Fin d'après-midi jeudi. Le temps est frais et venteux à Rio, preuve qu'un « hiver » existe vraiment ici. Sur le court numéro 3, entouré d'à peine 250 sièges, Daniel Nestor et Vasek Pospisil se battent avec fougue contre Rafael Nadal et Marc López. L'enjeu : une participation au match de la médaille d'or. Mais les Espagnols aussi ont des ambitions. Le duel est endiablé. Les échanges spectaculaires s'enchaînent. Les émotions sont à fleur de peau.

Soudain, une décision d'un juge de lignes prive le duo canadien d'un point crucial. Partagé entre l'incrédulité et la colère, Nestor prend ses adversaires à témoin : « Je ne veux pas le point, mais dites au moins que la balle était bonne ! » Réponse de Nadal : « Je n'ai pas vu, ce n'était pas de mon côté. »

Non, l'heure n'est pas au réconfort psychologique. Le jeu reprend. Les Espagnols, qui mènent un set à zéro, sentent la victoire à portée de main. Mais Nestor, noble guerrier et médaillé d'or à Sydney en compagnie de Sébastien Lareau il y a 16 ans, s'accroche en compagnie de son jeune partenaire.

Les deux hommes, qui ont sauvé deux balles de match quelques instants plus tôt, poussent cette deuxième manche au bris d'égalité. Pourvu qu'elle se déroule mieux que celle ayant tranché le premier set. Imaginez : Nadal et López l'ont remporté 7-1, un verdict sans appel.

Nadal, comme tous les grands champions, excelle dans les moments décisifs. Et il n'entend pas faire exception maintenant. Sur le terrain, son énergie est contagieuse. Pas question de ralentir, même s'il a gagné un match de simple plus tôt dans la journée.

Cette saison, une blessure au poignet a tenu Nadal à l'écart du jeu durant de longues semaines. Alors sa soif de tennis est dévorante. Il montre ses émotions après chaque coup ou presque. Sur ce terrain, il est le roi. Tous les regards sont braqués sur lui. Ses compatriotes, au milieu desquels je suis assis, l'encouragent avec vigueur. Il se retourne souvent vers eux, heureux de leur appui.

Le bris d'égalité commence. Les Canadiens forceront-ils la présentation d'un troisième set ? Je le souhaite secrètement. Juste pour le plaisir de voir une autre manche aussi serrée. On s'attarde si peu souvent aux matchs de double. Pourtant, lorsqu'ils sont joués comme celui-ci, ils sont captivants. Les balles circulent à une vitesse folle, on se croirait parfois devant une partie de pinball.

Le miracle n'a pas lieu. Les Espagnols prennent vite le contrôle du bris, qu'ils remportent 7-4. Quand le match prend fin sur une double faute de Nestor, Nadal et López explosent de joie. Ils célèbrent comme des gamins ayant remporté le championnat du quartier. C'est fou, non ? Un si grand match disputé sur un terrain aussi modeste, comme si la demi-finale de la LNH était présentée dans un aréna de banlieue.

***

Quinze minutes plus tard, Nestor portait encore les traces de l'échec sur son visage. Bien sûr, il a rendu hommage à ses adversaires : « Ils méritent leur victoire. Ils sont durs à battre, ils ne donnent pas beaucoup d'occasions. On a commis quelques erreurs de plus et cela a fait pencher la balance. »

En revanche, le travail de l'arbitre et des juges de lignes l'a profondément choqué. Pas tant le nombre de mauvaises décisions, mais le fait que deux d'entre elles semblaient des erreurs si évidentes. Et comme le match était présenté sur un court secondaire, les reprises n'étaient pas disponibles.

« Je joue depuis longtemps et je n'ai pas vu de décisions aussi grossièrement mauvaises, explique-t-il. Bon, on n'a pas perdu à cause de ça, mais je ne comprends pas comment on peut rater ce genre de décisions. »

Après le match, Nestor s'est adressé à l'arbitre. « Je lui ai dit que c'était ridicule, une disgrâce. Et j'ai ajouté : "Fais-moi une faveur, reviens me voir demain et dis-moi ce que tu penses de ces décisions..." »

L'amertume de Nestor est compréhensible. Mais soyons réalistes. Comme le reconnaît Nestor, les Espagnols ont été meilleurs. Grâce à Nadal, bien sûr. Mais López est aussi un redoutable joueur de double.

Les deux hommes sont des amis d'enfance. Il y a quelques années, Nadal a contribué à la relance de la carrière de son vieux copain en faisant équipe avec lui dans certains tournois. Celui-ci a saisi l'occasion. Et plus tôt cet été, il a remporté la finale du double de Roland-Garros en compagnie de son compatriote Feliciano López.

Nadal, lui, vit des moments magiques à Rio : « Je n'ai joué ni à Wimbledon ni à Toronto. Alors vous pouvez imaginer combien j'étais triste. Et il y a deux semaines, je n'étais pas encore sûr de participer aux Jeux. »

López et lui sont déjà assurés d'une médaille d'argent en double. Nadal a d'ailleurs versé une larme ou deux après leur victoire. « Marc est un de mes meilleurs amis et je suis heureux de partager ce moment avec lui. Gagner une médaille est très important pour moi. Mais le faire avec lui, ce serait sensationnel. »

***

Nestor et Pospisil tenteront maintenant de remporter la médaille de bronze. Ils affronteront aujourd'hui [vendredi] les Américains Jack Sock et Steve Johnson.

Pour que le duo canadien l'emporte, Pospisil devra commettre moins d'erreurs que jeudi. « Je n'ai pas joué mon meilleur tennis, a-t-il estimé. Mais on sera prêts pour le prochain match. »

Nestor, qui célébrera ses 44 ans le mois prochain, en sera manifestement à son dernier match olympique. « Je suis venu à Rio parce que je croyais en nos chances de gagner une médaille. Nous avons cette chance et nous nous battrons. »

Pour relever le défi, les deux hommes devront vite se remettre de leur immense déception.