Imaginons que le retour des Expos se concrétise un jour. La tâche serait immense pour la nouvelle organisation. À l'intention de ses futurs dirigeants, voici cinq pistes d'action tirées de l'exemple des Indians de Cleveland et des Blue Jays de Toronto.

1. GÉRER À LA MANIÈRE DES INDIANS

La région de Cleveland n'a rien de commun avec les super-métropoles New York, Los Angeles ou Chicago. Les Indians gèrent donc serré. Oublions les contrats de 200 millions pour 10 ans à des vedettes. On mise sur le recrutement et des transactions opportunes.

L'arrêt-court Francisco Lindor, déjà une star, a été le huitième choix au repêchage de 2011. Le directeur du dépistage des Indians, Brad Grant, a expliqué au New York Times combien son organisation n'avait pas le droit à l'erreur en sélectionnant un espoir. « En raison de qui nous sommes, on doit frapper dans le mille avec tous nos choix. Si on se trompe, c'est difficile de compenser par la suite. »

L'excellent releveur gaucher Andrew Miller a été obtenu à la dernière date limite des transactions. Croyant possible d'atteindre la Série mondiale, les Indians ont cédé quatre espoirs aux Yankees de New York en retour de ses services. Avec un salaire annuel de 9 millions jusqu'en 2018, une aubaine pour un lanceur aussi brillant, Miller se classe au deuxième rang des joueurs les mieux payés de l'équipe. Pour les Indians, ce gros coup est profitable.

Le gérant Terry Francona soutient avec raison que les dirigeants des Indians sont d'une redoutable efficacité. « Ils passent un peu sous le radar, mais ils sont très organisés. »

Les Expos 2.0, sûrement pas une équipe à hauts revenus, devraient s'inspirer du modèle Cleveland.

2. UN BON COMMUNICATEUR COMME GÉRANT (MANIÈRE GIBBONS)

John Gibbons, le gérant des Blue Jays, est un gars qui semble ne pas trop s'en faire avec la vie. Si vous suiviez les Expos durant les années 80, pensez à Buck Rodgers et vous comprendrez tout de suite son style, celui d'un gérant calme et expérimenté, ayant la sagesse de ne jamais oublier combien les saisons sont longues.

Plus tôt cette semaine, Gibbons a été interrogé à propos de la pression sur son équipe. « Il y en a toujours dans cette business, a-t-il répondu. Mais la partie difficile est de se rendre en séries. Il faut maintenant apprécier le moment. Vous savez, la pression existe dans tous les secteurs. Nous, on gagne bien notre vie, on n'est pas inquiets à propos de notre prochain emploi ou de la façon dont on va faire vivre notre famille. Ça, c'est la vraie pression. »

Après avoir conclu son explication, Gibbons a lancé en souriant : « C'était mon côté philosophique... »

Le gérant est le visage d'une organisation. Il doit quotidiennement renouveler son discours, désamorcer les crises et faire preuve d'humour. Et comme Gibbons nous le rappelle, mettre les choses en perspective est un atout.

3. DES JOUEURS AVEC DU CHARISME (MANIÈRE LINDOR ET BAUTISTA)

Dans un monde idéal, les Expos 2.0 deviendraient vite une équipe gagnante. Mais au baseball majeur, à peine 10 équipes sur 30 participent aux séries. Et deux d'entre elles ne jouent qu'un seul match !

Pour maintenir l'intérêt des fans saison après saison, il est essentiel d'aligner quelques joueurs charismatiques. Les Jays, par exemple, comptent sur Jose Bautista, un vétéran ayant une opinion sur tout. 

« Il est un rêve pour les journalistes. Il dit ce qu'il pense et ne recule pas devant la controverse. En fait, je pense même qu'il en tire une source de motivation », a dit John Gibbons au sujet de Jose Bautista.

Chez les Indians, Francisco Lindor attire tous les regards avec son sourire éclatant, son sens du spectacle et ses exploits sur le terrain. Sur ses souliers de baseball, l'arrêt-court de 22 ans a inscrit les mots « Believe Land », cri de ralliement à Cleveland depuis la victoire des Cavaliers en finale de la NBA au printemps dernier.

Les Expos 2.0 devraient aussi imiter les Blue Jays et embaucher des Québécois de talent. Le DG Alex Anthopoulos a bâti le coeur de cette équipe et Russell Martin en a transformé l'attitude.

4. UN CONTRAT PAYANT DE TÉLÉ LOCALE (COMME LES INDIANS)

Le partage des revenus nationaux donne environ 60 millions US aux équipes des majeures chaque saison. Mais les sommes tirées de leur contrat local demeurent essentielles à l'équilibre de leurs finances.

Les anciens Expos ont beaucoup souffert à ce chapitre. Les sommes en jeu n'étaient pas celles d'aujourd'hui, mais ils étaient néanmoins en fin de peloton. Selon des estimations, les Indians de Cleveland empochent environ 40 millions par année. Et les Blue Jays ? Difficile de répondre, car ils sont la propriété de Rogers, qui détient aussi le réseau Sportsnet, diffuseur des matchs.

Si aucun réseau canadien ne voulait verser un joli magot pour retransmettre les matchs des Expos 2.0, l'équipe ne bouclerait pas son budget.

5. UN STADE AU CENTRE-VILLE (AVEC UN TOIT), COMME LES BLUE JAYS

Le Rogers Centre est situé en pleine ville, à distance de marche du quartier des affaires. Le voisinage est vibrant et compte des dizaines de restaurants et de boutiques. Les tours de condos poussent partout. Avant un match, lorsque des milliers de fans endossant un gilet aux couleurs des Blue Jays convergent vers le stade, l'ambiance est extraordinaire.

Grâce au toit amovible, aucun match n'est annulé par la pluie, un immense atout compte tenu de la température à Toronto. Et les gradins sont pleins même lorsqu'il fait froid en avril et en mai.

La mode n'est plus aux immenses édifices multifonctionnels comme le Rogers Centre. Mais les Expos 2.0 auraient tout de même besoin d'un stade avec un toit rétractable, idéalement une structure souple et économique. Sinon, le retour du baseball majeur à Montréal se transformerait en échec à moyen terme.

CONCLUSION

Le commissaire Rob Manfred ne cache pas son désir d'ajouter deux équipes aux ligues majeures durant son mandat. Le défi sera délicat, car les organisations ne souhaitent pas toutes diviser la tarte des revenus nationaux en 32 parts plutôt que 30. Mais si les Expos 2.0 voient le jour, les Indians et les Blue Jays de 2016 seraient une bonne source d'inspiration.