Une question, comme ça: si Justin Trudeau avait été expédié au plancher pour le compte de 10 dans son combat de boxe contre Patrick Brazeau en mars 2012, deviendrait-il aujourd'hui premier ministre du Canada?

Peut-être, mais peut-être pas non plus. Lorsque les deux hommes se sont retrouvés sur le ring, Trudeau était député libéral, mais pas encore chef du parti. Et Brazeau était membre du Sénat, une institution dont il a ensuite été suspendu jusqu'aux dernières élections.

Cet affrontement visait à collecter des fonds pour la lutte contre le cancer. Mais sur le plan politique, Trudeau a joué gros ce jour-là. S'il avait été battu net et sec, son image aurait été touchée. C'est plutôt l'inverse qui s'est produit. Sa performance a démontré sa pugnacité, un atout majeur pour un politicien.

Ironiquement, ce combat s'est déroulé à la manière de la dernière campagne électorale. Après avoir encaissé de solides coups à la première ronde, Trudeau - considéré comme le négligé - est revenu en force dans les deux dernières. Il a ainsi remporté une victoire convaincante, laissant son rival le nez en sang.

En plus de boxer, le nouveau premier ministre est amateur de plein air et s'intéresse au yoga. Voici donc un homme, manifestement en grande forme physique, qui croit aux bienfaits de l'exercice. Dans ce contexte, j'ai hâte de voir quelle place le sport occupera dans son cabinet.

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Le bilan «sportif» du gouvernement Harper est en demi-teinte. Sur le plan du financement, il mérite une excellente note. De 2006 à aujourd'hui, la contribution fédérale a grimpé de 132 à près de 200 millions par année.

La préparation des Jeux de Vancouver en 2010, où le Canada voulait faire meilleure figure qu'à ceux de Montréal (1976) et Calgary (1988), explique en partie cette hausse. Mais le gouvernement a maintenu son niveau de financement après les Jeux, une décision bienvenue. Dans son budget de 2014, il a aussi «permanentisé» une allocation annuelle de 11 millions aux sports d'hiver, comblant ainsi les souhaits du milieu.

En revanche, les ministres responsables des Sports nommés par Stephen Harper n'ont pas impressionné. On a atteint le fond du baril sous Bal Gosal, en poste depuis quatre ans. Complètement déconnecté de la réalité du Québec, il a fait une annonce importante à Montréal en 2011 sans prononcer un seul mot de français. Ce mélange d'inconscience et de mépris, devant un parterre d'athlètes olympiques de la région, en a dit long sur lui.

Un an plus tard, lorsqu'une controverse a éclaté à propos de Mathieu Giroux (ce patineur de vitesse qui voulait s'entraîner à Montréal plutôt qu'à Calgary afin de terminer ses études universitaires), Gosal a déclaré que le dossier ne le concernait pas. Comme manque de leadership, difficile de trouver plus consternant.

En scrutant la liste des derniers ministres d'État ou secrétaires parlementaires aux Sports, on constate que Denis Coderre fut, et de loin, le plus performant au tournant des années 2000. C'est bien la preuve que dans un poste semblable, la personnalité de l'individu et la marge de manoeuvre que lui laisse le premier ministre font la différence. L'actuel maire de Montréal a toujours défendu les athlètes et s'est battu avec succès pour convaincre l'Agence mondiale antidopage de s'établir à Montréal, alors que les chances semblaient contre lui.

Denis Coderre s'est investi à fond dans sa mission. La prochaine personne responsable pourra-t-elle en faire autant? Un exemple: si Justin Trudeau, qui envisage un cabinet de taille modeste, confie le sport au ministère du Patrimoine, combien d'heures par semaine le - ou la - ministre consacrera-t-il au secteur?

L'exemple du gouvernement du Québec illustre les limites du jumelage de responsabilités. L'assiette du ministre de l'Éducation, François Blais, est trop remplie pour qu'il se préoccupe aussi de sport. Résultat, les dossiers n'avancent pas. On le voit bien avec celui des commotions cérébrales, où le rapport du Groupe de travail ayant déposé son rapport en mars dernier n'a pas encore été rendu public.

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Des enjeux majeurs attendent le prochain ministre des Sports. Parmi eux, le respect de la dualité linguistique du Canada.

Ainsi, quelle place le Comité olympique canadien (COC) fera-t-il au français après la crise l'ayant secoué? La langue de Molière ne fait pas partie de ses gènes. Plusieurs anciens présidents du COC ne la parlaient pas et connaissaient très mal le Québec. Cela a créé des tensions profondes dont des athlètes ont fait les frais.

Le COC est une entité indépendante. Mais le sport d'élite a besoin du soutien moral et financier du gouvernement. Dans ce contexte, le pouvoir d'influence d'un ministre est très fort... s'il veut l'exercer. Le nouveau gouvernement devrait aussi exiger du COC plus de transparence, notamment en ce qui concerne son budget de fonctionnement.

Un des engagements du gouvernement Trudeau est la création d'un programme d'infrastructures. Les besoins sont immenses à plusieurs niveaux. Mais le ministre des Sports devra se battre pour obtenir sa part du gâteau.

Dans le cadre des ententes qui seront sans doute négociées avec les provinces, il faudra augmenter le nombre de plateaux sportifs: terrains de soccer, patinoires, gymnases... Cela favorisera la pratique de l'activité physique, dont l'impact positif sur la santé n'est plus à démontrer. Ne l'oublions pas: la lutte contre la sédentarité demeure un problème majeur de société.

Enfin, la concurrence internationale étant toujours plus forte, l'appui financier aux athlètes d'élite doit augmenter. Non seulement représentent-ils le pays sur la scène internationale, mais encore leurs performances inspirent les jeunes, qui se sentent souvent plus près d'eux que des athlètes professionnels touchant des millions de dollars.

Le gouvernement de Justin Trudeau s'annonce activiste. Souhaitons que cela soit aussi vrai dans le domaine du sport. Le gouvernement fédéral a besoin d'un ministre engagé.

Drogba n'ira pas à Bologne

Des médias italiens ont évoqué la possibilité que Didier Drogba se joigne au Bologne FC après la saison de l'Impact. Mardi matin, la nouvelle a rebondi à Montréal, où elle a fait des remous.

En après-midi, Joey Saputo a voulu mettre les choses au clair auprès du principal intéressé. Et la haute direction de l'Impact a communiqué avec le numéro 11 du bleu-blanc-noir pour lui assurer qu'elle n'était pas à l'origine de cette rumeur. Drogba a dit être habitué aux informations plus ou moins fondées à propos des joueurs de renom. Il a aussi signifié, m'a expliqué Nick De Santis, que cette perspective ne l'intéressait pas.

Le fait que Joey Saputo soit propriétaire des deux formations ouvre évidemment la porte à des hypothèses de cet ordre. Tout comme les difficultés du Bologne FC qui, après avoir assuré sa qualification en Série A la saison dernière, connaît des ennuis sur le terrain.

En revanche, au moment d'investir dans le Bologne FC, en octobre dernier, Joey Saputo m'avait assuré que l'Impact ne deviendrait pas le club-école de cette équipe. Quand je lui avais fait état de mes craintes qu'un joueur de la trempe d'Ignacio Piatti soit «prêté» à l'équipe italienne, il m'avait rétorqué d'un ton sans appel: «No way!» Pas question, avait-il ajouté, de «perdre un de nos meilleurs joueurs».

Si cela était vrai pour Piatti, ce l'est à plus forte raison pour Drogba. L'Impact a vendu 2000 nouveaux abonnements pour 2016. Et les acheteurs ont agi avec la promesse implicite que la vedette ivoirienne serait de la formation.

Pour que l'influence de Drogba s'intègre à l'ADN de l'Impact, il devra participer au prochain camp d'entraînement et vivre toute la saison prochaine avec ses coéquipiers.

De plus, si l'Impact atteint dimanche la finale de l'Association de l'Est de MLS, la saison se terminera au plus tôt à la fin de novembre, soit environ six semaines avant la reprise de l'entraînement à la fin de janvier. Ce repos serait d'une durée idéale.

Bref, Joey Saputo et l'Impact comptent sur Drogba à temps plein. C'est une nouvelle rassurante pour les partisans de l'équipe.