En janvier 2011, Sidney Crosby a subi une commotion cérébrale dans deux matchs consécutifs. Sa saison a pris fin. Malgré une brève tentative de retour au jeu l'automne suivant, il a fallu attendre mars 2012 avant qu'il n'enfile de nouveau l'uniforme de façon régulière.

Partout au pays, cette triste histoire a secoué les gens. Cette fois, la victime n'était pas un joueur peu connu ou un bagarreur. Non, il s'agissait plutôt du meilleur hockeyeur au monde et héros des Jeux olympiques de 2010, à Vancouver. Le symbole était puissant.

Cet événement a eu un impact majeur sur l'évolution du sport au Canada. Du coup, des milliers de parents ont compris les réels dangers des chocs au cerveau. Et les spécialistes, bien au fait de leurs graves conséquences, ont enfin trouvé une écoute attentive.

Cette conscientisation était bienvenue. Mais pour lutter efficacement contre ce fléau, une politique est nécessaire. Depuis lundi, le Québec en est doté. Un plan d'action visant à mieux prévenir et gérer les commotions cérébrales chez les jeunes athlètes a été dévoilé par le ministre de l'Éducation François Blais, responsable du Sport. Il a d'ailleurs lui-même rappelé combien le cas Crosby avait sensibilisé «le grand public».

L'annonce est survenue huit mois après que le Groupe de travail sur les commotions cérébrales, présidé par le neuropsychologue Dave Ellemberg, de l'Université de Montréal, eut déposé son rapport. Ce délai, hélas, indique que ce dossier n'était pas une priorité pour le ministre, aux prises avec mille problèmes dans son principal champ de responsabilités. Dans ce contexte, il faudra voir si le gouvernement assurera avec fermeté le suivi nécessaire.

Au cours des dernières semaines, le professeur Ellemberg a été irrité par la lenteur du gouvernement à annoncer ses couleurs. Lundi, il s'est néanmoins déclaré optimiste pour la suite des choses.

«Oui, je suis content, a-t-il dit. On met en place un plan d'action concret, étalé sur deux ans, qui reflète la majorité de nos recommandations. Les acteurs sont identifiés et un échéancier existe pour chacun des éléments.»

Sans doute inquiet de la réaction de certains intervenants, le ministre Blais a précisé qu'il n'était pas question de «dénaturer» la pratique des différents sports. Et pour favoriser la plus large adhésion possible à la lutte contre les commotions cérébrales, il met sur pied un groupe de concertation, «afin de favoriser le dialogue et la collaboration».

Traduction libre: le gouvernement comprend que sans un consensus fort sur cet enjeu de santé publique, il sera difficile d'atteindre les objectifs souhaités. Voilà pourquoi ce nouveau comité comprendra des gens des fédérations sportives. Plusieurs de leurs représentants étaient d'ailleurs présents à l'annonce de lundi.

Premier mandat de ce groupe: développer un protocole de gestion des commotions cérébrales à l'intention de tous les organismes sportifs sous l'autorité de Québec. Le ministre veut voir ce travail terminé au printemps prochain. Et même s'il ne donne pas d'exemple concret, on peut rêver du jour où, en cas de commotion cérébrale réelle ou appréhendée, l'information pratique sera disponible dans une application pour téléphone intelligent.

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En sport, l'exemple venant du haut de la pyramide a une influence claire sur la base. Voilà pourquoi la manière dont la Ligue nationale de hockey, et plus spécifiquement le Canadien, gère les chocs au cerveau est si importante.

Qu'on le veuille ou non, lorsqu'on voit un Nathan Beaulieu profondément sonné après avoir encaissé une droite au visage sans que personne chez le Canadien ne juge utile de lui faire subir un examen préventif, cela banalise les conséquences de coups semblables. Quant aux joueurs, ils estiment encore trop souvent que retraiter au vestiaire constitue une marque de faiblesse.

Hélas, comme le ministre l'a rappelé, cette attitude n'est pas l'apanage des sportifs professionnels. De nombreux jeunes agissent ainsi.

«Certains athlètes tendent à minimiser ou à nier la présence de symptômes durant la saison pour ne pas être exclus du jeu ou par crainte de ne pas accéder à un niveau supérieur», a-t-il rappelé.

Conséquemment, il a demandé aux fédérations sportives d'émettre dès maintenant une directive visant à retirer immédiatement du jeu, ou de l'entraînement, toute personne ayant potentiellement subi une commotion cérébrale. Si l'appel du ministre est entendu, ce sera déjà un progrès.

Pour mieux marquer sa volonté de lutter contre les commotions cérébrales, le gouvernement aurait pu regrouper toutes les mesures dans une loi. Le Québec est un des rares territoires en Amérique du Nord n'en comptant pas.

«On n'en a pas besoin», a estimé le ministre. À son avis, le plan d'action, le travail des fédérations et l'émission de directives constituent un «véhicule beaucoup plus rapide et efficace».

Des membres de son équipe ont ajouté que les outils législatifs nécessaires étaient déjà en place, notamment la Loi sur la sécurité dans les sports. On saura dans les prochains mois si cette évaluation est juste.

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Alors, quoi penser de tout cela? Bien sûr, le plan d'action n'est doté d'aucun financement additionnel et a un peu l'allure d'un recueil de bonnes intentions. Mais laissons la chance au coureur.

Après tout, il faut bien commencer quelque part. Si les fédérations et la trentaine de sports interpellés s'approprient ce plan et adhèrent sérieusement à ses objectifs, il s'agira d'une avancée réelle. Pour le bien des milliers de jeunes sportifs au Québec, souhaitons que ce soit le cas.