Avez-vous déjà eu la chance de voir Rome? De marcher dans le Colisée, de visiter le Musée du Vatican ou de manger une gelato - la crème glacée traditionnelle - dans le quartier de Trastevere?

Rome est une métropole sensationnelle, et y séjourner est un pur bonheur. Pas étonnant que Venus Williams l'apprécie autant. Le tournoi qui s'y déroule chaque mois de mai compte parmi ses favoris. Mais voilà qu'une autre ville, qu'elle n'avait encore jamais visitée, vient de rejoindre Rome dans son palmarès: Montréal!

Après sa défaite en finale dimanche à la Coupe Rogers, Venus Williams a remercié le public sur le court central: «Je me suis vraiment sentie à la maison. Je ne m'attendais pas à ça. On se verra bientôt, dans quelques années, n'est-ce pas?»

Le message de Venus a conquis le public. Plus tard, devant les journalistes, elle a expliqué à quel point l'accueil des fans, tout au long de la semaine, l'a charmée.

«Je me suis sentie comme si j'étais moi-même du Québec! Peut-être que de très loin, mon âme est québécoise... Rome a toujours été ma ville favorite. Mais cette semaine, j'ai trouvé que Montréal rivalisait avec elle. Alors j'ai hâte de revenir. Et même si j'apprécie beaucoup Toronto, je souhaiterais que le tournoi féminin ait lieu ici chaque année.»

Cette déclaration fera plaisir à beaucoup de Montréalais, en commençant par le maire Denis Coderre, toujours heureux de souligner les mérites de la ville. Mais au-delà de l'anecdote, l'opinion de Venus est significative dans la mesure où elle illustre la réputation de Montréal sur l'échiquier du tennis mondial.

Lorsqu'une légende de sa dimension émet une opinion aussi forte, elle rend forcément hommage à la qualité du tournoi. Car si ce rendez-vous n'était pas bien organisé, si les spectateurs n'étaient pas nombreux sur le site, le charme du Vieux-Montréal et la beauté du mont Royal l'auraient peut-être laissée indifférente.

Venus Williams est une grande voyageuse. Elle a séjourné aux quatre coins de la planète et rencontré des gens de cultures différentes. Mais elle est d'abord et avant tout une athlète professionnelle. Et comme tous les sportifs de haut niveau, elle aime jouer devant des foules nombreuses et enthousiastes.

«J'ai frappé des balles avant le début du tournoi, a-t-elle ajouté. Je n'arrivais pas à croire le nombre massif de spectateurs. Je n'ai jamais rien vu de tel pour un entraînement, même dans les tournois majeurs.»

Après une semaine marquée par une grosse déception - l'élimination rapide d'Eugenie Bouchard - et un irritant majeur - une panne d'électricité mardi - , le commentaire de Venus Williams a fait plaisir aux organisateurs.

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Lorsque les derniers spectateurs ont quitté le stade Uniprix en fin d'après-midi, les dirigeants de Tennis Canada se sont offert une coupe de champagne. Le tournoi de Montréal a établi un record d'assistance pour une compétition d'une semaine en tennis féminin. Et l'éclosion d'Eugenie Bouchard et de Milos Raonic annonce une époque dorée pour ce sport au pays.

Gérer cette croissance présente néanmoins son lot de défis. Tennis Canada, par exemple, devra s'assurer de maintenir de bons liens avec ces deux joueurs, qui personnifient la réussite de ses programmes de développement.

«On n'a jamais vécu cette situation auparavant», reconnaît John LeBoutillier, président du conseil d'administration. «Il faut maintenir nos relations avec eux et leur entourage. Nous devons garder le contact même si le contexte sera différent.»

Bouchard et Raonic, membres du top 10 mondial, sont maintenant des vedettes internationales. Ils sont plus indépendants de Tennis Canada, qui a soutenu leur développement.

«On souhaite qu'ils soient une source d'émulation pour nos jeunes joueurs partout au pays, ajoute M. LeBoutillier. Un peu comme en ski acrobatique, où nos premiers champions ont inspiré ceux qui les ont suivis.»

Tennis Canada devra aussi décider si Bouchard et Raonic profiteront toujours d'une aide financière. Il faudra du doigté et de la diplomatie pour trouver un juste équilibre.

Plus fondamentalement, les dirigeants du tennis canadien devront s'adapter à leur nouvelle réalité, celle du succès, souvent difficile à gérer. Après le départ de Michael Downey, l'ancien président de Tennis Canada recruté pour un poste semblable en Grande-Bretagne, l'équipe de direction a subi des modifications importantes.

Kelly Murumets, longtemps à la tête du programme Participaction, est aux commandes. Et un nouvel emploi a été créé, chef du marketing, assumé par Mark Healy.

«Son mandat est très large, explique M. LeBoutillier. Il doit regarder l'ensemble de notre produit, de nos tournois au développement des jeunes, et voir comment attacher tout ça. On ne veut pas simplement suivre la parade, mais la devancer.»

En décembre prochain, Kelly Murumets et ses collaborateurs soumettront leurs réflexions au conseil d'administration, lors d'une rencontre de deux jours. «Ils nous présenteront un plan d'ensemble pour continuer à bâtir», ajoute M. LeBoutillier.

L'argent demeure évidemment le nerf de la guerre. Produire des champions coûte cher. Tennis Canada veut aussi améliorer les infrastructures.

À ce chapitre, Eugène Lapierre a déjà des idées. Le directeur du tournoi veut éviter qu'une panne d'électricité nuise de nouveau au bon fonctionnement des activités. Pour cela, il faudra sans doute investir dans des génératrices.

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Venus Williams sera de retour au Québec le mois prochain. Elle participera à la Coupe Banque Nationale dans la capitale, nouvelle qu'elle a elle-même confirmée dimanche.

Claude Rousseau, le président du tournoi, est fier de son coup. «Nous sommes honorés de l'accueillir à Québec, dit-il. On l'invite depuis quatre ans et elle a accepté il y a un mois. À chaque année, on essaie d'obtenir la présence de joueuses de premier plan. On est vraiment très contents.»

Les chances qu'Eugenie Bouchard soit de la partie sont plus minces. Au même moment, une série de tournois s'amorcera en Asie. «Nous conservons néanmoins un laissez-passer pour elle...», ajoute Claude Rousseau.

D'ici là, tous les yeux seront rivés sur l'Omnium américain, qui commence dans deux semaines. Encore du beau tennis en perspective!