Un événement remarquable s'est produit au Club de golf de Beloeil en juin 2012. Une adolescente de 14 ans a remporté un tournoi du circuit professionnel canadien. Ce jour-là, sa grande soeur, elle-même une golfeuse prometteuse, a compris que le talent de la benjamine de la famille était unique.

« Ce n'est pas seulement parce qu'elle a gagné, explique Brittany Henderson. Mais aussi à cause de ses bas pointages et de la manière dont elle a réagi à cette victoire. Pour elle, c'était juste une étape vers quelque chose d'encore plus gros... »

Quatre ans plus tard, Brooke Henderson compte parmi les favorites pour remporter la médaille d'or des Jeux de Rio. Troisième au classement mondial, la sportive ontarienne a connu une progression spectaculaire au cours des 18 derniers mois. Elle est aujourd'hui une tête d'affiche du golf féminin.

Quand on lui demande les raisons de ses succès, Brooke mentionne vite le nom de Brittany, de six ans et demi son aînée. Sa grande soeur est non seulement sa meilleure amie, mais aussi sa caddie. Elle a mis en veilleuse sa propre carrière sur le circuit satellite pour seconder Brooke. Porter son sac n'est sans doute pas sa responsabilité la plus cruciale. L'essentiel, c'est le soutien qu'elle lui apporte. Brooke, après tout, est encore très jeune.

« Je suis très heureuse de ma décision. Ç'aurait été dur de jouer chacune sur notre circuit. Nous n'aurions pas eu autant de plaisir et probablement pas autant de succès. Nous formons une bonne équipe. »

- Brittany Henderson

- Est-ce facile d'être la caddie de Brooke ?

- Oui ! Je lui fournis de l'information factuelle. Si elle me demande mon opinion sur le coup à jouer, je la lui donne. Mais notre règle est simple : la décision est toujours celle de la joueuse. C'était la même chose l'an dernier quand elle a aussi porté mon sac dans des tournois du circuit Symetra.

***

Après les hommes qui ont terminé leur compétition dimanche, les femmes se lanceront aujourd'hui à l'assaut du parcours des Jeux de Rio, qu'on pourrait surnommer le « Capybara Golf and Country Club » en raison des grands rongeurs vivant autour des allées. L'expérimentée Alena Sharp complétera la représentation canadienne.

Pour le circuit féminin, il s'agit d'une formidable occasion d'élargir son audience. Car tout indique que le golf olympique plaît au public américain. La décision des quatre meilleurs joueurs du monde de faire l'impasse sur les Jeux de Rio n'a pas eu d'impact négatif sur les cotes d'écoute aux États-Unis. En fait, selon une firme spécialisée citée par Golf.com, seule la dernière ronde du Tournoi des maîtres, en avril dernier, a attiré cette saison un plus gros auditoire que le dernier segment de 90 minutes diffusé dimanche dernier.

Ces chiffres étonnants pourraient bien assurer le maintien du golf comme discipline olympique. Il s'agit d'un élément déterminant dans la grille d'analyse du Comité international olympique (CIO). Le golf, rappelons-le, sera au programme des Jeux de 2020 à Tokyo, mais rien n'est décidé pour la suite.

Brooke Henderson espère bien que l'immense caisse de résonance que constituent les Jeux donnera un élan à son sport, qui ne profite pas de la même visibilité que le tennis féminin. Dimanche dernier, elle s'entraînait au parcours olympique lorsque la dernière ronde a pris fin. « Il y avait une grosse foule et ça criait beaucoup », a-t-elle dit, espérant que le même phénomène se répète cette semaine.

« J'ai toujours aimé regarder les Jeux, ajoute-t-elle. C'est fantastique de voir les accomplissements de tous les athlètes. Je suis fière d'être une athlète olympique à mon tour. Mon plus beau souvenir olympique ? Les Jeux de Vancouver en 2010. Voir nos équipes de hockey remporter la médaille d'or à la maison a été une expérience fantastique. »

***

Brooke Henderson est flamboyante sur le terrain, mais plus réservée en entrevue. Elle s'exprime d'une voix douce, toujours en pleine maîtrise d'elle-même, sûrement une énorme qualité pour une golfeuse professionnelle.

Des convictions religieuses profondes l'animent. « Je crois avoir reçu un don et j'essaie d'en tirer le maximum chaque jour. Je souhaite devenir une meilleure personne et une meilleure golfeuse. »

Photo Andrew Boyers, Reuters

Brooke Henderson est flamboyante sur le terrain, mais plus réservée en entrevue. Elle s’exprime d’une voix douce, toujours en pleine maîtrise d’elle-même.

Photo Andrew Boyers, Reuters

Troisième au classement mondial, Brooke Henderson a connu une progression spectaculaire au cours des 18 derniers mois et compte parmi les favorites pour remporter la médaille d’or dans sa discipline.

Pour garder son équilibre dans le monde souvent impitoyable du sport professionnel, Brooke Henderson compte aussi sur l'appui de ses parents. Son père a été son premier instructeur de golf. Et sa mère, aujourd'hui à la retraite, l'accompagne souvent dans ses déplacements. Ils ne sont pas à Rio cette semaine, mais retrouveront bientôt leurs deux filles à Calgary, lors de l'Omnium canadien.

Généreuse, la jeune femme rend aussi hommage à sa compatriote Alena Sharp. Âgée de 35 ans, celle-ci connaît sa meilleure saison depuis longtemps, ayant retrouvé confiance en ses coups roulés. « Alena m'a pris sous son aile au cours des 18 derniers mois. Elle m'a montré comment le circuit de la LPGA fonctionnait sur une base quotidienne. Elle est un modèle pour moi. »

***

Tristan Mullally, entraîneur de l'équipe canadienne de golf féminin, estime que le parcours des Jeux de Rio convient bien à ses deux joueuses. Mais les yeux des Canadiens seront évidemment tournés vers Brooke Henderson au cours des quatre prochains jours. « Elle a du succès avec son style combatif », dit-il.

Aux Jeux de Rio, Brooke Henderson profite déjà d'une chance d'entrer dans la légende du golf.