Marc Bergevin a risqué gros, durant l'été, en poussant à la limite les négociations avec P.K. Subban. Cette fois, sa patience a failli lui jouer un mauvais tour.

Sans cet accord survenu quelques heures avant que l'arbitre ne fixe le salaire du jeune défenseur, le dossier Subban serait devenu un «cas» qui aurait éclipsé tout le reste dans l'entourage du Canadien.

Après la signature de l'entente, Bergevin a indiqué que le processus normal avait été respecté. S'il est vrai qu'une audition devant l'arbitre est un élément prévu dans la convention collective, il est de notoriété publique que les équipes font tout pour éviter cette procédure.

La raison est simple: en audition, une organisation doit expliquer, devant le joueur concerné, pourquoi il ne mérite pas le salaire demandé. Ce mélange de vérités crues et de jugements de valeur peut laisser un goût amer au principal intéressé. Pas étonnant qu'il s'agissait de la première audition dans la LNH depuis 2011.

- Dis-moi, Marc, était-ce ça faisait partie de ton plan, amener Subban en audition?

- Non. Le plan était de lui accorder un contrat à long terme. Mais on a un plafond salarial à gérer. Et il fallait déterminer quelle somme on était prêts à payer. J'avais approché son agent Don Meehan l'année précédente. Mais nous n'étions pas sur la même longueur d'onde.

Dans le blitz de négociations avant l'audition, Bergevin dit avoir proposé une «très, très, très belle offre» à Subban. «Mais ça ne débloquait pas, explique-t-il. J'ai dit à Don Meehan: "Tu ne me donnes pas le choix." Et nous sommes allés devant l'arbitre.»

L'audition terminée - elle s'est déroulée de manière «bien propre des deux côtés», selon le DG -, Bergevin a réétudié la situation. Il a notamment évolué l'impact d'une autre saison de 50 points de Subban sur son salaire potentiel en 2015-2016. Il a ensuite majoré son offre et l'entente a été conclue.

Bergevin reconnaît que l'écart entre l'ultime proposition du Canadien avant l'audition et le règlement final est marqué. «C'est beaucoup d'argent, assez pour faire une différence (sur le plafond salarial)», dit-il, ajoutant que le terme de huit ans n'a jamais été remis en cause.

Bref, même si Bergevin ne fournit pas de chiffres, il est clair qu'on parle d'une différence de plusieurs centaines de milliers de dollars par saison. L'impact sur les huit années du contrat est donc important.

«Au bout du compte, il est content, et nous aussi, dit Bergevin. Et dans deux ans, on dira peut-être: "Quelle entente!" C'est souvent comme ça: tu paies plus que tu veux, mais à long terme, c'est un bon deal. »

Bergevin a été préoccupé par l'impact du contrat de Subban sur le plafond salarial du Canadien jusqu'au terme des négos. Cela explique en partie pourquoi l'affaire a été longue à régler.

D'autre part, le rôle de Geoff Molson dans le règlement a suscité de nombreux commentaires. Selon mes informations, l'influence du propriétaire de l'équipe a été déterminante. Mais Bergevin assure avoir mené l'affaire à sa guise jusqu'au bout. En tenant son patron informé.

Pourtant, Subban a parlé de «l'impact monumental» de Geoff Molson après avoir signé l'entente. Pourquoi? «À la fin de la journée, ce n'est pas mon argent, mais celui du propriétaire», répond Bergevin, selon qui Geoff Molson a posé un geste significatif, à la fois pour l'organisation et pour Subban, en autorisant ce contrat de 72 millions.

Subban, croit-il, en est pleinement conscient, ce qui explique son commentaire. «Depuis mon entrée en poste, c'est moi qui ai les deux mains sur le gouvernail, ajoute Bergevin. Si je m'enfarge, ce sera de ma faute. Dans le cas de P.K., j'ai dit à Geoff ce que je souhaitais faire avec notre dernière offre et il m'a appuyé à 100%.»

Sans nouveau contrat, Subban aurait pu profiter de la pleine autonomie dans deux ans. S'il avait alors quitté le Canadien, Bergevin aurait eu des ennuis à s'en relever. Il jouait très gros dans ce dossier. Sa stratégie aurait pu se retourner contre lui. Il s'en est tiré de justesse.

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En avril dernier, j'ai discuté avec Bergevin des bagarres dans la LNH, m'étonnant que le Canadien ne fasse pas partie des organisations réclamant publiquement leur élimination.

Le DG du Canadien m'avait alors expliqué son approche: «On est dans une division très physique. Il fallait que je protège nos joueurs. Quand tu es installé dans un quartier tough, tu as deux choix: tu achètes un système d'alarme ou tu déménages. Moi, je ne peux pas déménager dans une autre division. Alors je mets un système d'alarme. Et si le quartier devient moins tough, je m'ajusterai.»

Cinq mois plus tard, Bergevin respecte son engagement. Les bagarreurs sont moins nombreux dans le circuit et il n'a pas senti le besoin d'en intégrer un à son équipe durant l'été. George Parros, une malheureuse embauche de 2013, n'a pas été remplacé.

Selon le DG du Canadien, les bagarres disparaissent «tranquillement, pas vite». Il souligne qu'il y a moins de bagarreurs dans les ligues de développement, ce qui diminuera forcément leur nombre dans la LNH.

«Le voisinage est aussi en train de changer», ajoute-t-il, reprenant son analogie du printemps. «À Toronto, Colton Orr et Frazer McLaren ont joué moins souvent la saison dernière. À Buffalo, John Scott est parti. Je m'adapte à ça.»

Cela dit, Bergevin ne permettra pas que le Canadien se fasse marcher sur les pieds. «Je ne veux pas que des adversaires deviennent plus agressifs parce qu'il n'y aura pas de reddition de comptes de notre côté.»

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Encore une fois cette saison, les performances du Canadien reposeront en bonne partie sur le jeu de Cary Price. La blessure qu'il a subie en demi-finale de la Coupe Stanley a fait mal à l'équipe. Bergevin a regardé plusieurs fois cette séquence où Chris Kreider, des Rangers, fonce sur lui.

«Le hockey est souvent une question de pouces, dit Bergevin. Si le patin de Carey avait été un pouce plus profondément dans le filet, il n'aurait pas frappé le poteau et aurait simplement glissé au fond de son filet. Je ne dis pas qu'on aurait battu les Rangers, mais cette blessure a eu un impact sur la série.»

Contrairement à ce que Price et toute l'organisation du Canadien croyaient, le numéro 31 n'aurait pas été en mesure de revenir au jeu si l'équipe avait atteint la finale. «Quand je lui ai parlé cet été, il m'a dit qu'il en aurait finalement été incapable, explique Bergevin. Il ne s'est pas senti bien avant la mi-juillet.»

Les blessures font partie du sport. Mais certaines font plus mal que d'autres. Bergevin le sait: pour que le CH connaisse une bonne saison, Price devra demeurer en santé.