Michel Therrien a vivement défendu l'équipe médicale du Canadien, mardi. Ses propos, exprimés avec passion, n'ont cependant pas répondu à la question essentielle: pourquoi Nathan Beaulieu n'a-t-il pas été immédiatement retourné au vestiaire, dimanche, après avoir encaissé la redoutable mise en échec d'Erik Karlsson?

Manifestement secoué par ce coup subi en deuxième période, Beaulieu s'est relevé et a continué de jouer un moment avant de se retirer vers son banc. Le fait que l'équipe ne l'ait pas tout de suite fait examiner par un médecin est étonnant.

La charge de Karlsson, même si elle a été jugée légale par l'entraîneur du Canadien, avait comme point de contact la tête, en tout ou en partie. À ce moment précis, il était raisonnable de croire que Beaulieu avait peut-être subi une commotion cérébrale. Pas assurément, mais peut-être.

Dans cette situation, la prudence aurait été de vérifier adéquatement son état en le soumettant au court test prévu dans les circonstances.

Beaulieu est plutôt retourné sur la glace à trois autres reprises durant la période. De l'aveu même de Therrien, ce n'est que plus tard, entre les deuxième et troisième périodes, qu'il a rencontré un médecin.

Au bout du compte, Beaulieu a été jugé apte à demeurer dans le match, même s'il n'a pas joué en troisième période ou en prolongation. Cette décision laisse croire qu'aucune commotion n'a été diagnostiquée durant l'entracte. Mais ce verdict est manifestement tombé trop tard. Beaulieu n'aurait pas dû retourner sur la patinoire avant que le Canadien n'obtienne cette certitude.

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Bien sûr, la LNH et ses équipes préféreraient que le sujet des coups à la tête, et de leurs conséquences potentielles, suscite moins d'attention.

Il suffit, pour s'en convaincre, de voir l'impatience dans les yeux du commissaire Gary Bettman lorsqu'il est interrogé à propos de ce fléau. Il préfère même les questions sur le retour des Nordiques, ce qui n'est pas rien!

Pour la LNH, le sujet est d'autant plus délicat qu'un groupe d'anciens joueurs a déposé un recours collectif contre le circuit, arguant que les dirigeants ne les ont pas suffisamment prévenus des dangers liés aux commotions cérébrales.

Mardi, Therrien a demandé aux journalistes «d'avoir confiance à 100%» en l'équipe médicale du Canadien. Ce serait sûrement plus simple si ses membres répondaient à nos questions!

Mais le Canadien, comme plusieurs équipes de la LNH, entretient le mystère à propos des blessures que subissent ses joueurs. C'est un choix, évidemment. Sauf que les médias ne sont pas obligés de l'accepter en baissant la tête.

Les blessures font partie de la vie d'une équipe de hockey et sont ainsi soumises à la couverture médiatique. C'est encore plus vrai dans le cas des commotions cérébrales réelles ou appréhendées, qui représentent un enjeu fondamental du sport contemporain. Et cela, à tous les niveaux de compétition.

Mardi, le CH a annoncé que Beaulieu ratera le reste de la série contre les Sénateurs. Selon les informations de mon collègue Marc Antoine Godin, il ne souffrirait pas d'une commotion cérébrale. Son cas soulève néanmoins un enjeu plus large: la manière dont les circuits professionnels traitent les coups à la tête.

Or, l'incident de dimanche nous rappelle les ratés de la LNH à ce chapitre. Dans la Ligue nationale de football, un thérapeute sportif d'expérience observe l'action. Il prévient les entraîneurs s'il estime qu'un joueur a reçu un coup à la tête. Un préposé à la vidéo l'assiste, ce qui lui permet d'examiner attentivement les séquences controversées.

Ce thérapeute n'est pas employé par les équipes qui participent au match. Il est embauché par la NFL, ce qui confère au processus une certaine indépendance.

Si ce système existait dans la LNH, Beaulieu aurait sûrement été retourné au vestiaire dimanche après la charge de Karlsson.

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Au printemps dernier, le Canadien a mal paru dans deux cas de coups à la tête, ce qui justifie d'autant les questions des journalistes chaque fois que survient une situation semblable.

D'abord, l'équipe a été mise à l'amende pour ne pas avoir soumis Max Pacioretty au test préliminaire après qu'il eut encaissé une dure mise en échec contre les Bruins de Boston.

Ensuite, durant la série contre les Rangers de New York, Dale Weise est revenu au jeu quelques minutes après avoir titubé à la suite d'un coup de John Moore. Le diagnostic de commotion cérébrale, écarté durant le match, a été rendu le lendemain à la suite de nouveaux tests. À sa face même, le choc était pourtant percutant.

À la suite de cet incident, le docteur Pierre Frémont, un spécialiste de la médecine sportive, a signé un texte dans La Presse dans lequel il dénonçait le peu d'empressement de toutes les parties prenantes, dont les médias, à aller au fond des choses.

Rappelant l'énorme influence de la LNH au sommet de la pyramide hockey, il posait cette excellente question: «Comment changer la culture du guerrier qui doit à tout prix retourner au combat?»

Cela prendra malheureusement du temps! L'exemple de Beaulieu est significatif.

Joueur habile et créatif, il a récolté certains de ses plus beaux éloges de la saison après avoir vengé son coéquipier Sergei Gonchar, rudoyé par David Clarkson, des Maple Leafs de Toronto. Et pour avoir montré du cran en demeurant au jeu, dimanche dernier, après la mise en échec de Karlsson. Cela en dit long sur la mentalité ambiante!

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L'affaire Beaulieu-Karlsson nous dit deux choses à propos de la LNH.

D'abord, les coups à la tête ne sont toujours pas soumis à une politique de tolérance zéro. Karlsson aurait dû être sanctionné pour son geste.

Ensuite, le protocole pour vérifier l'état de santé d'un joueur victime d'un choc pareil n'est clairement pas à point. Et vous savez quoi? Rien n'empêcherait le Canadien d'agir en leader en ce domaine.