Bakary Soumare est un pilier de l'Impact en défense. Grand et costaud, charismatique aussi, il connaît ses classiques de la littérature pour enfants. «On est le Petit Poucet, dit-il, mais on veut marquer un gros coup.»

Dans le conte de Perrault, le Petit Poucet déjoue le sombre complot de l'ogre, qui voulait les manger, ses frères et lui. Une analogie intéressante en vue du match de ce soir au Stade olympique.

Club América, dont la masse salariale frôle les 50 millions - c'est 15 fois celle de l'Impact! -, souhaite en effet dévorer le Bleu-blanc-noir, de manière à rétablir l'ordre naturel des choses après le verdict nul de mercredi dernier au mythique Stade Azteca, à Mexico.

Dans l'esprit de l'équipe mexicaine, une petite formation de Major League Soccer (MLS) comme l'Impact, pas même foutue de participer aux dernières séries éliminatoires, n'est pas supposée tenir en échec sa superbe machine de soccer.

Mais voilà: la troupe de Frank Klopas, comme le Petit Poucet, a plus d'un caillou dans son sac. Et si on se fie à la démarche confiante de Soumare et de ses coéquipiers hier après-midi, Club América, malgré sa force de frappe, ne devra pas prendre les Montréalais à la légère. «On veut donner au club le plus gros trophée de son histoire», explique Soumare.

Une victoire de l'Impact aurait l'effet d'un coup de tonnerre. Imaginez: l'équipe se qualifierait ainsi pour le Mondial des clubs, au Japon, en décembre prochain. Cette compétition regroupera les champions des six zones géographiques de la Fédération internationale de football. Le meilleur club européen, FC Barcelone, Bayern Munich ou une autre puissance sera aussi de la partie. Ce simple fait aide à placer les choses en perspective.

«Un moment comme celui-là ne survient pas souvent, explique Klopas. Et tu ne sais jamais quand l'occasion se présentera de nouveau. Beaucoup d'éléments doivent tomber en place pour en arriver là. Notre parcours en est un exemple. Il suffit de penser au but de Cameron Porter dans la dernière minute du match contre Pachuca en quart de finale...»

Klopas aura oublié tous ces rebondissements lorsque le ballon sera mis au jeu ce soir. «Comme l'a déjà dit Mike Ditka, l'ancien grand entraîneur des Bears de Chicago, le passé fait partie de l'histoire et l'avenir est un mystère. Ce qui compte, c'est ce que nous faisons maintenant. Et je sais que nos joueurs se donneront à fond.»

***

Une cinquantaine de représentants des médias et une dizaine de caméras de télé... Non, ce n'était pas une rencontre de presse ordinaire pour l'Impact, hier. Un journaliste du Japon était du groupe. Klopas, de moins en moins coincé devant un micro, l'a salué en blaguant: «Mon ami, j'espère te voir là-bas en personne en décembre...»

L'entraîneur de l'Impact souhaite aussi que les 61 000 personnes présentes au match de ce soir soutiennent à fond son équipe. Il connaît déjà l'ambiance d'un Stade olympique plein à craquer, puisqu'il dirigeait le Fire de Chicago, l'adversaire de l'Impact lors du premier match de MLS à Montréal, en mars 2012. Ce jour-là aussi, les gradins étaient remplis, même si l'enjeu n'avait aucune commune mesure.

«Je me souviens aussi des grosses foules aux matchs du Manic, a ajouté Klopas. Il y a beaucoup de passion pour le soccer à Montréal. La grosse différence avec cette époque, c'est que notre sport est maintenant bien implanté chez les jeunes.»

L'Impact souhaite maintenant que tous ces adeptes de soccer, et leurs parents, adoptent l'Impact pour de bon. Le fabuleux parcours des dernières semaines représente une chance extraordinaire de tisser des liens affectifs durables entre l'équipe et les amateurs de sport de tout le Québec.

«Il faut qu'il y ait une suite, lance Richard Legendre. On n'a pas de boule de cristal pour deviner la suite, mais on a tout de même l'impression d'avoir grandi d'une autre coche depuis deux mois.»

Les chiffres soutiennent l'analyse du vice-président de l'Impact: en mars et avril, au moment où l'été n'est pas encore arrivé et où le hockey du Canadien retient une attention extraordinaire, l'organisation a vendu plus de 155 000 billets pour les quatre matchs disputés au Stade olympique: trois en Ligue des champions et un en MLS. Ce n'est pas rien, tout de même!

On verra si l'engouement survivra au duel de ce soir. L'équipe disputera quatre rencontres au stade Saputo en mai. L'Impact souhaite jouer à guichets fermés, surtout le week-end.

***

Qui sera devant le filet de l'Impact ce soir? Sans doute Kristian Nicht, un inconnu des fans jusqu'à hier soir, lorsque l'organisation s'est assurée de ses services à la suite de la suspension d'un match imposée à Evan Bush.

Un géant à la barbe bien fournie, Nicht a une longue expérience du soccer de premier niveau, notamment en Allemagne. Il a aussi un excellent sens de la répartie. Lorsque je lui ai demandé comment il pouvait se décrire aux fans, il a souri et a lancé: «Je pense qu'il y a une vidéo ou deux sur YouTube...»

Nicht ne semble pas un type nerveux. Tant mieux. Parce qu'il faudra beaucoup de sang-froid à l'Impact pour subir sans trop de dégât les assauts de Club América. Leur attaquant-vedette, Oribe Peralta, possède un talent fou.

«Mais tu sais quoi? Nos gars en ont vu d'autres, lance Richard Legendre. Leur attitude m'a impressionné avant le match à Mexico la semaine dernière. Personne n'était nerveux.»

Sur le plan du leadership, Patrice Bernier a du soutien cette saison. Laurent Ciman, Nigel Reo-Coker et Ignacio Piatti ont tous pris leur place au sein du groupe. Avec leurs coéquipiers, ils sont convaincus de pouvoir sortir victorieux de cet affrontement avec un club qui, sur papier, est largement supérieur.

Mais les surprises font la beauté du sport. Et des contes pour enfants. Après tout, qui aurait donné une chance au Petit Poucet de l'emporter? Ce printemps, l'Impact semble vraiment courir avec des bottes de sept lieues aux pieds.