Ce qui m'inquiète le plus dans la dégringolade du Canadien, ce n'est pas la minuscule production des attaquants, les erreurs des trois meilleurs défenseurs ou la difficulté des gardiens à réussir un arrêt-clé.

Non, le plus troublant est l'étonnante incapacité de Marc Bergevin et Michel Therrien à trouver des solutions de relance. J'espère bien me tromper, mais les deux semblent désemparés. Leur stupeur devant cet incroyable retournement de situation - le Canadien est passé en deux mois de la meilleure à la pire équipe de la LNH - est évidente.

Suffit d'écouter les commentaires d'après-match de Therrien pour saisir son désarroi. À Columbus lundi, décontenancé par le piètre effort de son club, il a tenu un point de presse de 87 secondes.

On peut comprendre l'état d'esprit de Michel Therrien. Rappelez-vous: la semaine dernière, après un revers contre les Bruins de Boston au Centre Bell, il a vigoureusement défendu ses joueurs, soulignant la qualité de leur effort.

Peu importe notre opinion à ce sujet, le message, émis d'un ton émotif, s'adressait d'abord à ses gars: malgré les difficultés, je suis derrière vous! Non, ce n'est pas moi qui vous donnerai un coup de poing alors que vous êtes déjà à terre. J'ai appris de mes années à Pittsburgh.

La sortie de Therrien a sûrement été appréciée de son patron qui, moins de 48 heures plus tard, lui a accordé un vote de confiance absolu. Au point où si le DG changeait d'avis au cours des prochaines semaines, sa propre crédibilité serait entachée.

Dans le contexte, tout l'épisode était prometteur: Bergevin appuie son coach, qui appuie ses joueurs, qui reconnaissent eux-mêmes l'urgence de se reprendre en main. Voilà une organisation prête au combat!

Résultat, après une victoire difficile à Toronto, le Canadien s'est effondré deux soirs de suite devant les Blue Jackets de Columbus, une équipe de bas de classement. Malgré les insuccès à répétition, on n'a pas vu un CH prêt à tout donner pour la victoire. Il aurait fallu déployer l'énergie des séries éliminatoires. Ce ne fut pas le cas.

Depuis le début de cette tempête, j'ai toujours pensé que remplacer Therrien ne servirait à rien. Mais pour la première fois, je me pose la question: a-t-il toujours l'oreille de sa troupe? Et si oui, peut-il identifier des pistes de solution? Chose sûre, les deux derniers matchs laissent songeur.

L'absence de Carey Price n'est pas suffisante pour expliquer le plongeon des dernières semaines. Et à moins d'un rebond au retour de la pause du match des Étoiles, les interrogations à propos du travail de Therrien reprendront. L'accalmie provoquée par la sortie de Bergevin aura alors été de courte durée.

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En novembre dernier, Bergevin a obtenu une prolongation de son contrat avec le Canadien, maintenant valide jusqu'à la fin de la saison 2021-2022. Cette entente est le signe de toute la confiance que lui voue Geoff Molson.

Tenez, même Stan Bowman, qui a conduit les Blackhawks de Chicago à trois championnats de la Coupe Stanley au cours des six dernières années, n'a pas obtenu un pacte d'aussi longue durée. Son nouveau contrat, signé cette semaine, prendra fin une saison plus tôt que celui de Bergevin.

Pour mériter ce traitement royal, Bergevin doit remplir son bout du contrat. Sa tâche principale: maintenir une «culture d'équipe gagnante» (ce sont les mots de Geoff Molson) au sein de l'organisation.

À ce niveau, la saison actuelle se transforme peu à peu en catastrophe. Le DG n'a pas amélioré l'équipe l'été dernier et, avec le recul, s'est montré bien pressé à accorder un lucratif nouveau contrat à Tomas Plekanec. Mais le plus désolant est sa difficulté à apporter de l'aide concrète à son entraîneur.

L'appui moral est certes essentiel. Là-dessus, Marc Bergevin a rempli son mandat la semaine dernière. Mais ce n'est pas suffisant. Cette équipe a besoin de renfort si elle veut participer aux séries éliminatoires, l'objectif fixé par Geoff Molson.

Depuis son entrée en poste, Bergevin a remis de l'ordre dans le secteur hockey de l'organisation qui, au cours des 15 dernières années, s'était montré beaucoup moins efficace que ceux du marketing et des ventes. Bravo.

Mais dans le monde des affaires d'aujourd'hui, les succès passés sont vite oubliés. Il faut produire aujourd'hui. Et quand les choses vont mal, le principal responsable doit agir pour corriger la situation.

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Si la chute du Canadien se poursuit, l'équipe choisira plus tôt au repêchage de juin prochain. L'idée console plusieurs amateurs, et c'est normal.

Mais il ne faut pas croire que cela serait suffisant pour relancer l'équipe. Pensez aux Oilers d'Edmonton, qui croyaient bien avoir touché le gros lot en repêchant au premier rang Taylor Hall en 2010, Ryan Nugent-Hopkins en 2011 et Nail Yakupov en 2012. On connaît la suite. Et les Maple Leafs de Toronto, qui ont empilé les saisons de misère depuis 2006, ne sont toujours pas sortis de l'auberge.

Bien sûr, des contre-exemples existent. Les Panthers de la Floride, désormais une puissance de la LNH, ont choisi au troisième rang Erik Gudbranson (2010) et Jonathan Huberdeau (2011); au deuxième rang, Aleksander Barkov (2013); et au premier rang, Aaron Ekblad (2014). En revanche, les Panthers ont raté les séries éliminatoires neuf fois au cours des dix dernières saisons!

À ce propos, voici ce que me disait Bergevin, en avril dernier: «Il faut connaître plusieurs années difficiles pour sélectionner à un rang si élevé durant quatre saisons. À Montréal, je n'aurai jamais ce luxe. Et aucun autre DG ne l'aura après moi. Parce qu'on ne pourrait pas finir aussi bas au classement si longtemps. Ça ne marcherait pas».

Qu'on le veuille ou non, la non-participation du Canadien aux séries éliminatoires serait un échec majeur pour Bergevin et Therrien. À eux de rectifier le tir dès maintenant. Il y a péril en la demeure.