Kristina Mladenovic, ça vous dit quelque chose ? Oui, oui, c'est elle qui a expédié Eugenie Bouchard en deux manches au premier tour de Roland-Garros, l'an dernier. En plus d'être une solide joueuse, la Française est allergique à la langue de bois.

Le week-end dernier, dans le cadre du tournoi d'Indian Wells, elle a commenté l'affaire Sharapova. Sa sortie, faite au quotidien Le Parisien et reprise dans L'Équipe, a été sans compromis !

« Je suis un peu dure, mais on le pense tous et on le dit tous ici, que c'est une tricheuse, a dit Mladenovic. Elle doit être sanctionnée. Quand tu vois nos efforts pour améliorer notre endurance, notre récupération, gérer les émotions et le stress... Là, tu te demandes si la nana fournit ces efforts. Tu te dis que ce n'est pas une championne : elle a triché. »

Décidément, le vent a vite tourné après la confession publique de Sharapova, saluée comme un exercice modèle de relations publiques : admission de la faute, expression de regrets, désir de faire amende honorable...

En prenant ainsi les devants, Sharapova a joué de manière offensive, comme si elle montait au filet. Sauf que quelques lobs lui sont ensuite passés par-dessus la tête.

L'équipementier Nike a pris une pause de sa relation avec elle, tout comme le constructeur automobile Porsche. Le fabricant de montres Tag Heuer a stoppé les pourparlers visant à reconduire une entente expirée quelques semaines plus tôt.

Mais le coup le plus dur est venu hier : l'Organisation des Nations unies a suspendu le rôle d'ambassadrice de bonne volonté qu'elle occupait depuis 2007 dans le cadre de son Programme pour le développement. Elle appuyait notamment les victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl survenue en 1986.

Hier, The Guardian a noté qu'une autre « ambassadrice » avait subi le même sort en 2011 : Aïcha Kadhafi, la fille de l'ancien dictateur libyen. Pas très bon pour l'image de la championne russe, tout ça...

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En reconnaissant ses torts, Sharapova a indiqué que le meldonium, substance interdite aux athlètes depuis le 1er janvier dernier, lui avait été prescrit dès 2006 afin de soulager ses ennuis de santé : électrocardiogrammes irréguliers, carence en magnésium, rhumes à répétition et historique familial de diabète. De toute évidence, il s'agissait à ses yeux d'un remède miracle.

Ses explications auraient été plus convaincantes si elle avait été une rare athlète de haut niveau à en faire usage. Mais non. Dans la foulée de son admission, on a appris que des dizaines d'autres sportifs avaient été séduits par les propriétés de ce médicament créé en Lettonie. Ils ne souffraient évidemment pas tous des mêmes malaises que Sharapova !

Le meldonium favorisant l'endurance et la récupération physique, il constituait un merveilleux produit pour les sportifs en quête d'aide chimique. Mais son plus bel atout était évidemment ailleurs : sa consommation n'était pas prohibée par l'Agence mondiale antidopage (AMA). Imaginez l'aubaine : on pouvait profiter de ses bienfaits en toute légalité !

La manière dont les autorités sportives ont été alertées à propos du meldonium est digne d'un roman policier. La semaine dernière, le USA Today a levé le voile sur ces événements, récit renforcé par des précisions du New York Times. Je vous en dresse un résumé.

Tout commence en mars 2014 lorsque l'Agence américaine antidopage (USADA), celle-là même qui a épinglé Lance Armstrong, reçoit une information. Selon une source anonyme, des athlètes d'Europe de l'Est utilisent ce médicament pour améliorer leurs performances. Un projet de recherche, financé par le Partenariat pour une compétition propre, est alors lancé. (Cet organisme a été créé en 2008 à l'initiative du Comité olympique américain, de la USADA, des Ligues majeures de baseball et de la Ligue nationale de football.)

Lors d'un symposium en octobre 2014, le responsable scientifique de la USADA met un groupe de collègues internationaux au parfum. À peu près au même moment, le meldonium est inscrit sur la liste des substances « en observation » de l'AMA.

Début 2015, 8300 échantillons d'urine conservés en stock et choisis au hasard sont examinés. Bilan : 182 contiennent du meldonium, soit 2,2 % d'entre eux. Tous les tests positifs impliquent des athlètes d'Europe de l'Est. Le 30 septembre 2015, le meldonium est interdit avec effet à compter du 1er janvier 2016.

Depuis ce temps, une centaine de contrôles, dont celui de Sharapova, ont donné des résultats positifs.

Si Sharapova se blâme d'avoir ignoré que le meldonium était désormais interdit, elle invoque une circonstance atténuante : les autorités antidopage auraient mal communiqué cet ajout à la liste.

L'annonce, soutient-elle, était enfouie dans un long message électronique envoyé le 18 décembre dernier et donnant accès à plusieurs liens touchant une foule de sujets destinés aux joueuses de tennis. Elle reconnaît cependant avoir reçu une communication beaucoup plus précise de l'AMA quatre jours plus tard, avouant ne pas y avoir prêté attention.

Dans un commentaire à Tennis Channel diffusé par l'agence Reuters, l'ancien champion John McEnroe a déclaré : « Dur de croire que personne dans son camp, les 25 ou 30 personnes à son emploi ou Maria elle-même, n'avaient aucune idée de ce changement ».

En effet.

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Le cas Sharapova soulève un débat éthique enflammé. Les athlètes qui prennent un médicament destiné à des fins thérapeutiques précises dans le but d'améliorer leur performance respectent-ils l'esprit sportif, et cela même si son utilisation n'est pas nommément interdite ?

Le commentaire de Kristina Mladenovic, selon qui Sharapova est une « tricheuse » qui a pris « pendant dix ans un truc grave », montre que certaines de ses rivales ont une idée bien arrêtée là-dessus. Chose certaine, à partir du moment où ce médicament est prohibé, les politiques antidopage normales doivent s'appliquer. Après tout, les règles sont les règles.

Une suspension de six mois ou plus empêcherait Sharapova de participer aux Jeux olympiques de Rio. Après avoir été porte-drapeau de la Russie à Londres en 2010 et porteuse de la flamme olympique à Sotchi en 2014, rater ce rendez-vous serait pour elle une cruelle déception.

Si elle reçoit une sanction minimale de cette durée, parions que Sharapova en appellera au Tribunal arbitral du sport qui, dans le passé, a déjà réduit des suspensions imposées à des joueurs de tennis s'étant dopés. Mais peu importe la décision finale, sa carrière est à jamais entachée.