Peut-être que Jarred Tinordi s'en remettra. Peut-être qu'il ne s'agira, au bout du compte, que d'un simple accident de parcours sur la route le menant à un poste régulier dans la LNH. Peut-être qu'une visite chez le dentiste, couplée à un repos, suffira à son rétablissement.

Mais peut-être pas non plus. Peut-être que le gros défenseur, un des meilleurs espoirs du Canadien, sera à jamais marqué par la terrible droite qu'il a encaissée, vendredi, dans un match des Bulldogs de Hamilton.

La vidéo du combat opposant Tinordi à Andrey Pedan, des Comets d'Utica, témoigne de la violence du coup. Après une mise en jeu en territoire neutre, les deux colosses (Tinordi, 6'6 et 225 lb; Pedan, 6'5 et 215 lb) laissent tomber les gants alors qu'ils ne sont même pas côte à côte. Il s'agit d'un combat planifié, ces fameux «staged fights», que même les plus irréductibles défenseurs des bagarres condamnent.

Les officiels auraient pu éloigner les deux hommes avant le début des hostilités. Rappelez-vous: ceux de la LNH l'ont fait dans un match du Canadien la saison dernière, empêchant ainsi un combat entre Travis Moen et un rival des Oilers. Mais rien de tel ne s'est produit à Hamilton.

Un juge de lignes a simplement écarté le bâton de Tinordi sur la glace avant que le combat s'engage. J'imagine qu'il voulait ainsi éviter que les deux jeunes joueurs trébuchent. Chacun a sa conception de la sécurité, semble-t-il...

Quelques secondes plus tard, Pedan a passé le K.-O. à Tinordi d'un terrible coup de poing au visage. Celui-ci est tombé comme une masse. Étendu à plat ventre sur la patinoire, il ne bougeait plus. Une scène inquiétante qui rappelle, hélas, le ridicule des bagarres au hockey.

Certains joueurs ayant encaissé des chocs aussi violents n'ont plus tout à fait été les mêmes par la suite. L'ancien défenseur du Canadien, Mike Komisarek, n'est pas devenu la vedette espérée après avoir été corrigé par Milan Lucic, des Bruins de Boston.

Même une grande star comme Eric Lindros, un gagnant du trophée Hart, a reconnu que les nombreux coups à la tête et les commotions cérébrales ont changé à jamais son style de jeu.

«À mes trois ou quatre dernières saisons, j'avais une peur épouvantable d'aller au centre de la patinoire, je détestais cela», a-t-il confié à L'Antichambre, sur RDS, en octobre dernier.

On verra comment Tinordi réagira à l'épisode de vendredi. Alexei Emelin, par exemple, a connu du succès après avoir encaissé une raclée dans un match en Russie avant son arrivée dans la LNH. Espérons que Tinordi l'imite.

Mais la confiance d'un athlète est fragile, surtout celle d'un jeune joueur se développant plus lentement. Ce coup de poing pourrait laisser des traces.

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Selon le Canadien, rien n'indique que l'absence de Tinordi sera longue. On pourrait même le revoir sur patins bientôt. Tant mieux. Et s'il s'est battu, dit-on, c'est pour venger un coéquipier rudoyé par Pedan plus tôt dans le match.

Cela dit, si le hockey professionnel était plus acharné dans son désir de diminuer le nombre de commotions cérébrales, des règlements sévères décourageraient les bagarres. Les joueurs sauraient que des sanctions musclées puniraient les combattants.

C'est l'évidence: les coups de poing au visage provoquent des chocs au cerveau. Un peu de volonté politique suffirait pour les interdire, comme Ken Dryden l'a si souvent rappelé.

Bien sûr, le nombre de bagarres est en diminution dans le hockey. Plusieurs équipes, comme le Canadien et les Maple Leafs de Toronto, se sont départies de leurs durs à cuire. Mais chaque incident grave en est un de trop. Peu importe qu'un joueur de la LNH, de la Ligue américaine ou de la Ligue junior canadienne soit impliqué.

Faut-il rappeler que Connor McDavid, l'espoir numéro un au monde, s'est fracturé un os de la main plus tôt cette année dans un combat? Une absurdité, évidemment. Mais dans le hockey junior canadien, on accepte que des gars de 17 ans se battent à poings nus. Et lorsqu'un incident comme celui de McDavid fait les manchettes, ses dirigeants promettent d'analyser les enjeux... mais passent vite à autre chose.

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Au-delà de l'impact potentiel de ce knock-out sur la carrière de Tinordi, c'est toute l'organisation du Canadien qui se trouve concernée.

À n'en pas douter, le défenseur peut représenter un atout pour Marc Bergevin dans ses pourparlers avec les autres DG de la LNH. Plusieurs équipes sont sûrement intéressées par ce jeune géant. Mais s'il tarde à se remettre de ce coup de poing, l'intérêt à son endroit diminuera, restreignant ainsi la flexibilité de Bergevin.

À plus d'un niveau, ce combat risque de laisser des traces négatives. Je l'ai souvent écrit et je le fais encore une fois ici: la fin des bagarres est une nécessité dans le hockey.

Dangereux, les Colts...

Bizarre combien, d'un seul coup, Peyton Manning a semblé un joueur vieillissant, dimanche, contre les Colts d'Indianapolis. Ses passes étaient imprécises et ses ballons manquaient de mordant. Il n'a jamais réussi à imposer son rythme. Cela ne diminuera en rien les critiques concernant ses difficultés à briller par temps froid.

Manning, qui aura 39 ans en mars prochain, n'a pas voulu se prononcer sur son avenir après le match. Il prendra sûrement le temps de bien réfléchir à la question. Mais le revers des Broncos était peut-être un signal.

De son côté, Andrew Luck, le jeune quart-arrière des Colts, a été très impressionnant. Calme et précis, il a mené son attaque avec aplomb. Vous savez quoi? Les Patriots de la Nouvelle-Angleterre sont mieux d'être alertes dimanche. Car ce match pourrait nous réserver une autre surprise. Les Colts au Super Bowl? Pas impossible, mes amis...