Depuis son arrivée aux commandes du Canadien en mai 2012, je n'ai jamais vu Marc Bergevin aussi optimiste à l'approche d'une nouvelle saison. Son ton demeure sobre, mais on perçoit l'étincelle dans ses yeux quand il déclare à propos de son équipe: «J'aime vraiment ce que je vois.»

Après la catastrophique saison 2015-2016, le DG du Canadien a refusé le statu quo. Il a chamboulé son équipe, notamment avec l'acquisition de Shea Weber, obtenu en retour de P.K. Subban.

Quand je lui demande s'il estime que cet échange définira d'une manière ou l'autre sa carrière, Bergevin répond: «Pas vraiment. Mon but est d'améliorer l'équipe, je travaille quotidiennement là-dessus, et ça ne changera pas. Bon, ce sera aux gens de décider, mais moi, je fais ce que j'ai à faire, et je regarde de l'avant. J'ai toujours dit que je n'étais pas ici pour être populaire. Et souvent, les bonnes décisions ne sont pas les plus populaires. Faut faire le mieux pour l'intérêt de l'équipe.»

J'ai rencontré Bergevin hier matin dans son bureau de Brossard. Très vite, la discussion a bifurqué sur la Coupe du monde de hockey, disputée le mois dernier à Toronto. La performance de Carey Price devant le filet d'Équipe Canada a manifestement réconforté le DG. Il rappelle son arrêt clé à la fin du deuxième match de la finale contre Équipe Europe.

Price, on s'en souvient, a stoppé un tir à bout portant de Marian Hossa. Une poignée de secondes plus tard, ses coéquipiers ont contre-attaqué et inscrit le but victorieux. «Si Carey ne fait pas cet arrêt, on doit disputer un match décisif deux jours plus tard», dit-il.

Bergevin évoque ce souvenir pour rappeler une grande vérité du hockey. Même une équipe puissante comme celle du Canada, alignant des attaquants et des défenseurs comptant parmi les meilleurs du monde, doit compter sur un gardien de premier plan pour s'imposer.

Le complet rétablissement de Price est donc plus qu'une bonne nouvelle pour le CH. Car aux yeux de Bergevin, le pourcentage d'efficacité de ses remplaçants a été insuffisant la saison dernière. Et les difficultés à répétition devant le filet finissent par miner le moral d'un club. Dans ces circonstances, ajoute-t-il, «même Scotty Bowman ou Toe Blake» n'auraient pas eu plus de succès derrière le banc.

Voilà pourquoi le DG a mal accepté les nombreuses critiques dont Michel Therrien a été la cible. Les liens entre ces deux-là sont tissés serré. Bergevin apprécie la loyauté de son coach. Et la lui rend bien. «Quand j'étais joueur, j'ai déjà vu le DG et l'entraîneur ne pas être sur la même longueur d'onde, dit-il. Ça fait des craques et les joueurs le ressentent. Michel et moi, on ne s'entend pas sur tout, on parle, parfois ça brasse, mais ça ne sort pas, les joueurs ne le sentent pas.»

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S'il ne veut plus parler de Subban - «La page est tournée», dit-il -, Bergevin ne se fait pas prier pour décrire Weber. En l'observant durant la Coupe du monde, il a apprécié la façon dont il entrait en contact avec les autres. Il se souvient de l'avoir croisé dans un restaurant où Weber partageait une table avec Sidney Crosby et John Tavares, deux des joueurs les plus réputés de la LNH. 

«J'ai beaucoup de respect pour Shea. Il est un homme avec de la prestance. Il met l'épaule à la roue et les gars embarquent avec lui.»

Dans l'esprit de Bergevin, aucun doute là-dessus: le Canadien est une meilleure équipe avec Weber. Pourtant, en matière de statistiques avancées, Subban affiche de meilleurs chiffres à plusieurs égards, selon des experts.

«Les statistiques avancées sont un outil utile, mais pas la mère de toutes les solutions», dit Bergevin, qui estime l'expérience «terrain» des gens de hockey essentielle à l'évaluation des joueurs. Ils voient si, en désavantage numérique, l'un d'eux refuse de se placer dans la ligne de tir, ou si une passe à un coéquipier dégagé aurait été préférable à une tentative de tir. «Je connais mes joueurs, dit-il. Quand je regarde leurs statistiques avancées, c'est parfois représentatif de mon évaluation, parfois non.»

Cette saison, le Canadien fait appel à de nouveaux spécialistes à ce chapitre. Bergevin veut notamment s'assurer que les informations nécessaires à l'élaboration de ces chiffres soient récoltées de manière uniforme après analyse vidéo.

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À sa cinquième saison au poste de DG du Canadien, Bergevin estime aligner une équipe incarnant bien son plan. «Ça s'approche vraiment, dit-il. On veut des joueurs qui se donnent pour le but commun et le succès de l'équipe. Les périodes difficiles sont inévitables, mais il faut passer à travers. La saison dernière, on en a été incapables, c'était flagrant...»

En plus du retour de Price, qui métamorphose l'équipe, Bergevin compte sur l'attaque massive pour donner un nouvel élan aux siens.

«Ce n'est pas simplement une question de marquer des buts, dit-il. Mais aussi de créer du momentum, de bouger la rondelle en territoire adverse, d'obtenir des occasions. Si tu permets à l'autre équipe de dégager continuellement, c'est elle qui s'empare du momentum.»

Avec la présence de Weber à la pointe, et la venue de Kirk Muller - un spécialiste de la question - comme entraîneur associé, Bergevin croit que le Canadien sortira de sa trop longue torpeur avec l'avantage d'un homme.

Les premières réponses tomberont dès demain. Mais avec le retour de Price, combiné aux arrivées de Weber, Alexander Radulov et Andrew Shaw, Bergevin sent manifestement le Canadien mûr pour un impressionnant rebond cette saison. Voilà pourquoi il semble serein comme jamais.

Photo Paul Chiasson, La Presse canadienne

Le complet rétablissement de Carey Price est une excellente nouvelle pour le Canadien.