Huit petits jours à Rio. Voilà qui a suffi à Penny Oleksiak pour passer du statut de jeune nageuse prometteuse, relativement peu connue du public canadien, à celui d'authentique star nationale. Ses médailles, sa puissance et son sourire ont séduit un pays entier. Du coup, sa vie s'en trouve transformée.

Dans la bulle des Jeux de Rio, bien installée au village des athlètes et entourée de ses camarades de l'équipe de natation, Penny ne saisit sans doute pas à quel point ses exploits ont capté l'imagination de ses compatriotes. À n'en pas douter, elle est désormais une des sportives les plus admirées au Canada, gars et filles confondus.

Cette fulgurante hausse de notoriété ne s'arrêtera pas de sitôt. Il reste encore une semaine aux Jeux. Mais si elle ne rentre pas au pays plus tôt, Penny est une candidate logique pour porter l'unifolié durant la cérémonie de clôture. Le titre d'athlète féminine de l'année au Canada semble dans sa poche. Et elle sera certainement en lice pour succéder à Carey Price comme gagnante du trophée Lou-Marsh, remis au sportif canadien de l'année.

Ce n'est pas tout : on peut croire que de nombreux journalistes l'attendront à son retour à l'aéroport de Toronto dans quelques jours. Les demandes d'entrevue se bousculeront : émissions de télé, magazines, journaux...

Pour tout athlète, ce tsunami médiatique serait difficile à gérer. Alors, imaginez quand on vient à peine d'avoir 16 ans ! Et que rien, absolument rien, ne nous a préparée à ce scénario.

- Êtes-vous prêts à affronter tout ça, Mme Oleksiak ?

- Pas du tout, mais on composera avec la situation ! lance Alison, la mère de Penny, sourire aux lèvres.

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Nous sommes dans une salle de conférence du Parc olympique, où une rencontre a été organisée à l'intention des journalistes souhaitant discuter avec les membres de la famille de Penny.

Alison, une femme énergique superbement à l'aise devant un micro, est flanquée de ses deux autres enfants, Jamie et Hayley. Le premier, un géant de 6 pieds 7 pouces pesant 260 livres, est hockeyeur professionnel. En quatre saisons au sein de l'organisation des Stars de Dallas, il a disputé 78 matchs dans la LNH. La deuxième, Hayley, étudie la science politique à l'Université Northeastern, où elle est aussi membre de l'équipe d'aviron.

Dans la famille Oleksiak, le sport est une passion. Au fil des années, parents et enfants ont cessé de faire le décompte des dents et des os cassés ! L'important a toujours été de bouger et d'essayer différentes disciplines. 

Alison est très ferme à ce sujet : les jeunes ne doivent pas se spécialiser trop tôt dans un sport, même si cela peut mettre un entraîneur ambitieux en rogne. Et leurs parents ne doivent jamais oublier qu'ils sont des enfants, pas des pros.

Jamie, parce qu'il joue dans un circuit comptant plusieurs super vedettes, est sans doute le mieux placé pour conseiller la benjamine de la famille. « L'important, c'est qu'on demeure la même famille à la maison, dit-il. Le maintien de cette normalité sera énorme pour elle. Elle doit savourer ces beaux moments, mais en gardant les deux pieds bien sur terre. Elle devra aussi rester concentrée et demeurer humble. Et je pense qu'elle le fait déjà très bien. »

Pour Jamie et Hayley, le succès olympique de Penny ne change pas cette donnée fondamentale : même si elle est championne olympique, leur petite soeur reste... leur petite soeur ! S'ils sentent qu'elle développe la grosse tête, ils n'hésiteront pas à le lui dire ! Et ils seront toujours là pour l'écouter quand elle voudra se confier.

Alison, elle, veillera à ce qu'un principe soit respecté. « Mon mari et moi avons toujours été clairs avec ses entraîneurs au cours des deux dernières années. Elle est une adolescente et il y aura des moments où elle voudra voir ses amis ou manger un beigne parce qu'elle en raffole. Si on veut qu'elle pratique ce sport longtemps, elle doit profiter de cet équilibre. »

Ainsi, au printemps dernier, durant la belle poussée des Raptors de Toronto en séries éliminatoires de la NBA, Penny, alors âgée de 15 ans, s'est jointe aux milliers de personnes regardant un match sur écran géant devant l'Air Canada Centre. Ce n'était sans doute pas le premier choix de son entraîneur. Mais ses parents ont compris le désir de Penny de vivre cette expérience emballante malgré la rigueur de son entraînement.

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La plupart de nos vedettes sportives ont fait un apprentissage progressif de la célébrité. Nos meilleurs hockeyeurs, par exemple, ont souvent découvert cette réalité en participant au championnat junior mondial. Et quand ils sont passés à la LNH, ils profitaient déjà d'une certaine expérience à ce chapitre.

Penny, elle, plonge d'un seul coup dans cet univers plein de possibilités, mais où les pièges sont nombreux. Bien sûr, la natation fait rarement les manchettes hors des Jeux olympiques. Mais ses réussites des derniers jours sont si spectaculaires que personne n'oubliera son nom. Et quand Tokyo 2020 se profilera à l'horizon, les yeux de tout un pays seront de nouveau tournés vers elle.

Voilà pourquoi les choix que sa famille et elle feront au cours des prochains mois seront si importants. Penny doit d'abord terminer ses deux dernières années d'études secondaires. Ira-t-elle ensuite étudier dans une université américaine dotée d'un programme éprouvé de natation ? La décision viendra plus tard.

Car pour l'instant, la famille doit absorber la signification de ces huit petits jours à Rio. « Nous sommes encore sous le choc, impressionnés par ce que le bébé de la famille a réussi », dit Alison.

Ce qui ne l'empêchera pas, évidemment, de rappeler à son ado de surveiller ses factures de cellulaire.