La construction du Phare de Québec, un gratte-ciel de 65 étages et pierre d'assise d'un fulgurant complexe de quatre immeubles, n'est pas le seul dossier immobilier à créer des vagues dans la capitale nationale. L'avenir du vieux Colisée, bâti en 1949, suscite aussi le débat.

Avec l'ouverture du nouvel amphithéâtre en septembre prochain, la Ville envisage la démolition de cet édifice auquel sont attachés mille souvenirs. Jean Béliveau, Guy Lafleur, Marc Tardif et Peter Stastny ont fait vibrer ses murs.

Ce sera un jour triste lorsque le Colisée sera rasé. Même si, sur le plan architectural, il a perdu son caractère unique lors de l'agrandissement de 1981.

«Ça m'étonnerait qu'on le garde, dit Régis Labeaume. Il faudrait un projet épatant. Moi, j'ai fait la paix avec sa démolition. Vous savez, je suis tellement engagé dans le projet du nouvel amphithéâtre. Mais je reconnais que cette perspective attriste beaucoup de gens. Et je comprends le deuil affectif.»

J'ai parlé au maire de Québec la semaine dernière, peu avant le dévoilement d'un sondage SOM/FM 93 démontrant que si la majorité des Québécois souhaitent la préservation du Colisée, les citoyens de la capitale nationale pensent autrement.

Dans une proportion de 48 contre 34 %, ils appuient le démantèlement de l'édifice. Sans doute parce qu'ils connaissent bien l'état de désuétude de ce lieu mythique.

À Montréal et Toronto, les anciennes demeures du Canadien et des Maple Leafs ont été reconverties: un complexe de divertissement dans l'ancien Forum et un supermarché dans l'ex-Maple Leaf Gardens. En revanche, les vieux amphithéâtres ont été démolis dans plusieurs villes: St. Louis, Boston, Chicago, Philadelphie...

À Québec, le maire Labeaume doute que la densité de la population soit suffisante pour soutenir un concept original dans le vieux Colisée. D'autant que les coûts de rénovation seraient considérables.

Au début des année  90, alors que les Nordiques luttaient pour leur survie à Québec, on s'interrogeait déjà sur le sort du Colisée si un nouvel amphithéâtre était construit.

Une idée avait été lancée: réduire à 4500 le nombre de sièges et aménager, à un deuxième niveau au-dessus de la patinoire, un centre d'entraînement.

L'initiateur de cette piste était Marcel Aubut, alors copropriétaire de l'équipe. Près de 25 ans plus tard, il espère le maintien du Colisée. Pourquoi? Parce qu'une ville intéressée par les Jeux olympiques d'hiver a besoin de deux amphithéâtres: l'un destiné au hockey, l'autre au patinage artistique et au patin de vitesse sur courte piste.

Or, à titre de président du Comité olympique canadien, Marcel Aubut rêve d'une candidature de Québec aux Jeux d'hiver. Mais Régis Labeaume n'en veut pas .

«Je ne veux pas de Jeux olympiques à l'heure actuelle, ça ne me tente pas du tout», lance le maire, qui ne cache pas son scepticisme envers le mouvement olympique. «Pourquoi autant de pays européens n'ont pas été intéressés par les Jeux de 2022? Parce que l'ère de la démesure n'est pas terminée.»

Régis Labeaume a été ébranlé par les dépenses extravagantes de Sotchi. Et si Pékin accueille les Jeux de 2022, il s'attend à une autre facture salée. Les pays voulant briller à la face du monde, et qui n'organisent pas de référendum pour sonder l'opinion de leurs citoyens, dépensent sans compter.

En décembre dernier, le Comité international olympique (CIO) a adopté l'Agenda 2020. Cette feuille de route doit - en principe - réduire les coûts des villes candidates et organisatrices. Mais Régis Labeaume attendra les résultats avant d'applaudir à deux mains.

«Des Jeux comme ceux d'Albertville ou de Lillehammer, ce n'est pas demain qu'on reverra ça», pense-t-il.

La prudence du maire Labeaume est compréhensible. En Chine, les Jeux d'été de 2008 ont coûté 40 milliards US. Dans ce contexte, comment croire que ce pays respecterait le budget de 3,9 milliards actuellement prévu pour les Jeux de 2022?

Bien sûr, le CIO soutient qu'il faut dissocier les coûts d'organisation des Jeux de ceux liés aux nouvelles infrastructures, décidées par le pays hôte. Ce raisonnement est trop commode.

En 2007, par exemple, le CIO a choisi Sotchi en sachant très bien que toutes les installations devaient être construites. Huit ans plus tard, l'organisme prend ses distances de l'immense facture de 51 milliards. Il vient même d'annoncer fièrement que les Jeux de Sotchi se sont soldés par un «excédent opérationnel» de 50 millions US. Cette conclusion est techniquement vraie, mais concrètement absurde.

Si le maire Labeaume n'a pas la tête aux Jeux olympiques, c'est aussi parce qu'un grand projet occupe ses pensées: l'achèvement du nouvel amphithéâtre, qui ouvrira ses portes le 15 septembre prochain.

«Je veux montrer qu'on peut construire une infrastructure publique dans les délais et les budgets annoncés, dit-il. Je vous le garantis: on ne dépassera pas d'une seule cenne le montant prévu.»

Régis Labeaume est convaincu que les plus nostalgiques oublieront vite le Colisée lorsque le nouvel amphithéâtre ouvrira ses portes. Et si la capitale nationale est un jour tentée par l'aventure olympique, il ne croit pas que la démolition du Colisée nuira au projet. Dans son esprit, les deux dossiers ne sont pas liés.

En clair, d'autres solutions émergeront si Québec pense aux Jeux. Mais pour cela, il faudra d'abord que le CIO abandonne ses rêves de grandeur, ce qu'on ne verra sans doute pas en Corée du Sud en 2018, ni en Chine ou au Kazakhstan en 2022. Le CIO sélectionnera la ville hôtesse le 31 juillet prochain.

Mais pour Régis Labeaume, cette date a une seule importance: elle signifiera que le nouvel amphithéâtre sera inauguré six semaines plus tard. Dans le respect de l'échéancier et du coût de 400 millions. Ne manquera plus que le retour des Nordiques, son autre grand rêve, loin, très loin, devant les Jeux olympiques.