À défaut d'afficher sa forme de l'an dernier, Eugenie Bouchard a pris les moyens pour ne pas passer inaperçue aux Internationaux des États-Unis. D'abord, embaucher Jimmy Connors comme conseiller spécial; ensuite, faire équipe avec Nick Kyrgios, l'enfant terrible du tennis masculin, en double mixte.

L'arrivée de Connors dans l'entourage de la jeune Québécoise est intrigante. Pas question de lui donner des conseils techniques, a-t-il expliqué au Wall Street Journal. L'ancien champion croit plutôt aux éléments «intangibles», au premier rang la confiance en soi. Il a rappelé l'importance de montrer du «coeur» et d'afficher «l'instinct du tueur».

Ces principes ne renouvellent pas le discours. On parle ici de Psychologie sportive 101. Mais à ce moment-ci de sa carrière, Bouchard a peut-être besoin de se les faire rappeler. Lorsqu'on est au fond du baril, aussi bien s'accrocher à des concepts simples pour en émerger.

Connors a toujours parlé sans détour. C'était vrai à l'époque où il électrisait les foules sur les courts, ce l'est encore aujourd'hui. En 2011, il a été intronisé au Temple de la renommée de la Coupe Rogers. En conférence de presse à Montréal, il avait abordé une question délicate: les colossales sommes d'argent touchées par les joueurs d'aujourd'hui ont-elles un impact sur leur désir de gagner?

«Chaque joueur doit déterminer son niveau de satisfaction, avait-il dit. La réponse se trouve dans sa tête lors d'un match. Lorsque le score est de 4-4 au cinquième set, à quoi pense-t-il? Au fait qu'il n'a jamais eu autant de plaisir dans la vie? Ou plutôt que son compte en banque est déjà bien rempli?»

Discuter avec Connors, entendre son point de vue sur la gestion d'une carrière sportive sera utile à Bouchard. Il comprend l'absolue nécessité de s'investir à fond dans son sport, véritable clé du succès dans un environnement aussi concurrentiel.

En revanche, Connors, qui n'était pas à New York lundi, ne représente sans doute pas une solution à long terme pour permettre à Bouchard de retrouver tous ses repères sur le terrain. «Je ne suis pas un entraîneur», a-t-il dit la semaine dernière.

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Le soulagement était évident sur le visage de Bouchard après sa victoire aux dépens d'Alison Riske. Ce grand sourire au visage, on ne l'a pas vu souvent lorsque Sam Sumyk la dirigeait. Sa décision de couper les ponts avec le réputé entraîneur était nécessaire.

Reste à savoir si Bouchard et son entourage ont maintenant un plan cohérent pour l'avenir. Pour une jeune joueuse si médiatisée, la qualité de l'encadrement est fondamentale. En mai dernier, à Roland-Garros, Maria Sharapova l'a rappelé en mentionnant les pièges qui guettent ces espoirs sollicités de toutes parts.

Évoquant sa victoire à Wimbledon à l'âge de 17 ans, elle a affirmé: «J'ai alors pensé que je devrais être capable de gagner tous les matchs. J'ai eu besoin de temps pour comprendre que ce n'était pas la réalité des choses. À l'époque, le plus important a été de bien m'entourer, d'avoir une équipe solide autour de moi, capable de prendre les bonnes décisions.

«On profite de tellement de possibilités, on peut participer à des événements intéressants, on rencontre des vedettes. C'est cool, par exemple, de faire une séance de photos pour Vogue, et j'ai beaucoup apprécié ça. Mais au final, c'est de gagner des matchs de tennis qui m'a conduite là où je suis arrivée. Les gens autour de moi se sont assurés que mes objectifs étaient bien définis.»

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Bouchard n'a pas battu une rivale de premier plan, lundi. Contre une joueuse plus aguerrie, ses erreurs de début de match lui auraient peut-être été fatales.

Mais sa performance rappelle son talent. J'ignore si elle atteindra un jour ses objectifs - remporter un tournoi du Grand Chelem et atteindre le premier rang mondial -, mais je suis convaincu qu'elle ne sera pas une étoile filante dans l'histoire du tennis féminin. En autant, bien sûr, qu'elle tire les bonnes leçons de ses récents malheurs. Car si elle répète son erreur de l'an dernier, ses ennuis se poursuivront.

Cette bévue réside dans une mauvaise évaluation de sa place dans la hiérarchie du tennis. Après sa saison de rêve en 2014, Bouchard a cru qu'elle avait bétonné sa position au sein de l'élite du tennis féminin.

Pour une athlète venant tout juste de percer sur la scène internationale, cette certitude était un signe d'impatience. La tournure des événements l'a déconcertée. Lorsque je lui ai posé la question à Roland-Garros en mai dernier, elle a fait montre d'une franchise absolue: «Je m'attendais à des résultats comme l'année dernière ou encore meilleurs.»

Les choix qu'Eugenie Bouchard fera en vue de la prochaine saison donneront le ton à la suite de sa carrière. Elle a maintenant connu le succès et l'échec. Cette expérience devrait l'aider à prendre les décisions appropriées.

Peu d'athlètes québécois ont profité d'une aussi grande résonance qu'elle sur la scène internationale. Jacques Villeneuve a été l'un d'eux. Après avoir remporté le championnat du monde des pilotes de Formule 1, il a pris le risque de démarrer une nouvelle écurie, avec son entourage de l'époque. Les résultats ont été décevants. Et il n'a plus jamais gagné une course du grand cirque durant sa carrière.

Le tennis n'est pas le sport automobile. Mais l'histoire de Villeneuve, qui a néanmoins connu une splendide carrière, rappelle l'importance de faire les bons choix.