C'était le 7 mars dernier, en finale de la Coupe Clarkson, remise à l'équipe championne de la Ligue canadienne de hockey féminin. Après 60 minutes de jeu, les Stars de Montréal et les Blades de Boston étaient à égalité 2-2.

En prolongation, les Blades ont attaqué en surnombre. Janine Weber, une attaquante autrichienne, a déjoué Charline Labonté d'un tir vif des poignets pour donner la victoire aux siennes. La suite des choses est déconcertante. Mais elle décrit bien la réalité du hockey féminin.

«Le Temple de la renommée du hockey a demandé son bâton à Janine Weber afin de l'intégrer à sa collection, raconte Charline. Elle a hésité un peu. "J'ai seulement deux hockeys, leur a-t-elle dit. Si je vous en donne un, je devrai en acheter un autre... Je n'en reçois pas des gratuits, moi."»

Charline est dans une salle du Centre Bell où, plus tôt, Geoff Molson a souhaité la bienvenue aux Stars «dans la grande famille des Canadiens». Triple médaillée olympique, elle raconte l'histoire de Janine Weber sans animosité, trop familière avec le manque de ressources de son sport en dehors des Jeux olympiques.

«L'affaire a causé du remous sur les réseaux sociaux, ajoute Charline. Heureusement, un fabricant est venu à sa rescousse et lui a fourni de nouveaux bâtons. Mais son cas n'est pas unique.

«Tiens, c'est tellement triste lorsqu'une fille douée comme ma coéquipière Ann-Sophie Bettez brise son hockey à l'entraînement. Ça signifie qu'elle devra dépenser 200$ le lendemain pour s'en procurer un nouveau. Si cette association avec le Canadien pouvait juste nous aider à couvrir un peu les frais d'équipement, ce serait déjà un grand pas en avant...»

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Vous l'avez entendu la semaine dernière: le Canadien parrainera les Stars au cours des 3 prochaines années, une nouvelle porteuse d'espoir pour toutes les joueuses du Québec.

La famille Molson croit au développement du hockey féminin. Andrew, le frère de Geoff, a contribué à la publication du beau livre Nos Glorieuses, dans lequel l'auteure Lynda Baril retrace l'histoire de cette discipline. Le président du CH lui emboîte le pas en mettant la machine du Canadien derrière les Stars.

Lors de l'annonce de la nouvelle, ma collègue Diane Sauvé, de Radio-Canada, a demandé à Geoff Molson si le Canadien s'était inspiré des Flames de Calgary et des Maple Leafs de Toronto, qui appuient déjà l'équipe de leur ville dans la Ligue canadienne. «Si je comprends bien la question, c'est pourquoi ç'a pris si longtemps!», a-t-il répondu avec humour. Au-delà de la blague, il est vrai que le CH n'a pas été un précurseur à ce chapitre.

«On voulait embarquer avec les Stars à la façon des Canadiens de Montréal, a précisé Geoff Molson. Nous souhaitions être impliqués dans l'équipe, les aider à développer le marché et participer aux opérations. L'équipe deviendra plus visible, les joueuses seront plus connues. Notre machine promotionnelle et notre division de commercialisation sont fortes.»

En clair, le Canadien ne voulait pas seulement fournir une aide financière. Celle-ci sera au rendez-vous, bien sûr, mais l'objectif de l'organisation est plus vaste: augmenter le nombre de jeunes joueuses au Québec, nettement inférieur à celui de l'Ontario.

«Il n'y a aucune raison pour ça, affirme Kevin Gilmore, chef de l'exploitation du Canadien, lui-même entraîneur d'une équipe de hockey féminin de niveau bantam. Le hockey est une religion au Québec. Pourquoi les jeunes filles ne jouent pas? Peut-être qu'elles ont besoin de modèles.»

Concrètement, les Stars pourraient s'entraîner au Complexe Bell de Brossard ou, plus tard, disputer des matchs au nouvel amphithéâtre de Laval.

Leurs chandails pourraient être vendus dans les boutiques du Canadien; des partenaires commerciaux de l'équipe pourraient appuyer les Stars; et, qui sait, les équipementiers inondant les joueurs du CH de bâtons et de gants pourraient en offrir aux joueuses. «Si on peut aider, on va le faire», ajoute Gilmore.

Le Canadien a déjà émis sa première recommandation: le nom des Stars sera changé pour une appellation à consonance plus francophone.

Souhaitons d'ailleurs que le CH profite de sa nouvelle influence en hockey féminin pour sensibiliser la Ligue canadienne et ses quatre autres équipes (Toronto, Calgary, Boston et Brampton) au fait français et à la réalité québécoise.

Le conseil d'administration de 15 membres ne compte aucun francophone, le logo de la ligue est unilingue, tout comme le site web. C'est désolant lorsqu'on pense à l'impact des France St-Louis, Danièle Sauvageau et plusieurs autres dans le développement du hockey féminin au Canada.

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Shauna Denis a été capitaine des Martlets de l'Université McGill. Plus tard, elle a porté les couleurs des Stars.

Bilingue, elle travaille aujourd'hui au service de marketing du Canadien. Déjà au coeur des négociations avec les Stars, elle assurera le suivi du dossier.

«C'est une grande journée pour le Canadien et le hockey féminin», dit celle qui est aussi l'adjointe de Kevin Gilmore... derrière le banc de son équipe bantam!

Noémie Marin, des Stars, est aussi enthousiaste. L'attaquante a connu une brillante carrière universitaire à Duluth, au Minnesota. Aujourd'hui, en plus de jouer dans la Ligue canadienne, elle enseigne dans une école secondaire de l'Ouest-de-l'Île et agit comme entraîneuse à Lac-Saint-Louis.

«Le hockey, c'est une passion, explique-t-elle. Les paroles de M. Molson signifient beaucoup pour nous. Nous sommes fières de faire partie de la famille du Canadien. Cette association aidera le hockey féminin à grandir.»

Les attentes envers le Canadien sont immenses. Mais l'organisation est manifestement sérieuse dans son désir de s'engager à fond dans ce magnifique projet.