Bien sûr, des surprises demeurent possibles dans cette série, et un rebond des Rangers n'est pas à écarter. Mais comment ne pas croire aux chances du Canadien après le match de dimanche au Madison Square Garden? Ce fut une performance remarquable, combinaison de jeu méthodique en défense et créatif en attaque, qui a laissé les «Blue Shirts» désarçonnés.

Du coup, Alain Vigneault est pris à son propre jeu. Avant le début de cette série, sûrement pour s'amuser un peu, il a vanté ses adversaires avec une générosité suspecte. Le Canadien est clairement le favori, a-t-il dit, ajoutant qu'une équipe comptant sur un ailier de quatrième trio talentueux comme Alex Galchenyuk était à l'évidence très bonne.

Mais voilà que les facéties de Vigneault, qui aime bien animer la conversation, lui rebondissent en plein visage. Oui, le Canadien est désormais favori pour gagner cette série et, oui, le talent de Galchenyuk ne soulève aucun doute. Au point où son séjour sur le quatrième trio n'aura duré que quatre périodes.

Comme analyste, Vigneault a vu juste jusqu'à maintenant. Ce n'était pourtant pas son but. Il a simplement voulu endormir ses rivaux en utilisant une recette vieille comme la lune. Mais aujourd'hui, ce sont ses joueurs qui sont empêtrés dans un profond sommeil. Et celui-ci dure depuis la troisième période du match de vendredi au Centre Bell. 

En saison, pareil passage à vide ne cause guère de dommages. En séries, c'est une autre histoire. Après les Blue Jackets de Columbus et le Wild du Minnesota, les Rangers le constatent à leur tour.

Aux quatre coins de la LNH, c'est d'ailleurs l'élément le plus inhabituel de ce premier tour : l'engourdissement d'équipes capables de beaucoup mieux. Elles sont battues sur la glace, mais aussi psychologiquement. Un entraîneur peut toujours apporter des correctifs techniques pour renforcer un aspect du jeu. Mais rebâtir le moral de sa troupe est un enjeu beaucoup plus délicat. John Tortorella, par exemple, devra convaincre ses joueurs qu'ils peuvent arrêter Sidney Crosby. Bonne chance!

Pour Vigneault, le défi est maintenant de persuader les siens qu'ils peuvent encore s'imposer devant le Canadien. Cette confiance était complètement absente dimanche. Par grands bouts, les Rangers étaient démunis, incapables d'organiser des attaques le moindrement soutenues. «Notre quatrième trio est notre meilleur trio», a constaté Vigneault après cet échec douloureux.

Cette autre excellente analyse du coach des Rangers n'augure cependant rien de bon pour son club.

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Chez le Canadien, plusieurs joueurs se distinguent, Alexander Radulov en tête. Quand on marque un but en déjouant l'adversaire comme il l'a fait dimanche, c'est la preuve d'un talent bien spécial. Devant ce tour de magie, les fans des Rangers ont peut-être pensé à Odell Beckham fils, le receveur des Giants de New York (NFL) célèbre pour ses spectaculaires attrapés d'une seule main. Des jeux pareils demeurent longtemps dans nos mémoires.

Shea Weber joue aussi avec assurance et donne le ton à la défense du CH. Et n'oublions pas Tomas Plekanec qui a - et de loin! - marqué le but le plus important du Canadien jusqu'ici cette saison. S'il n'avait pas créé l'égalité en fin de troisième période vendredi, la trame narrative de cette série serait différente. Cette réussite a rompu la digue bâtie par les Rangers.

Cela dit, Claude Julien est le grand héros du CH au cours de la dernière semaine. La manière dont il a regroupé les siens après le revers de mercredi est exceptionnelle. Il est demeuré calme et confiant. Et il a manifestement transmis cette attitude à ses joueurs. 

Le Canadien provoque des choses sur la patinoire au lieu d'adopter une attitude attentiste. Cela fait toute la différence.

Résultat, dans cette lutte entre deux clubs rapides, le Canadien a montré une vitesse supérieure tout au long du match de dimanche. Les Rangers n'ont jamais été proactifs, se contentant de réagir à ces multiples charges dans leur territoire. Et ce n'est pas avec des attaques si peu soutenues qu'ils marqueront beaucoup de buts aux dépens de Carey Price.

D'ailleurs, qui aurait pensé que le Canadien prendrait l'avance dans cette série sans que Price soit la véritable bougie d'allumage? Très solide devant son filet, le numéro 31 n'a cependant pas eu à «voler» un match, comme c'est si souvent le cas quand le Canadien connaît du succès.

C'est d'autant plus inquiétant pour les Rangers. Car s'ils retrouvent leur flair en territoire adverse, ils risquent de se buter aux petits miracles de Price. Bref, les New-Yorkais ont beaucoup de problèmes à résoudre dans un court laps de temps.

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Le Canadien profitera d'une chance unique de porter un coup presque fatal aux Rangers ce soir. Une troisième victoire et le moral de leurs rivaux chutera d'un autre cran. Il deviendrait alors très difficile pour eux de renverser la vapeur.

Le Canadien a poussé les Rangers dans les câbles. Oui, il ne mène la série que deux matchs à un, mais son avantage psychologique est significatif. Vigneault doit vite s'ajuster. En sera-t-il capable? Car jusqu'à maintenant, dans la lutte entre les deux coachs, c'est avantage Julien.

La tournure des événements me rappelle le commentaire de Mike Babcock quand les Bruins de Boston ont congédié Julien, en février dernier. «Un très bon homme, et un coach encore meilleur, avait dit le pilote des Maple Leafs de Toronto. Quelqu'un, quelque part, est aujourd'hui très heureux.»

Ce «quelqu'un» s'est révélé être Marc Bergevin, qui a embauché Julien une semaine plus tard.

Quant au mot de Babcock, il nous rappelle ceci : un grand entraîneur sait toujours en reconnaître un autre.