ce suffisant pour le faire douter de leur capacité à corriger la situation?

La réponse à cette question n'est pas évidente. Pour l'instant, il se conforte en évaluant le rendement de l'équipe au cours des cinq dernières années - une fiche qui, à défaut d'être géniale, est acceptable - plutôt que d'isoler les ennuis actuels.

Dans cet environnement où le sol se dérobe sous le Canadien, un élément est très inquiétant. La direction a des ennuis à regarder la réalité en face. La réaction molle du printemps dernier, après l'élimination rapide contre les Rangers de New York, l'illustre à merveille.

Au lieu de prendre acte des lacunes de l'équipe, Marc Bergevin et Claude Julien ont expliqué qu'elle avait obtenu plus de chances de marquer durant cette série. Ces propos ne sont pas anecdotiques. Ils indiquent plutôt que dans leur esprit, le Canadien a été victime d'un mauvais coup du sort et non pas de ses propres limites. Cette attitude a forcément influencé les décisions qui ont suivi.

Résultat, le CH s'est senti assez fort pour sacrifier des éléments importants de sa défense, comme si on avait cru que la présence du duo Price-Weber serait suffisante pour éviter les malheurs. Ce n'est pas le cas, comme on le constate aujourd'hui. Au hockey, les erreurs de l'été se paient à l'automne.

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M. Molson est dans une position délicate. Si le Canadien ne profite pas de ses trois matchs à Montréal cette semaine pour renverser la vapeur, les partisans, dont la colère est déjà évidente, perdront complètement patience.

Pour la première fois depuis que M. Molson a pris le contrôle de l'organisation, le lien de confiance est menacé. Or, des fans désabusés dépensent moins de leurs dollars discrétionnaires dans l'achat de produits offerts par l'équipe : billets, restauration, souvenirs...

Alors comment redonner espoir aux partisans? S'il évoque sûrement des pistes de solution avec son DG, M. Molson ne peut tout de même pas lui dicter quoi faire. Le vice-président d'une entreprise a besoin de latitude dans l'exercice de ses fonctions. C'est vrai au hockey comme dans les autres secteurs.

Il reste maintenant à savoir comment Bergevin réagira aux malheurs de son équipe. Se sentira-t-il coincé au point de conclure à tout prix une transaction? Il existe là un danger réel : agir dans la précipitation est par définition risqué. En revanche, le DG ne peut regarder le navire couler sans réagir. Ce fut sa stratégie après la blessure de Carey Price à l'automne 2015. On connaît la suite : le CH a connu une saison misérable. Bref, Bergevin est dans une situation délicate. En sortir gagnant ne sera pas simple.

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Suffit d'écouter les commentaires de Claude Julien pour comprendre qu'il est aussi secoué par la tournure des évènements. Quand un entraîneur de son expérience avoue ne pas avoir «d'explications» pour justifier l'incapacité de son équipe à coller 60 bonnes minutes de jeu, on comprend que les problèmes sont profonds.

Un de ceux-là est certainement le manque d'émotion. Les trois leaders (Price, Weber, Pacioretty) sont des gars très calmes, à première vue un atout dans le sport professionnel. Mais à l'occasion, il faut aussi savoir provoquer des étincelles. Ce n'est pas normal que Paul Byron et Andrew Shaw soient les seuls joueurs semblant avoir toujours le couteau entre les dents. Manifestement, l'échange de P.K. Subban, qui devait renforcer le leadership dans le vestiaire, n'a pas encore donné tous les fruits espérés.

Le Canadien amorce une semaine clé. La visite des Panthers de la Floride, des Kings de Los Angeles et des Rangers de New York est l'occasion de redresser la barre. Sinon, ce ne sera plus seulement le capitaine qui se sentira seul dans son île, mais toute l'équipe, président et DG compris.