De retour de Toronto, voici mes réflexions sur cinq acteurs de la série entre les Blue Jays et les Indians de Cleveland.

UN ESPRIT LIBRE: JOSE BAUTISTA

Joe Maddon, le gérant des Cubs de Chicago, affiche parfois une citation célèbre dans le vestiaire pour inspirer ses joueurs. Avant le match de mercredi, un journaliste a demandé à John Gibbons quelle phrase historique il choisirait s'il empruntait cette idée.

«Je laisserais la décision à Jose Bautista!»

Le gérant des Blue Jays ne semble pas le genre de gars à épingler au mur une pensée profonde de Winston Churchill ou de Vince Lombardi pour motiver ses troupes. Mais en suggérant à la blague que Bautista remplirait bien cette mission, il a rappelé à sa façon combien son joueur vedette est à l'aise avec les mots, les déclarations originales et la controverse.

En 2016, Bautista a écoulé la dernière année de son contrat de cinq saisons et 65 millions. Une belle somme, certes, mais compte tenu de son apport à l'équipe, ce fut une aubaine pour les Blue Jays. Son fameux bat flip d'octobre 2015 a consacré la renaissance de l'organisation après des saisons difficiles. Le geste contenait un message: cette équipe devait être prise au sérieux.

Bautista est maintenant joueur autonome. À moins d'une surprise, il a disputé son dernier match avec les Jays, et c'est bien dommage. Sa personnalité est formidable pour le baseball et on s'ennuiera de cet esprit libre. Il n'a jamais hésité à livrer le fond de sa pensée sur des sujets divers.

Hélas, sur le plan des prédictions, Bautista a raté sa sortie. Il a imprudemment annoncé que Ryan Merritt «tremblerait dans ses bottines» lors du match de mercredi. Le jeune lanceur des Indians a plutôt excellé, retirant même Bautista deux fois.

Le voltigeur des Blue Jays a souvent été blessé cette saison. Âgé de 36 ans et moins efficace en défense, il n'obtiendra pas le contrat à long terme qu'il souhaite. Mais s'il évite les blessures, il demeurera un joueur d'impact dans la Ligue américaine, où les frappeurs désignés valent leur pesant d'or.

SUR LA SELLETTE: JOHN GIBBONS

Comment reprocher quoi que ce soit à un gérant ayant conduit son équipe à deux présences consécutives en finale de la Ligue américaine? Pourtant, John Gibbons sera sur la sellette la saison prochaine.

Gibbons a été embauché par l'ancienne administration de l'équipe. Sa personnalité débonnaire cadre mal avec le style des nouveaux patrons, des gens cartésiens et qui ont leur propre réseau dans le baseball.

Avec son ton amical, Gibbons est un homme populaire à Toronto. Pour l'instant, il a le soutien de ses patrons. «J'ai été impressionné par son aplomb, sa constance et son leadership, surtout au cours d'une saison difficile comme celle-ci», a dit Mark Shapiro au National Post après l'élimination des Blue Jays. Du coup, le président de l'équipe a confirmé le retour de Gibbons à la barre de l'équipe.

Malgré cette marque de confiance, je n'ai pas l'impression que l'organisation sera très patiente avec lui en cas de mauvais début de saison en 2017.

RETOUR AU SOMMET: TERRY FRANCONA

Chaleureux dans ses relations avec ses joueurs, excellent communicateur et redoutable stratège, Terry Francona fait l'unanimité.

La manière dont le gérant des Indians a dirigé ses releveurs cet automne suscite l'admiration aux quatre coins du baseball majeur. Son audace explique en partie pourquoi les Indians participeront à la Série mondiale. Il a fait voler en éclats le modèle traditionnel. Un exemple: le gaucher Andrew Miller, un des meilleurs de sa profession, ne termine pas nécessairement les matchs.

Francona a amorcé sa carrière de gérant dans les majeures avec les Phillies de Philadelphie en 1997. Congédié après quatre saisons, il a ensuite occupé des rôles secondaires au sein de trois organisations. En 2004, il a pris en charge les Red Sox de Boston, qu'il a menés deux fois à la conquête de la Série mondiale.

Le séjour de Francona au Fenway Park a cependant pris fin dans la controverse. Après l'effondrement des Red Sox en 2011, on a appris que des lanceurs partants buvaient de la bière et mangeaient du poulet frit dans le vestiaire pendant que leurs coéquipiers disputaient des matchs! L'histoire a fait grand bruit.

À Cleveland, l'autorité de Francona ne fait aucun doute. «Tito», comme est surnommé l'ancien joueur des Expos, est de retour au sommet du baseball.

LA PASSION: JOSH DONALDSON

Josh Donaldson est un cas rare dans le baseball majeur. Même s'il célébrera ses 31 ans en décembre prochain, il demeure un joueur avec une expérience limitée. Résultat, il ne profitera pas de son autonomie avant l'hiver 2018. À moins d'être échangé, il s'alignera donc avec les Blue Jays pour au moins les deux prochaines saisons. Voilà une excellente nouvelle pour l'organisation et ses fans.

Depuis deux ans, Donaldson est le leader des Blue Jays. Son énergie sur le terrain est formidable. Ce gars-là vaut souvent le prix d'entrée à lui seul. «J'aime jouer au baseball, c'est une passion pour moi», a-t-il dit après l'élimination des siens, mercredi.

Des mots simples, certes, mais toujours agréables à entendre d'un athlète professionnel à haut salaire (11,6 millions cette saison et 17 millions l'an prochain dans son cas). Avec Donaldson dans la formation, les Blue Jays demeureront une équipe excitante en 2017.

L'AUTHENTIQUE: RUSSELL MARTIN

Russell Martin a connu de sérieux ennuis au bâton durant les séries éliminatoires. Sa moyenne a été de ,083 contre les Rangers du Texas et de ,118 contre les Indians de Cleveland. Malgré tout, son apport remarquable aux Blue Jays ne fait aucun doute. Pourquoi? Parce qu'il a dirigé les lanceurs avec succès.

«La performance des lanceurs est la clé pour atteindre les éliminatoires, a expliqué John Gibbons, mercredi. Dans sa carrière, Russell a participé aux séries 9 fois en 11 saisons. Voilà qui explique quel genre de receveur il est. Nous alignons beaucoup de jeunes lanceurs et il les a pris sous son aile depuis son arrivée avec nous. Plusieurs d'entre eux deviendront encore meilleurs. Et son impact sur leur développement aura été énorme.»

Gibbons a aussi mis en perspective les ennuis offensifs de Martin. «À cette période de l'année, les receveurs sont fatigués. Russell dispute beaucoup de matchs et il n'est plus un jeune joueur. Il a mal aux mains et aux jambes. Ça ne l'empêche pas d'atteindre les buts au moment opportun.»

Quelques heures plus tard, dans ce qui fut le dernier match de la saison des Blue Jays, Martin a réussi un simple après un retrait en cinquième manche. Mais l'équipe n'a pas profité de cette ouverture.

Martin est aussi un gars authentique. Tout au long de cette série, il a répondu aux questions des journalistes francophones avec générosité, même quand nos collègues anglophones, beaucoup plus nombreux, attendaient près de lui. Nous avons tous apprécié.

photo Nathan Denette, la presse canadienne

Jose Bautista