Il ne faut rien enlever au mérite du Canadien. Peu importe la manière, remporter le premier tour éliminatoire est un défi colossal. Les matchs sont d'une intensité folle et il faut du cran pour arracher quatre victoires.

Les Sénateurs, l'équipe surprise du calendrier régulier, se sont battus jusqu'au bout. Après avoir perdu les trois premiers duels, ils auraient pu lever le pied. Ce fut tout le contraire. Il faut admirer leur courage et leur résilience.

Et si l'arbitre Chris Lee n'avait pas commis une erreur manifeste en sifflant trop vite un arrêt de jeu en deuxième période, privant ainsi Jean-Gabriel Pageau d'un but crucial, un affrontement décisif serait peut-être présenté demain, au Centre Bell.

Mais le Canadien évite ce cauchemar. Et c'est beaucoup grâce à Carey Price. Sa performance de dimanche donne raison à Marc Bergevin qui, avant la fin de la saison régulière, l'a qualifié de «meilleur joueur de hockey au monde».

Price n'a pas connu sa meilleure série. Il a même été très ordinaire lors du match de vendredi. Mais il s'est relevé avec un aplomb remarquable dimanche. Réussir une performance aussi éblouissante, au moment où ça compte le plus pour son équipe, est la marque des grands.

Dans la dernière minute de jeu, au moment où les Sénateurs ont attaqué sans relâche, Price m'a rappelé Patrick Roy durant les séries de 1993, la dernière année où le Canadien a gagné la Coupe Stanley. Le même style, la même confiance, le même panache. Il faut être très fort pour résister à un feu aussi nourri, surtout lorsqu'on est bousculé à qui mieux mieux devant son filet.

Si Price continue de la sorte, les chances du Canadien d'écarter ses rivaux de deuxième ronde, peu importe qu'il s'agisse des Red Wings de Detroit ou du Lightning de Tampa Bay, seront intéressantes. Mais si alerte soit-il, le gardien ne pourra gagner les matchs à lui seul. Pour espérer connaître un long printemps, l'équipe devra montrer plus de punch en attaque.

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L'ambiance n'était pas survoltée dans le vestiaire du Canadien après la victoire. Les joueurs étaient évidemment heureux du résultat. Mais leur réserve démontrait toutes leurs ambitions. Dans leur esprit, cette victoire ne constitue qu'une première étape.

«On aura un peu de temps pour travailler notre avantage numérique, a dit P.K. Subban. Si on s'améliore à ce niveau, ça pourrait faire la différence dans la prochaine série.»

Subban touche la cible. L'attaque massive, qui n'a inscrit qu'un seul but en 20 occasions contre les Sénateurs, doit absolument faire mieux. Déjouer le gardien adverse a représenté un immense défi pour le Canadien toute la saison. Dans ce contexte, si l'avantage numérique ne trouve pas assez souvent le fond du filet, cela met une pression absurde sur Price.

Max Pacioretty, le seul marqueur naturel du club, n'est pas inquiet. «Nous sommes demeurés positifs toute la saison et cela a contribué à nos succès, a-t-il dit. Nous avons beaucoup appris durant les séries de l'an dernier et cette expérience nous servira.»

Pacioretty a découvert une chose au printemps dernier: chaque série éliminatoire écrit sa propre histoire. La trame narrative n'est jamais la même.

«L'attaque massive? Ça ira, dit-il. Il y a des hauts et des bas dans une saison. On analysera le travail de nos prochains adversaires en désavantage numérique et on s'ajustera.»

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Pour une deuxième saison consécutive, le Canadien se retrouve dans le groupe des huit équipes toujours en vie après la première ronde. Il ne faut pas minimiser cette réussite. Dans une ligue où la lutte est si féroce, connaître autant de succès est remarquable.

Osons donc la grosse question: le CH peut-il gagner la Coupe? Aujourd'hui, la bouchée semble trop grosse. Oui, la défensive est la clé du succès en séries éliminatoires. Mais il faut aussi marquer des buts et profiter de ses avantages numériques. Et à ce niveau, les lacunes sont réelles. Il faudra absolument un réveil offensif, si modeste soit-il. Sinon, la suite sera ardue.

Cela dit, Pacioretty a raison. Chaque série est différente. Et peut-être que le Canadien trouvera des solutions en deuxième ronde. Mais on ferait mieux d'attendre un peu avant de penser à la Coupe Stanley...

Pour l'instant, une chose importe: le party continue. Le Canadien poursuit sa course en séries. Il s'agit d'une excellente nouvelle pour Montréal et tout le Québec. Ce moment rassembleur nous fait collectivement du bien.



Un texte percutant

Mike Peluso était un dur, qui a souvent laissé tomber les gants dans sa carrière de dix saisons dans la LNH. Ses 1951 minutes de punition sont là pour en témoigner.

Ce week-end, Peluso a signé un texte percutant dans le quotidien torontois The Globe and Mail. Il explique combien tous les coups de poing qu'il a reçus au visage ont diminué sa qualité de vie. «Je me suis retiré en 1997 à la suite d'une blessure, mais je n'avais aucune idée que mes ennuis de santé ne faisaient que commencer», écrit-il.

Aujourd'hui âgé de 49 ans, Peluso est parfois victime de convulsions. Les médecins veulent lui retirer son permis de conduire et aucune entreprise ne l'embauche. Établi aux États-Unis, il a dépensé des dizaines de milliers de dollars en frais médicaux.

Peluso a subi un minimum de dix commotions cérébrales dans la LNH. Après un choc particulièrement violent, il était si désorienté qu'il a pris sa douche à répétition, oubliant qu'il venait de le faire. Il rappelle l'époque où le protocole de retour au jeu était très simple: «On me demandait le nom du président des États-Unis, on me donnait quelques aspirines, et on me renvoyait au jeu».

Peluso fait partie du groupe d'anciens joueurs ayant déposé un recours collectif contre la LNH. Ils soutiennent n'avoir jamais été prévenus des dangers liés aux commotions: démence, maladie d'Alzheimer prématurée... «J'aurais aimé que quelqu'un nous dise de manière honnête à quoi ressembleraient éventuellement nos cerveaux», ajoute-t-il, soutenant qu'il est temps pour la LNH d'aider ses anciens joueurs.

Gary Bettman était au courant du texte de Peluso lorsque je lui ai demandé sa réaction, dimanche, avant le match entre les Sénateurs et le Canadien. Compte tenu des procédures juridiques en cours, il a simplement énuméré les initiatives du circuit pour lutter contre ce fléau au fil des ans. La LNH, rappelons-le, conteste vigoureusement l'action intentée contre elle.

Le véritable enjeu est cependant de savoir si la LNH a trop attendu avant de poser des gestes concrets dans ce domaine. Les bagarres sont beaucoup moins nombreuses aujourd'hui, c'est vrai. Mais le simple fait qu'elles soient tolérées est renversant. Plus personne ne peut ignorer qu'elles sont la cause de commotions cérébrales.

Au football, la NFL, plutôt qu'attendre les conclusions du procès intenté par ses anciens joueurs, a conclu un règlement à l'amiable. Mais la LNH n'en est manifestement pas rendu là.

D'autre part, Bettman a fourni une information intéressante, dimanche: la LNH n'écarte pas l'idée - «si nécessaire», dit-il - d'utiliser des experts indépendants, à l'image de la NFL, pour déterminer si un joueur victime d'un coup à la tête doit être immédiatement retiré du match afin d'être examiné.

Actuellement, la décision revient à l'équipe impliquée, parfois hésitante à agir ainsi, comme le Canadien l'a démontré à deux reprises dans les douze derniers mois. L'équipe a été mise à l'amende dans un cas impliquant Max Pacioretty au printemps 2014 et blanchie dans celui de Nathan Beaulieu la semaine dernière. La bonne nouvelle, c'est que la LNH n'hésite pas à enquêter afin de vérifier si le protocole est respecté.

L'embauche de spécialistes indépendants renforcerait la crédibilité à la LNH. Mais l'annonce n'est clairement pas pour demain.

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Cela dit, Bettman était de très bonne humeur, dimanche. Et pourquoi pas? Les séries éliminatoires sont un succès, plusieurs villes rêvent de verser 500 millions pour acquérir une équipe de l'expansion et un de ses projets les plus chers, le retour de la Coupe du monde de hockey, est sur les rails.

Le commissaire a même fait preuve d'humour quand je lui ai demandé si la LNH n'aurait pas préféré que Connor McDavid se retouve dans un autre marché qu'Edmonton: «Les parents vous diront toujours qu'ils aiment tous leurs enfants!»