La série commence cet après-midi et s'annonce enlevante. Après leur victoire spectaculaire de mardi contre les Orioles de Baltimore, les Blue Jays de Toronto ont maintenant rendez-vous avec les Rangers du Texas en demi-finale de la Ligue américaine.

Rappelez-vous la confrontation ayant opposé ces deux rivaux en octobre dernier: une tension à tailler au couteau, des émotions en rafale. Et un match décisif couronné par la remontée des Jays et le célèbre bat flip de José Bautista, fabuleuse bravade qui a provoqué une tempête dans le baseball majeur.

Bautista a-t-il voulu humilier ses adversaires en agissant ainsi? Bien sûr que non! Il a simplement célébré un moment magique pour son équipe et lui. Mais n'allez pas dire ça aux Rangers, qui ont encore l'affaire sur le coeur. En mai dernier, une mêlée a éclaté dans un match entre les deux clubs. Et Bautista a reçu une solide droite au visage de Rougned Odor. Sous l'impact, ses verres fumés et son casque protecteur ont revolé dans les airs.

Des évènements pareils laissent des traces. Ça promet pour cette série trois de cinq. Chaque balle lancée trop à l'intérieur risque de provoquer une explosion. Exubérants sur le terrain et la langue bien pendue durant les matchs, les Jays sont sans doute l'équipe la plus détestée de ses rivaux dans le baseball majeur. Et dans la liste de leurs ennemis, les Rangers occupent la première place.

Pour éviter un dérapage, les arbitres devront imposer leur autorité dès le début.

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Le circuit gagnant d'Edwin Encarnación mardi soir? Tout le plaisir du baseball se retrouve dans cette poignée de secondes électrisantes.

Son élan à peine complété, le puissant cogneur des Jays a levé les bras au ciel pendant que la foule explosait de joie. Mais la réaction de Matt Wieters, le receveur des Orioles, a illustré encore mieux la force du coup. Avant même que la balle ne franchisse la clôture, il a hoché la tête de dépit et amorcé sa marche vers l'abri des siens. La saison de son équipe était terminée.

Earl Weaver, le légendaire gérant des Orioles de Baltimore, disait qu'au baseball, l'arme par excellence est le circuit de trois points. S'il était toujours parmi nous, la défaite de «son» équipe l'aurait déçu. Mais Weaver aurait apprécié la façon de gagner des Jays, qui frappent comme l'éclair. Leur poussée victorieuse en 11e manche a été l'affaire de trois lancers consécutifs: un simple de Devon Travis, un autre de Josh Donaldson et le long coup d'Encarnación. Bing, bang, boum...

On reproche souvent aux Jays de trop se fier à la «longue balle» et d'en oublier l'ABC du baseball, ces stratégies offensives permettant de «fabriquer» des points: amorti, vol de but, court-et-frappe, simple au champ opposé... C'est vrai. Mais il est trop tard pour changer. Les Jays de 2016 survivront ou périront en respectant leur ADN.

Ces gars-là ne font pas dans la dentelle et leur gérant John Gibbons n'aura jamais la finesse d'un Felipe Alou. Avec eux, ça passe ou ça casse en s'élançant à fond.

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Ma prédiction? Les Jays élimineront les Rangers en cinq matchs. Comme l'impression que José Bautista et Edwin Encarnación prendront les moyens pour prolonger leur séjour dans l'uniforme torontois.

Les deux frappeurs deviendront joueurs autonomes plus tard cet automne. Bautista, qui aura bientôt 36 ans, a reçu un salaire de 14 millions US cette saison. Encarnación, qui fêtera ses 34 ans en janvier prochain, a empoché 10 millions US. Pour un joueur aussi performant (42 circuits et 127 points produits) et aussi constant (moyenne de 110 points produits au cours des cinq dernières saisons), il s'agit d'une aubaine.

Les Jays, une organisation prudente financièrement, laisseront sans doute aller Bautista, dont les demandes s'annoncent hors de proportion avec son potentiel futur.

Feront-ils une offre à Encarnación? Sûrement, mais celle-ci sera peut-être insuffisante. Il aimerait rester à Toronto, mais des organisations en manque de punch offensif pourraient lui offrir un contrat de plus longue durée, un élément souvent déterminant.

Voilà pourquoi les partisans des Jays doivent savourer le parcours de leurs favoris cet automne. Si Encarnación s'en va, l'équipe ne sera pas aussi performante la saison prochaine.

Un autre motif me fait choisir les Jays: le leadership de Russell Martin. Le receveur québécois a joué un grand match contre les Orioles. S'il ne s'est pas signalé au bâton, il a dirigé Marcus Stroman avec habileté durant les six premières manches.

Le jeune partant des Jays, dont le rendement en 2016 n'a pas été à la hauteur des attentes, avait énormément de pression. Lui faire confiance dans ce match crucial était risqué. Et s'il a bien fait, c'est beaucoup grâce à Martin.

Le receveur des Jays, et c'est une donnée exceptionnelle, participe aux séries éliminatoires la neuvième fois en 11 saisons dans les majeures! Ce gars-là peut changer l'ambiance d'une équipe. C'est d'ailleurs pourquoi l'ancien DG des Jays, Alex Anthopoulos, lui a consenti un contrat de cinq ans avant la saison 2015. Quelques mois plus tard, l'équipe a atteint les séries pour la première fois depuis 1993.

Un hasard? Pas du tout! Martin a réussi le même truc à Pittsburgh. Avant qu'il ne se joigne à eux en 2013, les Pirates avaient été exclus des séries pendant 19 saisons consécutives. Avec lui, ils ont enfin joué en octobre.

Russell Martin est un gagnant.

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Rob Manfred était à Toronto mardi. Le commissaire du baseball s'est de nouveau montré encourageant relativement à l'éventuel retour des Expos. Une expansion de deux équipes fait manifestement partie de ses projets. Mais il pourrait se buter aux résistances de certaines organisations peu désireuses de partager l'immense tarte des revenus nationaux en 32 parts plutôt que 30.

Les succès des Jays au cours des deux dernières années suscitent beaucoup d'intérêt au Québec. Et contribuent à faire revivre l'amour du baseball chez nous.

Suffit d'un seul idiot...

Vous avez vu la scène? En fin de septième manche mardi, un spectateur a lancé une cannette de bière vers le voltigeur de gauche des Orioles, Hyun Soo Kim, comme il s'apprêtait à capter un ballon. Le projectile est passé près de lui.

Ce n'est malheureusement pas la première fois qu'un incident semblable survient au Rogers Centre. Les fans des Blue Jays sont enthousiastes, mais certains n'arrivent pas à se contrôler. L'incident d'hier, diffusé partout en Amérique du Nord, était choquant. Et la réputation de Toronto a été écorchée. Il faudra éviter une autre affaire semblable durant le reste des séries. Suffit d'un seul idiot pour gâcher la fête.