Bon, c'est terminé, et ma foi, ce dernier match de la Coupe du monde sauve en partie l'image du tournoi, qui a si souvent manqué d'éclat durant la ronde des médailles.

Qui aurait imaginé un scénario pareil? Avec un Jaroslav Halak cuvée 2010 devant le filet, Équipe Europe est venue près de causer une énorme surprise et de provoquer la tenue d'un affrontement décisif. Cette courageuse formation s'accrochait à une avance de 1-0 avec moins de trois minutes à jouer au dernier tiers. Elle était si près de l'exploit, elle sentait la victoire au bout des doigts.

Mais la suite des évènements nous a rappelé une chose. Quand on évoque la résilience de la formidable équipe canadienne, quand on mentionne le leadership de ses meneurs, leur attitude gagnante et cette profonde confiance en leurs moyens, c'est l'entière vérité. Cette foi inébranlable en leur potentiel explique le spectaculaire revirement de situation auquel nous avons assisté.

En une poignée de secondes, Équipe Canada a inscrit deux buts et achevé ses opposants. Ce fut bref, ce fut explosif, ce fut formidable. On a assisté à une démonstration d'autorité qui renforcera encore la légende du hockey canadien.

Je l'avoue: après 10 jours à Toronto, j'avais cessé d'espérer qu'un match de ce tournoi me tienne enfin sur le bout de mon siège. Tout était si aseptisé. Et malgré l'affection et le respect qu'on peut éprouver pour Équipe Europe, il était difficile de croire qu'elle se relèverait du difficile échec de mardi, lorsqu'elle fut incapable de tirer avantage de la performance quelconque des Canadiens.

Mais les Européens ont montré qu'ils avaient du coeur. N'oublions pas ceci: ces deux matchs de la finale, ils les ont disputés «à l'étranger». La foule du Air Canada Centre était résolument derrière ses favoris. Quand on connaît l'importance de l'avantage de la glace au hockey, on comprend qu'il ne s'agit pas là d'un détail.

Le parcours d'Équipe Europe est formidable pour une autre raison. Sur papier, son potentiel n'approchait pas celui de ses opposants. Tenez, pour saisir l'écart sidéral entre les deux formations, sachez simplement que Tomas Vanek - oui, oui, l'ancien attaquant du CH - endossait l'uniforme européen. Posons-nous la question: si Vanek était Canadien plutôt qu'Autrichien, quel rang occuperait-il dans la hiérarchie des meilleurs ailiers au pays?

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Sidney Crosby, Brad Marchand, Patrice Bergeron, Carey Price... Oui, les héros sont nombreux dans le camp unifolié.

Mais l'histoire de Ralph Krueger, l'entraîneur d'Équipe Europe, est celle qui m'a le plus impressionné dans ce tournoi. Sa présence à Toronto relève d'une série d'évènements inattendus.

Si Équipe Europe n'avait pas été inventée de toutes pièces pour cette Coupe du monde, Krueger serait à Southampton, en Angleterre, en train de superviser les activités du club de football local. C'est son travail dans la vie de tous les jours, qu'il reprendra d'ailleurs la semaine prochaine.

Après la défaite des siens mardi dans le premier match de la finale, Krueger a expliqué combien son équipe s'était bien comportée, sauf pour deux brefs passages à vide lui ayant coûté cher. Il a dit que ses joueurs, malgré leur déception, se regrouperaient. Que ses adjoints et lui scruteraient les vidéos. L'objectif était clair: trouver une façon de profiter des minces ouvertures qu'Équipe Canada pourrait éventuellement leur laisser.

Un sourire en coin, les journalistes ont dûment consigné ses propos dans leur calepin. À l'évidence, Krueger s'illusionnait. De l'avis général, lorsque Équipe Canada appuierait sur l'accélérateur dans le deuxième affrontement, les Européens ne feraient pas le poids. Mais il a convaincu ses joueurs qu'un retournement de situation était possible. Que s'ils suivaient son plan et se donnaient à fond, ils avaient une chance réelle de gagner. Et ils sont venus très près de réussir.

Soyons réalistes: qui accordait sérieusement une chance à Équipe Europe, un groupe de joueurs représentant huit pays différents, de se qualifier pour la ronde des médailles de la Coupe du monde? Ou d'atteindre la finale?

Aujourd'hui, la valeur de Krueger dans le hockey me semble énorme. Le rendement de son équipe en fait un candidat de choix pour retourner derrière le banc d'une équipe de la LNH.

Krueger n'est pas seulement un habile entraîneur, il peut aussi «vendre» le hockey dans un marché où ce sport n'occupe pas le haut du pavé. Sa facilité à s'exprimer, l'originalité de ses remarques et son entregent en feraient un représentant exceptionnel pour une organisation en manque de visibilité.

Pour l'instant, Krueger dit vouloir demeurer à Southampton. Mais suffit d'assister à ses points de presse depuis une semaine pour saisir à quel point la passion du hockey est viscérale chez lui. Ses yeux brillent quand il en parle.

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Malgré cette fin de match ahurissante, cette Coupe du monde ne passera pas dans les annales du hockey. Mais un exploit a été réussi, assez pour que les amateurs en parlent abondamment aujourd'hui. C'est la marque des grands rendez-vous sportifs.

La LNH peut pousser un ouf de soulagement. Les dernières minutes de jeu lui donnent un élément fort sur lequel justifier une autre édition de ce tournoi. Mais il faudra néanmoins ajuster la formule.

Au-delà de la discussion qui aura lieu à ce sujet, il faut réaliser une chose: la génération actuelle des meilleurs joueurs canadiens domine son sport d'une manière éclatante. Ce sont des hommes sérieux, passionnés par leur métier, et leurs succès ne relèvent pas du hasard. Alors, disons leur bravo, ils le méritent bien.