Vingt ans après le départ des Nordiques et onze ans après celui des Expos, assisterons-nous à un retour en force du Québec dans le sport professionnel majeur?

Malgré la faiblesse du dollar canadien, et des interrogations légitimes sur notre capacité économique à soutenir deux nouvelles équipes, jamais les dirigeants de la LNH et du baseball majeur n'ont montré autant d'ouverture à ce sujet.

Mardi prochain, à New York, le Bureau des gouverneurs de la LNH discutera des dossiers de Québec et de Las Vegas. Les deux villes sont les seules qui ont répondu à l'invitation du circuit lors du lancement du processus formel d'expansion. Leurs projets sont bien ficelés, chacune comptant sur des investisseurs de premier plan et des amphithéâtres bâtis sur mesure pour le hockey.

Pour les gens de Québecor et du groupe de William Foley, cette journée sera capitale et risque de donner le ton à la suite des choses. Le processus d'expansion en est à sa troisième et dernière étape. Et malgré le fait que la LNH exigera sans doute des précisions additionnelles sur leur modèle d'affaires, l'heure de la décision finale arrive à grands pas.

Pendant ce temps, le baseball majeur ne cache pas son désir d'élargir ses cadres. Dans une entrevue au Dan Patrick Show jeudi, le commissaire Rob Manfred s'est avancé comme jamais à ce sujet.

«Nous voyons le baseball comme une industrie en croissance, et les industries en croissance prennent de l'expansion, a-t-il dit. J'aimerais qu'on totalise 32 équipes, c'est un beau chiffre qui nous aiderait en ce qui concerne le calendrier. Sans établir d'échéancier, je pense que le dossier se retrouvera sur notre table de travail.»

Depuis son entrée en poste l'hiver dernier, le commissaire a multiplié les signes d'ouverture envers Montréal. Il envisage l'ajout d'une équipe au Canada et d'une autre au Mexique, où il se rendra d'ailleurs la semaine prochaine.

Manfred a donné une autre preuve de son intérêt envers le Canada dans cette entrevue. Lorsque l'animateur lui a demandé s'il rêvait d'une Série mondiale entre les Yankees de New York et les Cubs de Chicago, deux équipes légendaires établies dans d'énormes marchés, il a reconnu qu'il s'agirait d'un excellent scénario. Mais il a tout de suite ajouté: «Un affrontement entre les Cubs et Toronto serait aussi intéressant. Le Canada est très important pour nous. Cette série serait populaire dans les deux pays.»

Un commissaire souhaite toujours laisser une empreinte sur l'évolution de son sport. Bettman, par exemple, a misé sur de nouveaux marchés aux États-Unis, notamment dans le sud du pays. Manfred, lui, vise clairement le développement à l'extérieur des frontières américaines, un atout considérable pour Montréal.

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Alors, reverrons-nous un jour les Nordiques et les Expos? Même si des dossiers semblables peuvent réserver des surprises, le retour des Bleus est plus probable à court terme que celui des Z'Amours.

La LNH est alléchée par le milliard de dollars qu'une expansion pourrait lui rapporter. La recherche de nouveaux revenus est incontestablement une priorité du circuit. La tenue de la Coupe du monde de septembre 2016 en constitue un exemple clair.

Sur le plan sportif, cette compétition est inutile. Elle aura lieu à une période de l'année où les joueurs n'ont pas retrouvé leur vitesse de croisière et opposera trois types d'équipes: six sélections nationales, une internationale et une composée de joueurs nord-américains de 23 ans ou moins. Joyeux mélange! Mais l'affaire s'annonce très profitable et c'est tout ce qui compte pour la ligue.

De la même façon, la LNH montre une certaine ouverture à l'idée que ses joueurs participent aux Jeux de Pékin en 2022. Elle s'est pourtant fait tirer l'oreille avant ceux de Sotchi en 2014 et ne semble avoir aucun intérêt pour ceux de Pyeongchang en 2018. Pourquoi cette attitude différente? Tout simplement parce que le marché chinois représente potentiellement une formidable source de croissance.

Pour obtenir une équipe de l'expansion, Québec et Las Vegas devront remplir une condition fondamentale: démontrer la capacité - et la volonté - des propriétaires de financer le fonctionnement de l'équipe, même dans les périodes de ralentissement économique.

La LNH ne veut pas de nouveau canard boiteux. Si les deux villes relèvent ce défi, il serait étonnant que le circuit lève le nez sur un milliard de dollars. Gary Bettman a constaté cet été que les groupes prêts à investir cette somme n'étaient pas si nombreux.

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Si le projet des néo-Nordiques est limpide, celui des néo-Expos demeure embrouillé. Chaque nouvelle déclaration de Rob Manfred suscite l'enthousiasme des partisans du retour de l'équipe, mais nous rappelle aussi l'opacité entourant le dossier.

Qui sont les investisseurs pressentis? Ont-ils les poches assez profondes pour acquérir une équipe de l'expansion? Envisagent-ils plutôt une prise de participation minoritaire en convainquant, par exemple, le propriétaire des Rays de Tampa Bay de déménager à Montréal en demeurant l'actionnaire majoritaire? Et, surtout, comment un nouveau stade sera-t-il financé? Demandera-t-on l'aide de l'État?

La faiblesse du dollar canadien face à la devise américaine pose aussi problème. Mais cet enjeu me semble plus important pour les néo-Nordiques que pour les néo-Expos. Ceux-ci toucheraient en effet une grande partie de leurs revenus en dollars US grâce aux gigantesques revenus de télé et aux initiatives numériques du baseball majeur.

L'autre incertitude est la suivante: le monde des affaires québécois est-il prêt à appuyer deux nouvelles équipes majeures, sachant que le Canadien ratisse déjà très large à ce niveau? Si le passé est garant de l'avenir, rien n'est moins sûr.

Cela dit, le seul fait d'aborder ces questions est une bonne nouvelle. Il y a 10 ans, personne n'aurait envisagé que les commissaires du hockey et du baseball étudieraient le retour possible des Nordiques et des Expos.