Dans l'univers olympique, la nouvelle est énorme.

Hier, le gouvernement norvégien a refusé d'endosser financièrement la tenue des Jeux d'hiver de 2022 à Oslo. Du coup, cette candidature a été retirée. Le Comité international olympique (CIO) devra donc attribuer ces Jeux à Pékin, en Chine, ou à Almaty, au Kazakhstan.

Pour le président du CIO Thomas Bach, le scénario est cauchemardesque. Contrairement à Oslo, royaume des sports d'hiver, aucune de ces deux villes ne suscite un enthousiasme spontané.

Le choix de Pékin ferait en sorte que les Jeux - hiver et été confondus -, seraient présentés une troisième fois consécutive en Asie, à l'encontre du principe d'alternance géographique.

La capitale chinoise, selon plusieurs analystes, s'est lancée dans cette course afin de préparer une candidature mieux étoffée en vue de 2026. Son projet comporte des lacunes. Et le régime politique du pays placerait le CIO sur la sellette, comme le rappellent les manifestations des derniers jours à Hong Kong.

Par ailleurs, il n'est pas évident que le Kazakhstan soit prêt à accueillir un événement de cette dimension. Et là aussi, la question politique posera problème.

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Le refus norvégien illustre à quel point le CIO a perdu son pouvoir de persuasion en Europe. Car cette décision s'inscrit dans une tendance lourde.

Parmi toutes les régions intéressées aux Jeux de 2022, celle de Davos/Saint-Moritz a été la première à dire non lors d'un référendum. Ce fut ensuite au tour des Munichois de refuser l'aventure, un dur coup pour Thomas Bach, lui-même Allemand.

Il n'empêche qu'au lancement officiel des candidatures en novembre dernier, six villes étaient sur la ligne de départ. En plus de Pékin, Almaty et Oslo, on retrouvait Stockholm, Cracovie et Lviv, en Ukraine. Le CIO s'en est félicité dans un communiqué enthousiaste.

Le navire a cependant vite tangué. La Suède s'est retirée devant le manque d'enthousiasme du gouvernement; l'Ukraine, pour des raisons évidentes, a compris que 2022 n'était pas une échéance réaliste; et la Pologne a aussi fermé la porte, après le référendum tenu à Cracovie.

Conscient que le sol se dérobait sous ses pieds, Thomas Bach a lancé une opération de séduction en Norvège. Il a visité Oslo, se déplaçant en minibus plutôt qu'en limousine afin de ménager les susceptibilités des Norvégiens.

Quelques semaines plus tôt, ceux-ci avaient été outrés en prenant connaissance de certaines exigences du CIO envers les villes candidates: durant les Jeux, ses membres devraient loger dans des hôtels cinq étoiles, profiter de services médicaux spéciaux, être conduits par des chauffeurs... Le tout, bien sûr, aux frais du comité organisateur! L'affaire a créé un désastre de relations publiques.

En désespoir de cause, les promoteurs d'Oslo 2022 ont modifié leurs plans afin de rendre le projet moins coûteux. Malgré tout, les sondages étaient intraitables: la population était opposée à la tenue des Jeux. La décision du gouvernement n'est donc pas étonnante.

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Les excès des Jeux de Sotchi expliquent à juste titre la méfiance des Européens envers le CIO. La manière dont l'organisme a justifié les hallucinantes dépenses du gouvernement russe pour créer une ville olympique, parfois au mépris de l'environnement, a créé un malaise.

Les référendums tenus en Suisse, en Allemagne et en Pologne ont démontré que les gens ne croient plus à la notion de «jeux modestes».

Des membres du CIO ont travaillé fort pour convaincre l'opinion publique que l'organisation des Jeux d'hiver était une affaire d'environ 2 milliards, remboursée par divers revenus, comme les droits de télé, les commandites d'entreprises et la billetterie. Et que si la Russie avait dépensé plus de 50 milliards, c'est parce qu'elle a voulu s'offrir en un temps record des installations ayant nécessité des dizaines d'années de développement ailleurs dans le monde.

Mais cet argument n'a pas fonctionné. Parce qu'il camouflait mal le goût du CIO pour des installations luxueuses et les dépenses extravagantes. Après tout, c'est en pleine connaissance de cause que les Jeux de 2014 ont été accordés à la Russie.

Devant l'échec que constitue l'attribution des Jeux de 2022, le CIO reverra-t-il ses méthodes? Si sa réaction à la décision d'hier en est une indication, non. Dans un communiqué officiel, le directeur Christophe Dubi a sévèrement blâmé la Norvège!

«Il est dommage qu'un pays avec de si vastes moyens, comptant de si merveilleux athlètes et des amateurs passionnés, rate une si belle occasion d'investir dans son avenir et de montrer au monde ce qu'il a à offrir.»

Avouons qu'il faut du culot. Le CIO n'évoque même pas l'idée d'examiner ses propres actions pour expliquer la décision. Il laisse plutôt entendre que les Norvégiens, comme les Suisses, les Allemands, les Polonais et les Suédois avant eux, n'ont rien compris. L'arrogance du CIO est stupéfiante. Mais elle illustre aussi à quel point la décision du gouvernement norvégien lui fait mal.

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Bizarre tout de même de penser qu'après le retrait d'Oslo, Québec serait aujourd'hui favori pour obtenir les Jeux de 2022 s'il s'était porté candidat. Mais on ne saura évidemment jamais si la population aurait appuyé l'initiative.

Le refus du maire Labeaume de tenter l'aventure laisse cependant croire qu'il se doutait de la réponse. «Un grand projet à la fois, c'est assez!», m'avait-il dit, à l'époque. Et ce projet, bien sûr, était la construction du nouvel amphithéâtre.

Il faudra maintenant surveiller si le CIO aura plus de succès avec la course aux Jeux d'été de 2024. Plusieurs pays se disent intéressés. Mais c'était aussi le cas pour ceux de 2022 avant ce grand - et mérité - dérapage.

Source : insidethegames.biz