D'un côté, les Cubs de Chicago, qui n'ont pas gagné le championnat depuis 1908 ; de l'autre, les Indians de Cleveland, dont le dernier titre remonte à 1948.

Pour imaginer une Série mondiale plus attrayante, il faudrait la présence des Expos! Mais puisque ce n'est pas le cas, avouons que cet affrontement s'annonce formidable. (Conseil aux partisans du Canadien: si vous trouvez inacceptable que l'équipe n'ait pas remporté la Coupe Stanley depuis 23 ans, n'allez pas vous en plaindre aux fans des Cubs et des Indians, ils le prendront très mal.)

Voici cinq bonnes raisons de ne rien manquer de cette série.

1. La victoire sera historique

Depuis toujours, une chose n'a pas changé au baseball: pour gagner, il faut de bons lanceurs.

Au début du XXe siècle, Orval Overall était un pilier des Cubs au monticule. Le 14 octobre 1908, ce grand droitier régla le sort des Tigers de Detroit en moins de 90 minutes, n'accordant que trois coups sûrs et retirant dix frappeurs sur des prises. Cette exceptionnelle performance - il tint en échec le légendaire Ty Cobb - permit aux Cubs de remporter une quatrième victoire dans cette série et, du coup, le titre de champions du monde.

Si on avait alors dit à l'ami Orvie - c'était le surnom d'Orval Overall - que les Cubs attendraient au moins 107 ans avant de renouveler l'exploit, il ne l'aurait sans doute pas cru.

Cette série Cubs-Tigers n'attira pas les foules. À peine 6210 amateurs assistèrent au dernier match, présenté à Detroit. Et les recettes globales aux guichets furent inférieures à 100 000 $, un fait mis en lumière par les journaux de l'époque. Non, l'intérêt pour la «business» du sport n'est pas un phénomène nouveau.

En 2016, la demande pour les billets de la Série mondiale est fulgurante. Ce n'est pas étonnant, puisque des générations entières de partisans des Cubs et des Indians n'ont jamais vu leur équipe se rendre jusqu'au bout. Peu importe les gagnants, il s'agira d'une victoire historique. Voilà pourquoi sur les sites de revente, le coût moyen d'un siège est de 3000 $. Selon ESPN, certaines places frôlent même les 20 000 $.

2. Un rappel de l'époque Lou Boudreau

En 1948, à l'issue du calendrier régulier, les Indians et les Red Sox de Boston étaient à égalité au premier rang de la Ligue américaine. Pour la première fois dans l'histoire du «jeune» circuit, un match éliminatoire était nécessaire pour déterminer qui se faufilerait en Série mondiale.

Les Indians étaient menés par un joueur-gérant: le formidable arrêt-court Lou Boudreau, nommé à la barre de l'équipe en 1942, au jeune âge de 24 ans.

Ce jour-là, Boudreau fut sensationnel. En plus de diriger son équipe, il cogna deux circuits et deux simples. Les Indians remportèrent une victoire convaincante de 8-3 au Fenway Park. «Lou Boudreau a offert une performance rarement égalée par un joueur dans un match si important», écrivit le New York Times.

Quelques jours plus tard, les Indians remportèrent la Série mondiale contre l'autre équipe de Boston, les Braves, champions de la Ligue nationale. Un des matchs au vieux stade de Cleveland attira 86 000 spectateurs.

Pour célébrer ce championnat, un défilé eut lieu dans les rues de la ville. Des dizaines de milliers de personnes se massèrent le long du parcours pour crier leur joie.

Quelle récompense fut versée aux joueurs des Indians? Le New York Times du lendemain fournit la réponse: «Le propriétaire Bill Veeck leur a dit qu'ils pouvaient garder leur uniforme et leur coupe-vent en souvenir d'une année excitante dans leur vie.»

Les temps ont bien changé. Mais en cas de victoire des Indians, l'enthousiasme à Cleveland rappellera celui de la fabuleuse époque de Lou Boudreau.

3. Un exploit à la portée de Theo Epstein

Le «patron baseball» des Cubs est âgé de 42 ans et il est considéré comme un génie. Après être devenu le roi de Boston en 2004, Theo Epstein pourrait accéder au trône à Chicago.

Le parcours professionnel d'Epstein est unique. En 2002, les Red Sox de Boston sont à la recherche d'un nouveau DG. Leur objectif: embaucher Billy Beane, des Athletics d'Oakland. À la tête d'une équipe aux revenus modestes, il accomplit des miracles en utilisant les statistiques avancées. Au bout du compte, l'affaire ne se concrétise pas. Les Red Sox confient alors le poste à Epstein, déjà membre de leur organisation. À 28 ans, il devient le plus jeune DG des majeures.

On connaît la suite. Deux saisons plus tard, les Red Sox remportent leur première Série mondiale en 86 ans, se libérant ainsi de «la malédiction du Bambino», le prix à payer pour avoir échangé Babe Ruth aux Yankees de New York après la saison 1919.

Les Cubs, eux, sont aux prises avec «la malédiction de Billy-la-chèvre». Durant la Série mondiale de 1945, un partisan fut expulsé du Wrigley Field parce qu'il était accompagné de sa chèvre, qui dégageait une odeur indisposant des spectateurs. En quittant les lieux, il aurait promis le malheur aux Cubs, qu'il jugeait arrogants envers son petit animal!

Les fans des Cubs espèrent qu'Epstein, qui s'est joint à l'organisation en octobre 2011, «renverse la malédiction» comme il l'a fait à Boston. En cas de succès, il aura conduit au sommet deux célèbres organisations du baseball majeur après des années de frustration. L'exploit serait considérable.

4. Terry Francona contre Joe Maddon

Les partants des Cubs contre les releveurs des Indians.

La puissance des Cubs contre la rapidité des Indians.

Le jeune Kris Bryant, troisième-but des Cubs, contre le jeune Francisco Lindor, arrêt-court des Indians.

Oui, les rivalités sont nombreuses dans cette série. La plus intéressante, qui aura l'allure d'une partie d'échecs, opposera Joe Maddon à Terry Francona.

Les deux gérants comptent parmi l'élite de leur profession. Maddon dirige les Cubs depuis deux ans. Entre 2008 et 2015, il a remporté trois titres de gérant de l'année (deux dans l'Américaine, un dans la Nationale). Il a obtenu beaucoup de succès à la barre des Rays de Tampa Bay, une équipe à petits moyens.

Francona, lui, a guidé les Red Sox à la Série mondiale en 2004 et en 2007. Comme Maddon, il est un gérant près de ses joueurs. La réussite des deux hommes illustre ceci: la communication est le meilleur atout pour tirer le maximum des athlètes d'aujourd'hui.

5. Qui va gagner?

Les Cubs sont les grands favoris. Leur défense est exceptionnelle. Ils ont même un coordonnateur «chargé de la prévention des points», pour reprendre l'amusante expression de Sports Illustrated.

Tout favorise les Cubs. Voilà pourquoi je choisis les Indians pour l'emporter en sept matchs. J'aime bien les négligés.