Drôle de métier! On se rend à un point de presse d'un organisme communautaire parce que Marc Bergevin en est le nouveau porte-parole. On veut lui parler des récents propos de Guy Carbonneau, de P.K. Subban, du neuvième choix au prochain repêchage, de ses plans pour renforcer l'équipe... Et on tombe sur une belle histoire n'ayant rien à voir avec le hockey.

Cette histoire illustre le profond attachement du DG du Canadien pour le quartier où il est né. Et nous rappelle combien, aux quatre coins du grand Montréal, des gens de coeur travaillent pour aider des familles et des jeunes dans le besoin.

Bergevin a grandi dans Pointe-Saint-Charles. Chaque automne, comme ses amis du quartier, il se rendait au sous-sol de l'église pour obtenir son équipement de hockey: épaulettes, jambières, culotte... Rien n'était neuf, évidemment. «Ça sentait les boules à mites. Et on rapportait tout ça à la fin de mars...», a-t-il rappelé lundi.

L'entraide était une manière de vivre. La famille de Bergevin n'était pas riche. Mais avec un père pompier à la caserne numéro 23 de Saint-Henri, les cinq enfants mangeaient à leur faim. Ce n'était pas le cas de tous leurs camarades. Encore aujourd'hui, le DG n'a pas oublié les noms de ceux avec qui il partageait sa collation parce que leur ventre était vide en arrivant à l'école.

Ces expériences restent gravées dans la mémoire de Bergevin. Voilà pourquoi il a vite accepté lorsque le groupe «Partageons l'espoir» l'a pressenti l'automne dernier. Oui, il s'associerait avec plaisir à la campagne visant à récolter 2 millions de dollars pour aider les jeunes du sud-ouest de Montréal: banque alimentaire, cuisine collective, tutorat scolaire, programme de formation au travail, bourses d'études, cours de musique...

Sur la tribune, Bergevin était entouré de Fiona Crossling, directrice générale de l'organisme, et de quatre jeunes incarnant le succès de toutes ces initiatives.

Tenez, Fleurlie étudie aujourd'hui en psycho à l'université; Ben joue de la guitare et fréquente le cégep après avoir décroché au secondaire; Roberto, qui était confronté à des ennuis financiers et de santé, encadre des jeunes musiciens; Hanen a relevé le défi des cours de sciences et terminé son secondaire.

Si je vous parle d'eux, c'est parce que leur parcours démontre qu'un coup de pouce peut changer une vie. Mais aussi parce que leurs succès sont au coeur d'une réplique touchante durant l'annonce de lundi. C'est survenu lorsqu'un collègue a demandé à Mme Crossling si l'appui de Bergevin était le plus beau coup de Partageons l'espoir depuis sa fondation il y a 25 ans.

«J'apprécie grandement l'implication de M. Bergevin. Mais notre plus grand coup, c'est la réussite des jeunes assis à nos côtés. Et je pense que M. Bergevin sera d'accord avec moi», a-t-elle répondu en substance.

Il l'était, bien entendu!

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Quand on connaît un peu Bergevin, on réalise l'importance qu'il accorde à certaines dates. Elles représentent pour lui des points de repère dans une vie menée à cent kilomètres à l'heure. Celle de lundi, le 2 mai, en fait partie.

Ce jour-là, en 2012, il est devenu directeur général du Canadien. Se retrouver au coeur d'une autre annonce importante, exactement quatre ans plus tard, l'a réjoui. Il a vu dans cette coïncidence un hasard sympathique. Du coup, le 2 mai 2016 devient aussi une journée de première pour lui, puisqu'il ne s'était pas encore associé à une cause semblable depuis son retour à Montréal.

Beaucoup d'organismes souhaiteraient profiter de la visibilité que la présence du DG du Canadien générera. Ainsi, une vidéo très efficace de 30 secondes sera diffusée au cours des prochaines semaines, dans certains cinémas et à la télé. Elle a été tournée en partie sur la patinoire extérieure où, enfant, il a si souvent joué.

Mais si Bergevin a accepté la proposition de Partageons l'espoir, c'est simplement pour redonner au quartier où il a grandi. 

«Mes racines sont ici. Tu peux sortir le p'tit gars de Pointe-Saint-Charles, mais pas Pointe-Saint-Charles du p'tit gars...»

Son engagement, espère-t-il, permettra de soutenir des centaines de jeunes. «Partout à Montréal, du talent est gaspillé parce qu'ils n'ont pas le soutien ni les fonds. Alors si on peut les aider...»

Mme Crossling a ajouté: «On doit s'attaquer aux racines de la pauvreté, qui sont les inégalités sociales. On a des gens qui deviennent de plus en plus riches et d'autres qui n'ont quasiment rien...»

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Le temps file vite. Difficile de croire que quatre saisons de hockey sont déjà complétées depuis que Bergevin a pris en charge le Canadien. «Beaucoup d'expériences et beaucoup de nuits blanches, mais je n'ai aucun regret, a-t-il dit. C'est un emploi demandant, mais c'est ma passion.»

Aider les jeunes du quartier dont il connaît chaque rue en est manifestement devenue une autre. En se lançant dans cette aventure, Bergevin ajoute une dimension sociale à son rôle de directeur général du Canadien. Voilà une belle manière d'amorcer son mois de mai.

On a aussi parlé de hockey...

L'annonce de lundi terminée, Marc Bergevin a répondu aux questions à propos du hockey. Et il a de nouveau exprimé ses réserves par rapport au marché des joueurs autonomes.

Non, ce n'est pas le montant du salaire à verser qui l'effraie. Mais la durée du contrat. Son exemple était limpide: «Tu vas chercher un joueur pour cinq ans en sachant qu'après deux saisons, ça ne fonctionnera plus. Sur le coup, c'est l'fun, c'est sexy, mais tu paies ensuite le prix pendant trois ans...»

Le dossier Subban est aussi revenu sur le tapis. Bergevin a assuré que rien n'avait changé depuis son bilan de fin de saison, le 11 avril dernier. Il n'est pas en discussions pour l'échanger et ne sollicitera pas les offres, a-t-il dit.

Le DG a aussi conseillé d'analyser avec modération le prochain repêchage, considéré comme très riche en talent. «On évaluera ça dans quatre ans. En 2012, à mon premier repêchage avec le Canadien, la cuvée n'était pas aussi grosse qu'on pensait.»

Quant aux propos de Guy Carbonneau, qui reproche à l'organisation d'ériger «un grand mur» entre, d'un côté, les joueurs actuels de l'équipe, et de l'autre, les anciens, Bergevin n'a pas semblé très ébranlé. Il a indiqué que le CH s'occupait de ses anciens. «On les accueille vraiment et Geoff Molson s'assure qu'on prend bien soin d'eux.»

Bergevin a ajouté: «Guy a son opinion et j'ai beaucoup de respect pour lui. Mais il ne m'a jamais mentionné ses inquiétudes. J'aimerais peut-être les entendre. Je sais que certaines organisations ferment vraiment la porte aux anciens. Nous, c'est bras ouverts...

 - Aimerais-tu lui en parler?

 - Si ça adonne, oui, mais je ne courrai pas après Guy Carbonneau non plus...»

Ces propos ne rétabliront pas les ponts. À titre de président du CH, Geoff Molson aurait avantage à prendre un café avec Carbo pour, dans un premier temps, éclaircir la situation.

Photo André Pichette, La Presse

Marc Bergevin et Fiona Crossling, directrice générale de l’organisme Partageons l’espoir