La carrière d'Eugenie Bouchard est tout sauf ennuyante. Depuis janvier 2014, lorsqu'elle a causé une immense surprise en étant demi-finaliste des Internationaux d'Australie, les faits marquants se sont multipliés.

Il y a d'abord eu cette ascension fulgurante au classement, suivie d'une chute abrupte.

Puis, l'automne dernier, elle a subi une commotion cérébrale à l'Omnium américain, ce qui l'a incitée à poursuivre l'Association de tennis des États-Unis. Cela demande du culot, avouons-le !

On a aussi été témoins de cette spectaculaire ronde d'entraîneurs, où le dernier embauché avait avantage à garder la porte ouverte derrière lui, afin que son successeur ne s'y cogne pas le nez.

Sur le plan business, l'entente avec la firme de représentation réputée IMG, annoncée dans un communiqué triomphant en décembre 2014, est déjà terminée. Cet accord devait pourtant aider la jeune athlète, pour reprendre ses mots d'alors, « à atteindre mes objectifs d'affaires et à maximiser la valeur de ma marque ». Cela laissait supposer un plan à long terme, qu'il faut aujourd'hui repenser.

Tous ces événements se sont produits dans une courte période de deux ans et demi ! 

Bouchard occupe maintenant le 46e rang mondial et bien des gens se demandent si elle retrouvera un jour son niveau de 2014. Mon avis ? J'en suis convaincu !

Après tout, son potentiel demeure immense et elle n'est âgée que de 22 ans. Les difficultés rencontrées au cours des derniers mois semblent lui avoir remis les pieds sur terre, ce qui n'a pas toujours été le cas après sa saison magique de 2014.

Un exemple : après avoir disputé deux demi-finales et une finale de Grand Chelem cette année-là, elle s'est séparée de son entraîneur Nick Saviano, affirmant avoir besoin d'une « nouvelle voix » pour coiffer un titre majeur et atteindre le premier rang mondial.

Ce ne fut pas l'idée du siècle. Saviano avait accompli un boulot extraordinaire. Mais les deux ont peut-être eu besoin d'une pause. On avait senti une tension entre eux à Roland-Garros, quelques mois plus tôt.

En demandant récemment à Saviano de reprendre du service, Bouchard a sans doute pilé sur son orgueil. C'est souvent le début de la sagesse. Cette décision laisse croire qu'elle est maintenant prête à remettre de l'ordre dans sa carrière.

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Le tournoi de Roland-Garros commence dimanche et Saviano sera aux côtés de Bouchard. Il ne faut pas s'attendre à des miracles de la Québécoise, même si ses victoires aux dépens de Jelena Jankovic et d'Angelique Kerber à Rome, il y a une dizaine de jours, sont encourageantes.

Saviano connaît à fond le jeu de Bouchard et est le mieux placé pour mettre son talent en valeur. Cela devrait augmenter sa confiance et lui permettre de retrouver sa zone de confort.

Mais l'apport de Saviano n'est pas seulement utile sur le plan sportif. La journaliste montréalaise Stephanie Myles, une référence en tennis, racontait récemment sur Yahoo Sports une anecdote révélatrice. Au tournoi de Charleston en avril dernier, Saviano a conseillé à Bouchard d'abandonner son match de deuxième tour en raison d'une blessure à l'abdomen.

« Tu ne devrais pas continuer, lui a-t-il dit. Je déteste te dire ça, mais c'est mon opinion professionnelle. Tu peux peut-être terminer ce match, mais pourras-tu jouer demain ? Ce n'est pas la finale d'un Grand Chelem, auquel cas je te conseillerais de poursuivre... »

Quelques échanges plus tard, à contrecoeur, Bouchard a rendu les armes. Une excellente décision, puisqu'elle a ensuite eu besoin de temps pour se remettre du malaise. 

Saviano avait tout de suite perçu le danger d'aggravation et Bouchard a eu la bonne idée de respecter son expérience.

En lisant le récit de Stephanie Myles, difficile de ne pas penser à l'automne dernier. Rappelez-vous : Bouchard est revenue au jeu à l'Omnium de Chine un mois après sa commotion cérébrale subie à New York. Éprouvant de nouveau des symptômes, victime d'étourdissements, elle a déclaré forfait durant son match de premier tour.

D'où cette question : quelle était la logique derrière ce retour précipité, surtout qu'elle avait quitté l'entraînement quelques jours plus tôt pour des raisons identiques ? Si Saviano avait alors fait partie de ses conseillers, cette triste situation aurait peut-être été évitée.

Ajoutons à cet épisode les propos de Bouchard sur le site web de la WTA au début du mois. Affirmant qu'elle se sentait physiquement plus forte qu'un an plus tôt, elle a déclaré : « Je ressentais beaucoup de pression et de stress et cela m'a fait perdre du poids sans que ce soit mon but. Je ne m'entraînais pas assez en gymnase, mais en même temps, je me sentais très nerveuse avant les matchs. Alors je ne mangeais pas. J'ai maintenant compris que je devais manger, que c'est de l'énergie pour mon corps. »

Il faut applaudir cette prise de conscience. Mais encore une fois, comment se fait-il que ce problème de gestion du stress n'ait pas été pris en charge l'an dernier ? Sam Sumyk, l'ancien entraîneur de Bouchard, disait à l'époque qu'elle n'avait pas besoin de psychologue sportif et que lui-même pouvait très bien gérer cet aspect de sa carrière. Ah bon...

Il est renversant que dans le sport professionnel d'aujourd'hui, une jeune athlète ne soit pas mieux encadrée à ce niveau. Les joueurs du Canadien le sont, nos olympiens aussi. Même chose pour les questions de nutrition. Bouchard aurait dû faire ces découvertes plus tôt.

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Tout cela fait maintenant partie du passé. Plus mature, Bouchard semble avoir tiré des leçons essentielles de ses récents insuccès. Sous la supervision de Saviano, je crois qu'elle retrouvera ses repères cette saison. Et qu'elle reviendra au top niveau en 2017.