Les péripéties des Oilers d'Edmonton m'intéressent beaucoup. Sans doute parce que leur histoire est étroitement liée à celle de l'Association mondiale de hockey (AMH), ce circuit qui a bercé ma jeunesse.

Mes souvenirs d'eux remontent à l'époque où ils s'appelaient les Oilers de l'Alberta. Ils étaient dirigés par William Hunter, un personnage flamboyant qui, dès la fin des années 60, rêvait d'un club de la LNH pour Edmonton.

«Wild Bill», comme il était surnommé, envisageait d'y déménager les Penguins de Pittsburgh, dont les débuts comme équipe de l'expansion étaient préoccupants. Clarence Campbell, alors président du circuit, lui avait sèchement rétorqué: «Bill, tu dois en fumer du bon pour croire qu'Edmonton est capable de soutenir une équipe de la LNH. Ne perds pas de temps avec ce rêve impossible. Ça n'arrivera jamais.»

C'est en partie grâce à Wild Bill que les Nordiques ont vu le jour. Dans une réunion cruciale menant à la formation de l'AMH, il s'était porté garant pour Québec, qui peinait à réunir la somme nécessaire à l'achat d'une concession.

Les Oilers, c'est aussi Wayne Gretzy, le plus grand hockeyeur de l'histoire. Et Edmonton, c'est un modeste marché canadien, à l'hiver rude. Les joueurs de la LNH, malgré des impôts moins élevés, n'ont pas le goût de s'y établir. Peu importe la riche tradition de l'équipe, peu d'entre eux aimeraient être échangés aux Oilers. Toutes ces difficultés me les rendent sympathiques.

Ce n'est pas tout: les Oilers me rappellent les Nordiques du tournant des années 90, qui repêchèrent aussi au premier rang trois saisons d'affilée, choisissant Mats Sundin, Owen Nolan et Eric Lindros.

Aucun d'eux ne remporta la Coupe Stanley avec l'Avalanche du Colorado en 1996, un an après le transfert des Nordiques à Denver. Mais chacun d'eux, à sa manière, contribua au rebond des Nordiques après des saisons difficiles. L'échange de Lindros aux Flyers permit notamment aux Bleus d'acquérir Peter Forsberg.

Hélas, contrairement aux Nordiques, les Oilers sont incapables de transformer leurs premiers choix - Taylor Hall, Ryan Nugent-Hopkins et Nail Yakupov - en rampes de lancement pour l'avenir. Ils pataugent dans la médiocrité depuis leur participation à la finale de la Coupe Stanley en 2006. Au printemps prochain, ils rateront les séries éliminatoires pour la neuvième saison consécutive. Ouch!

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Lundi, les Oilers ont congédié leur entraîneur Dallas Eakins. Le jour de son embauche - c'était il y a un an et demi à peine! -, on le présentait pourtant comme porte-étendard d'une nouvelle génération d'entraîneurs.

Son travail à la barre des Marlies de Toronto, dans la Ligue américaine, avait été salué par les médias de la Ville Reine. Résultat, il jouissait déjà d'un profil national au Canada.

Derrière le banc des Oilers, Eakins ne s'est pas imposé comme un leader fort, capable d'instaurer une ligne de conduite claire. Son congédiement était prévisible. Mais les problèmes des Oilers sont plus profonds.

Au cours des dernières années, un dossier a été au coeur des préoccupations de l'organisation: la construction du nouvel amphithéâtre, un projet ambitieux visant à pérenniser l'avenir de l'équipe et à dynamiser le centre-ville.

Cette saga a paru interminable. Les négociations entre les Oilers et les autorités publiques à propos du montage financier ont été déchirantes. Gary Bettman, le commissaire de la LNH, a été appelé à la rescousse afin de trouver un compromis.

À l'automne 2012, Daryl Katz, le propriétaire des Oilers, a même visité Seattle avec l'objectif peu subtil d'augmenter la pression sur le conseil municipal d'Edmonton.

La stratégie lui a éclaté au visage et il a dû présenter ses excuses dans une publicité publiée dans les quotidiens locaux: non, pas question de déménager l'équipe.

Ces distractions n'ont pas servi le secteur hockey, plus ou moins laissé à lui-même durant des mois. Les résultats de l'équipe ont été à l'avenant. Au printemps 2013, la haute direction a voulu remettre le train sur les rails en nommant Craig MacTavish directeur général. Ce fut une erreur. Les Oilers auraient eu besoin d'un regard frais pour évaluer sans complaisance l'organisation. MacTavish avait été entraîneur de l'équipe trop longtemps pour montrer cette indépendance d'esprit. Il connaissait trop bien l'organisation, et l'organisation le connaissait trop bien.

En cherchant un nouveau DG en 2012, le Canadien n'a pas commis cette erreur. Les pleins pouvoirs ont été confiés à Marc Bergevin qui, malgré ses racines montréalaises, ne connaissait presque personne dans l'organisation. Tenez, en lui donnant un coup de fil pour connaître son intérêt pour le poste, Geoff Molson a cherché sa photo sur Google pour savoir à quoi il ressemblait!

Bergevin a embauché ses adjoints et insufflé une extraordinaire énergie à l'organisation. Le Canadien s'est ouvert à des idées différentes après des années du même régime.

Les Oilers auraient eu besoin de pareille bouffée d'air frais.

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L'indécision chronique définit les Oilers d'aujourd'hui. Craig MacTavish s'amène derrière le banc, mais demeure évasif sur la durée de son mandat. Il sera secondé par Todd Nelson, déjà annoncé comme prochain entraîneur-chef.

Cela n'augure rien de bon. Les joueurs des Oilers sont comme tous les athlètes professionnels: ils aiment une direction claire, ils veulent savoir qui est le vrai patron.

Dans la LNH d'aujourd'hui, combiner avec succès le travail de DG et celui d'entraîneur-chef est impossible. C'est beaucoup trop exigeant.

Où MacTavish trouvera-t-il le temps d'évaluer différentes transactions s'il dirige en plus les joueurs sur une base quotidienne? L'Edmonton Journal rappelait mardi que MacTavish était au bord de l'épuisement lorsqu'il a abandonné son poste d'entraîneur en 2009.

Les Oilers ont trop d'atouts pour demeurer si misérables. Ils devraient connaître du succès dans leur nouvel amphithéâtre, qui ouvrira ses portes à l'automne 2016. Mais pour cela, ils doivent dire bonsoir aux plus vieux membres de l'organisation et choisir une nouvelle direction.

Wild Bill Hunter, qui était vite sur la gâchette, n'aurait pas hésité.