Dans le bureau de Denis Coderre à l'hôtel de ville, deux images reposent sur des fauteuils.

Sur la première, on voit l'esquisse d'un stade pour les Expos, si le retour du baseball majeur à Montréal devient un jour réalité. L'image de ce bâtiment intimiste, niché entre l'autoroute Bonaventure et le canal de Lachine, frappe l'imagination.

La deuxième propose une perspective différente de ce stade. On aperçoit le pont Jacques-Cartier se découpant sur le ciel, là-bas tout au loin, au-delà du champ centre. Des gradins, le coup d'oeil serait fantastique.

Sur ces illustrations sommaires, l'autoroute Bonaventure est déjà transformée en boulevard urbain. Et on imagine sans peine un système léger sur rail permettant de franchir rapidement le kilomètre et demi séparant le centre-ville du stade. L'impact du projet sur le développement de ce quartier en pleine évolution serait considérable.

Pour l'instant, ces planches tiennent du rêve. Le travail en vue de redonner une équipe des majeures à Montréal est un long processus qui nécessitera beaucoup de patience, encore plus d'argent, et qui n'aboutira peut-être jamais.

Mais les écueils potentiels, de l'obtention d'une équipe au financement d'un stade, ne diminuent en rien la motivation de Denis Coderre.

Tenez, hier matin, dans le grand hall de l'hôtel de ville, il a annoncé sa politique de soutien à la pratique du baseball à Montréal. Un investissement de 11 millions, versé sur trois ans, permettra la mise à niveau de terrains aux quatre coins de la ville. Son allocution n'avait pas encore franchi le cap des trois minutes qu'il évoquait déjà le retour d'une équipe des majeures.

«Il faut établir une fondation solide si on veut éventuellement ramener le baseball à Montréal sur le plan professionnel», a-t-il dit.

En clair, c'est bien de souhaiter le retour des Expos. Mais il faut aussi donner aux jeunes la chance de jouer sur des terrains adéquats.

Le baseball comme sport de participation a décliné depuis la longue agonie des Expos. Mais les gens de Baseball Québec constatent un regain de popularité. Des installations correctes sont nécessaires pour poursuivre sur cette lancée. Voilà pourquoi l'annonce d'hier est bienvenue.

Et comme le souligne avec raison le maire Coderre, inutile d'opposer le baseball au soccer. Montréal peut encourager la pratique de sports différents, afin de proposer aux jeunes plusieurs activités stimulantes.

Cet appui du maire au développement de la relève est aussi un autre signal envoyé au baseball majeur: Montréal appuie la pratique de ce sport.

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Au printemps dernier, 96 000 personnes ont franchi les tourniquets du Stade olympique lors de deux matchs préparatoires des Blue Jays de Toronto.

Ce chiffre a étonné les dirigeants du baseball majeur. Ils auront donc les yeux tournés vers Montréal les 3 et 4 avril prochain, lorsque les Blue Jays répéteront l'expérience en accueillant les Reds de Cincinnati.

Le nouveau commissaire du baseball, Rob Manfred, pourrait même assister aux rencontres. «Il faut démontrer que ce succès n'était pas un feu de paille», a prévenu M. Coderre.

Si les assistances étaient moins élevées, le baseball majeur pourrait conclure que la réussite de 2014 était une anomalie. Et l'histoire du retour des Expos se dégonflerait aussi vite qu'un ballon de football des Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

En revanche, 65 000 billets sont déjà vendus en vue de ces rencontres. Puisqu'il reste encore deux mois avant le premier «Play ball», l'affaire augure bien.

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Parmi les gens responsables de ce regain d'intérêt du baseball majeur envers Montréal, aucun n'est plus important que Paul Beeston. Le maire Coderre l'a d'ailleurs rappelé hier.

Président des Blue Jays de Toronto, Paul Beeston appuie sans réserve le retour des Expos. Il est convaincu qu'une deuxième équipe canadienne dans les ligues majeures servirait l'essor du baseball au Canada.

Malheureusement, cet homme de 69 ans, qui roule sa bosse dans les majeures depuis quatre décennies, quittera bientôt son poste. Les Blue Jays cherchent un nouveau président et chef de la direction. Le candidat pressenti est... Dan Duquette!

En septembre 1991, Duquette est devenu directeur général des Expos. C'est lui qui a obtenu Pedro Martinez dans un échange avec les Dodgers de Los Angeles. En janvier 1994, il a quitté le navire pour accepter cette responsabilité avec les Red Sox de Boston, qui l'ont remercié huit ans plus tard.

En novembre 2011, Duquette a rebondi chez les Orioles de Baltimore. Il a mené cette équipe au succès, confortant ainsi sa réputation de gestionnaire doué.

Selon plusieurs médias, une transaction entre les Orioles et les Blue Jays lui permettra de déménager à Toronto. Si la nouvelle se confirme, il sera intéressant de connaître la véritable opinion de Duquette à propos du retour du baseball majeur à Montréal. Je ne suis pas convaincu qu'il garde un souvenir éblouissant de l'appui donné aux Expos, même s'il est parti avant la grève de 1994 et la «vente de feu» tenue huit mois plus tard.

L'automne dernier, je me suis entretenu avec Duquette. Homme réservé - sa personnalité est aux antipodes de celle de l'enthousiaste Beeston -, il ne s'est pas avancé sur ce sujet, rappelant simplement avoir assisté aux deux matchs du printemps dernier au Stade olympique.

Dans ce dossier, Montréal a besoin de l'appui de Toronto. Si Duquette devient président des Blue Jays, Denis Coderre aura avantage à lui vanter les mérites de Montréal lors de la prochaine visite des Blue Jays. À mon avis, il devra utiliser toute sa force de persuasion.