Sam Sumyk a la réputation d'être exigeant envers ses joueurs. Tenez, un jour, il a expliqué ceci à propos de sa relation avec Victoria Azarenka: «Elle ne m'a pas embauché pour que je lui dise qu'elle est la plus jolie et la meilleure du monde.»

Voici donc le nouvel entraîneur d'Eugenie Bouchard, un Français établi en Californie depuis plusieurs années. Sa mission: aider Bouchard à atteindre ses objectifs, soit la conquête d'un titre majeur et l'obtention de la première place au classement mondial.

En Australie, le mois dernier, Bouchard a annoncé ses couleurs: elle souhaitait un coach habitué des grands matchs. Elle a opté pour un entraîneur de carrière, même si les anciennes championnes ont actuellement la cote. Ainsi, Martina Navratilova travaille avec Agnieszka Radwanska, Lindsay Davenport avec Madison Keys, Amélie Mauresmo avec Andy Murray...

Sumyk, lui, n'a pas fait sa marque en compétition. En fait, c'est seulement lorsqu'il a aidé Azarenka à concrétiser son immense potentiel que ses compatriotes français l'ont vraiment découvert.

Cinq ans plus tard, sa renommée est établie. Originaire de Quiberon, en Bretagne, Sumyk a travaillé dans des clubs de la région, notamment à Lorient, avant de s'installer aux États-Unis. Il a connu du succès en entraînant des joueuses de qualité comme Vera Zvoraneva, attirant ainsi l'attention d'Azarenka.

Après avoir accompagné la Biélorusse lors de sa victoire aux Internationaux d'Australie en 2012, Sumyk a expliqué sa recette à L'Équipe: «On essaie de travailler autant que les autres, voire plus [...]. Dans son jeu, je voulais travailler le mouvement, mais ça ne peut pas se faire si on n'est pas bien physiquement. On a également travaillé le service.»

Mouvement et service: cela ferait déjà un bon plan de match pour Bouchard, qui doit améliorer ces deux éléments.

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L'évolution de la relation entre le Breton et la Québécoise sera intéressante à surveiller. Bouchard a du tempérament, comme sa prise de bec avec Nick Saviano, à Roland-Garros l'an dernier, l'a démontré. Sumyk, âgé de 47 ans, côtoiera aussi deux autres personnes-clés de son entourage: sa mère, Julie Leclair, et son agente, Jill Smoller.

«Eugenie a fait un très bon choix, dit Louis Borfiga. Dans ma tête, Sam faisait partie de ma courte liste de candidats potentiels. Sa personnalité cadrera bien avec celle d'Eugenie.»

Le vice-président au développement de l'élite à Tennis Canada n'a pas participé à la sélection de Sumyk. Mais il le connaît bien. «Sam est un gars humble, dit-il. Il fait son travail et reste dans l'ombre. Il est aussi très ouvert. Ainsi, à une certaine époque, Amélie Mauresmo s'est jointe à l'équipe d'Azarenka. Il estimait que sa contribution serait utile, notamment au niveau de l'approche des matchs.»

- Est-ce vrai qu'il est très dur?

- Il est exigeant sur le terrain, parce qu'il veut que sa joueuse progresse, répond Borfiga.

En janvier 2012, le quotidien Ouest-France a gentiment qualifié Sumyk de «sorcier breton». Dans l'article, il résumait ainsi son approche du coaching: «Il n'y a pas de bons entraîneurs sans bons élèves. Mon job, c'est d'écouter et de savoir m'adapter. Car, une saison, ce sont des hauts et des bas.»

Sur Twitter, Sumyk publie parfois des principes d'excellence: «Une performance de qualité dépend de votre concentration et de votre capacité à rester connecté sur les bonnes choses.» Ou encore: «Si tu t'améliores d'un pourcent à chaque jour, tu grandiras de manière étonnante.»

Parions qu'Eugenie Bouchard entendra souvent des mots semblables.

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En faisant l'impasse sur la manche de la Coupe Fed à Québec ce week-end, Eugenie Bouchard a beaucoup déçu Tennis Canada.

Cette décision lui a d'ailleurs valu ses premières critiques au Québec depuis qu'elle est une tête d'affiche du circuit féminin.

Bouchard n'a en effet pas fourni d'explication convaincante. Elle séjournait déjà à Montréal, venait de profiter d'un repos et aurait eu assez de temps pour se rendre ensuite en Belgique en vue du prochain tournoi de la WTA.

Cela dit, son choix n'est pas étonnant. En confiant la gestion de sa carrière à WME-IMG en décembre dernier, Bouchard a dévoilé ses intentions. Cette firme, a-t-elle expliqué, lui permettra de «maximiser la valeur» de sa «marque».

Ses choix professionnels doivent maintenant être analysés en fonction de cette affirmation. Quelle est la meilleure stratégie pour atteindre cet objectif et, ultimement, devenir une des sportives les mieux payées au monde? Son entourage et elle ont sûrement conclu qu'une participation à la Coupe Fed ne servait pas ses intérêts à court terme. Et qu'il valait mieux amorcer la prochaine ligne droite du calendrier dans un tournoi de la WTA, peu importe les répercussions sur l'équipe canadienne. Le tennis est d'abord un sport individuel, ne l'oublions pas.

Bouchard veut clairement améliorer ses résultats de février, mars et avril par rapport à l'an dernier. Le développement de sa «marque» passe par son classement WTA, pas par la Coupe Fed.

Pour les amateurs québécois, la décision de Bouchard est regrettable. D'autant plus qu'elle ne sera pas à Montréal en août prochain, le volet féminin de la Coupe Rogers étant disputé à Toronto. Sa présence à un match du Canadien au Centre Bell cette semaine était sympathique, mais ce serait beaucoup mieux de la voir sur le terrain.

Cela dit, c'est beaucoup grâce à Bouchard si le tennis connaît une telle popularité au Québec. Malgré son absence ce week-end, nous serons plusieurs à surveiller les performances de Françoise Abanda et ses coéquipières. En espérant qu'elles la rejoignent un jour au sein de l'élite mondiale.

Sources: Libération, Ouest-France, L'Équipe