Dans bien des cas, on peut comprendre les équipes de la LNH de ne pas divulguer la nature exacte des blessures de leurs joueurs.

Ainsi, si l'un d'eux s'absente pour une ou deux rencontres après avoir été cinglé à la main, révéler la nature de son mal pourrait l'exposer davantage à un coup vicieux dans les matchs suivants. Si la discrétion le protège d'une manoeuvre déloyale, aussi bien en profiter.

La situation de Carey Price, blessé au «bas du corps», est cependant différente. D'abord, son absence sera de longue durée, au moins six semaines. Le Canadien attendra sûrement qu'il soit parfaitement rétabli avant de le réinsérer dans la formation. Il n'y a aucun risque à prendre avec le canon de l'équipe et un des meilleurs joueurs de la LNH.

Ensuite, tous les rivaux du CH savent qu'un malaise au genou droit, ou dans l'environnement général de cette partie de la jambe, garde Price sur la touche. Si un adversaire tient à l'attaquer méchamment à son retour au jeu, il ne visera pas son épaule! Les secrets sont rares dans ce circuit. Et ils sont encore plus difficiles à garder durant six semaines.

Rappelez-vous la blessure de Price dans le premier match de la série éliminatoire entre le Canadien et les Rangers de New York au printemps 2014. Alain Vigneault avait choqué Michel Therrien en expliquant avoir appris dès le lendemain, soit avant l'annonce officielle, l'absence du gardien-vedette pour le reste de la série et son remplacement par Dustin Tokarski. «Le hockey, c'est un p'tit monde», avait lancé l'entraîneur-chef des Rangers, sourire ironique au visage.

Hier, j'ai demandé à Marc Bergevin pourquoi ne pas en dire davantage et mieux informer les amateurs, qui s'inquiètent pour le pilier de l'équipe. Les Oilers d'Edmonton, par exemple, n'ont pas caché que Connor McDavid souffrait d'une fracture de la clavicule. Ils n'ont jamais évoqué une blessure au «haut du corps».

«Ça donne quoi à l'organisation de dévoiler la blessure d'un joueur? a-t-il rétorqué. Nous, on gagne quoi? On a dévoilé celle de Brendan Gallagher parce qu'il a été opéré. Carey, on ne la dévoile pas. On fait la même chose que les autres équipes, on n'est pas différents. Ce ne sont pas des cachotteries juste pour s'amuser, c'est pour le bien du joueur et de l'organisation. Et ça ne changera pas.»

À n'en pas douter, de nombreux fans partagent cette opinion.

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En 2007-2008, les équipes de la LNH devaient préciser la nature des blessures des joueurs. Chez le Canadien, on garde un mauvais souvenir de cette saison. Un membre de l'organisation a rappelé hier que Milan Lucic, alors avec les Bruins de Boston, avait carrément visé une blessure de Mike Komisarek en lui assénant un coup de hockey à l'aine, suscitant ainsi la colère du DG Bob Gainey.

L'été suivant, à l'initiative de Gainey et de son homologue des Red Wings de Detroit Ken Holland, la norme a été modifiée. Depuis ce temps, les équipes en disent le moins possible à propos des blessures. Elles n'ont cependant pas le droit de fournir de fausses informations.

Les organisations n'en parlent pas, mais cette politique les sert bien à un autre niveau. Elles évitent ainsi les questions plus pointues d'ordre médical, ce qu'elles détestent particulièrement, comme en font foi leurs réactions à propos des commotions cérébrales. L'absence d'informations permet aussi d'évacuer des débats comme, par exemple, de savoir si un joueur est revenu au jeu trop tôt.

D'autre part, les propos de Bergevin rappellent que l'idée de frapper pour blesser sévit toujours dans la LNH. S'il se montre discret à propos de l'état de Price, c'est pour le protéger, laisse-t-il entendre. Selon lui, si un doute subsiste concernant l'endroit exact où il est blessé, le Canadien profite d'un avantage, aussi minime soit-il. «Ça vaut la peine, c'est plus sûr comme ça...», ajoute le DG.

Le respect entre les joueurs n'est donc pas encore acquis, même si les coups à la tête semblent moins nombreux et que le nombre de bagarres a chuté. Ces changements surviennent lentement dans la LNH mais, au moins, on note une amélioration.

De là à croire que les équipes agiront un jour comme celles de la NFL et dévoileront plus précisément les blessures de leurs joueurs, il y a un pas à ne pas franchir. Au football, la pression des paris sportifs joue à l'évidence un rôle dans cette ouverture.

Malheureusement, la transparence ne fait pas partie de l'ADN de la LNH. Ainsi, la ligue souhaite une large couverture de presse et raffole des «fans engagés», qui regardent les matchs à la télé et discutent des performances des joueurs sur les réseaux sociaux. Mais elle apprécie moins qu'on discute des finances de ses équipes en difficulté, de son historique sur le plan des commotions cérébrales ou de la nature exacte des blessures.

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Carey Price est le meneur du Canadien. L'équipe se ressentira inévitablement de son absence. Les amateurs en paieront aussi le prix puisqu'on assistera sans doute à du jeu plus serré en défense et moins spectaculaire en attaque.

Michael Condon est prometteur. Mais agir comme gardien numéro un pour une aussi longue période est un défi majeur. Et même si ses performances cette saison sont encourageantes, le coussin dont le Canadien profite au classement est plus utile que jamais... en attendant le retour du célèbre blessé au «bas du corps».