Les trois récentes victoires du Canadien, certes salutaires, ne cachent pas l'implacable réalité: obtenir une place en séries éliminatoires demeure un défi colossal.

Alors, quel serait le meilleur moyen de relancer l'équipe en vue des prochaines saisons? Conclure un «gros» échange, qui amènerait enfin un véritable joueur de centre numéro un à Montréal? Obtenir le premier choix au repêchage, qui permettrait à Auston Matthews d'enfiler le chandail tricolore? Voilà deux solutions intéressantes, aucun doute là-dessus.

Mais permettez-moi d'en évoquer une troisième, dont l'impact, moins concret à court terme, donnerait néanmoins un électrochoc à l'organisation: le retour des Nordiques.

En affaires, la concurrence est un puissant facteur de motivation. Or, au Québec, le Canadien se retrouve en situation de monopole depuis le départ des Nordiques en 1995. 

La rivalité avec les Bruins de Boston et les Maple Leafs de Toronto demeure vive, mais elle se situe à des années-lumière de celle opposant jadis les Rouges et les Bleus.

La renaissance des Nordiques accentuerait la pression sur l'état-major du Canadien, un peu comme la lutte intense entre les Red Sox de Boston et les Yankees de New York pousse ces deux organisations à se dépasser. Perdre contre un rival naturel, ou le voir poursuivre son parcours en séries éliminatoires alors qu'on est soi-même en vacances, fait toujours plus mal.

Tenez, si le Canadien avait été éliminé par les Nordiques plutôt que par le Lightning de Tampa Bay le printemps dernier, je suis convaincu que la direction se serait montrée beaucoup plus active pour combler les lacunes de l'équipe durant l'été.

Bien sûr, l'effet du retour des Nordiques ne serait pas immédiat. Un club de l'expansion a besoin de temps avant de devenir solide. Mais dans un horizon de quelques saisons, leur présence dynamiserait le Canadien. Cela serait utile pour une organisation ne subissant guère de pression économique. Gagne ou perd, le Centre Bell est plein, et les revenus de télé sont au rendez-vous. Cela peut conduire à un trop-plein de sérénité.

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On saura dans les prochaines semaines si les Nordiques réintégreront la LNH. Si Québecor attend sagement la décision, l'agacement pointe à Las Vegas. Dans une récente entrevue au quotidien Review-Journal, le promoteur Bill Foley a avoué sa surprise: «Je croyais qu'on obtiendrait l'équipe très vite. Ça démontre combien j'ai été naïf.»

Foley, qui est à la tête du groupe Black Knight Sport & Entertainment, a ajouté ne pas être patient de nature. «Mais j'ai appris à l'être, au moins pour ce projet...»

Cela ne l'empêche pas de s'exprimer sur le concours qui mènera au choix du surnom de l'équipe, son logo, ses couleurs... Il évoque la vente des billets, ses discussions avec des partenaires corporatifs et la construction d'un centre d'entraînement. Si Québec agissait ainsi, parions que ça ne plairait pas à la LNH.

Cette attente représente un nouvel épisode dans la longue et tourmentée relation entre Québec et la LNH. Tenez, cette semaine, on célèbre le 50e anniversaire d'un moment-clé de l'histoire du circuit. C'est en effet le 9 février 1966 que la décision d'ajouter six formations fut prise durant une réunion à New York.

Du coup, la LNH est passée de six à douze équipes en vue de la saison 1967-1968. Aucune ville canadienne ne fut choisie, pas même Vancouver, qui encaissa durement le choc. Mais les États-Unis attirèrent comme un aimant les dirigeants de la ligue. (Voyez, Gary Bettman n'est pas le premier...) Philadelphie, Pittsburgh, Minnesota, St. Louis, Los Angeles et San Francisco - qui aboutit finalement à Oakland - obtinrent une concession.

L'ampleur de cette expansion s'explique facilement. La LNH souhaitait augmenter ses revenus de télé et craignait l'émergence d'une ligue rivale. De plus, les autres sports majeurs comptaient désormais des équipes en Californie.

Dans La Presse, on cita le coloré Jack Kent Cooke, nouveau proprio de l'équipe de Los Angeles: «Le hockey sera très populaire dans la région puisque 567 000 Canadiens y résident.»

Quelques années plus tard, alors que les Kings peinaient à attirer de bonnes foules, Cooke interpréta cette donnée d'une autre manière: «Tous ces Canadiens ont déménagé à Los Angeles parce qu'ils détestent le hockey!»

Et Québec? Un an plus tôt, soit au printemps 1965, le maire Wilfrid Hamel écrivit à Clarence Campbell pour s'enquérir du processus. Le président de la LNH ne montra guère d'enthousiasme, renvoyant le premier magistrat au communiqué de presse émis par le circuit quelques jours plus tôt.

Campbell ajouta que les revenus aux guichets devraient atteindre 1 million de dollars par saison. Et qu'un fonds de roulement suffisant pour parer à toute éventualité durant trois ans devrait être constitué.

Dans la capitale, un seul investisseur avait le profil pour piloter un dossier pareil: Gérald Martineau, le propriétaire des As, de la Ligue américaine. Mais la mort récente de son fils Robert ainsi que ses ennuis juridiques découlant de son rôle au sein de l'Union nationale sous le régime Duplessis minaient sa santé. Au bout du compte, Québec ne déposa pas de candidature.

En 1967, Martineau vendit les As aux Flyers de Philadelphie, une des nouvelles équipes du circuit, qui en firent leur filiale. «J'aurais été prêt à faire des sacrifices pour que Québec obtienne une franchise de la Ligue nationale, mais je ne pouvais le faire seul», déclara-t-il ce jour-là, ajoutant que personne ne lui avait offert son aide.

C'est finalement en 1979 que Québec obtint une équipe, lorsque les Nordiques furent une des quatre concessions de l'Association mondiale de hockey à intégrer la LNH. Cette belle aventure prit fin 16 ans plus tard.

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Lors de la méga-expansion annoncée en février 1966, trois des villes retenues avaient déjà aligné une équipe dans la LNH: Pittsburgh (les Pirates), Philadelphie (les Quakers) et St. Louis (les Eagles).

Au fil des années, d'autres villes comme Ottawa, Atlanta, Minneapolis-St. Paul, Denver et Winnipeg retrouvèrent une équipe de la LNH. Ce fut même le cas de Québec, puisque les Bulldogs disputèrent la saison 1919-1920.

Le retour des Nordiques en 2016 serait une fabuleuse nouvelle pour tous les amateurs de hockey du Québec, même les plus chauds partisans du Canadien. Tout simplement parce que la concurrence rend meilleur.

Photo archives Associated Press

Le président de la LNH, Clarence Campbell, serre la main des propriétaires George Flaherty (San Francisco, à gauche) et Gordon Ritz (Minneapolis-St. Paul, à droite) après que ces derniers eurent obtenu des franchises lors de l’expansion du circuit en février 1966.