À qui revient le blâme dans le feuilleton opposant Alain Vigneault et Michel Therrien? Les deux gars se connaissent depuis plus de 20 ans, disent qu'ils sont de vieux copains, mais leur amitié est mise à rude épreuve dans cette demi-finale de la Coupe Stanley.

Peut-être, comme le suggère Therrien, boiront-ils une bière ensemble cet été. Peut-être se rappelleront-ils en riant les péripéties de cette série qui, à la surprise générale, s'est transformée en chicane de clochers. Mais peut-être pas non plus.

La rivalité entre les Rangers et le Canadien déborde maintenant du cadre de la patinoire. Les déclarations explosives sont peut-être un régal pour les journalistes, qui ont ainsi de bonnes histoires à raconter, mais elles illustrent aussi une réelle animosité entre les deux camps.

Hier, Therrien a tenté de remettre le couvercle sur la marmite. Il a soutenu que, au fond, tout cela n'est qu'un «show de boucane». Alain Vigneault, lui, semble plutôt prendre la situation au sérieux.

L'entraîneur des Rangers a été choqué par l'attitude du Canadien dans le «Spygate» de samedi. Rappelez-vous: Therrien a demandé à deux adjoints de Vigneault de quitter l'enceinte du Madison Square Garden, où ils observaient l'entraînement de son équipe.

Vigneault estime que les images de l'affaire, ainsi que les commentaires de Therrien après coup, ont jeté l'opprobre sur les Rangers.

«Le monde du hockey nous a décrits comme déshonorables et malhonnêtes, a dit Vigneault. Nous ne le sommes pas. Nous respectons les règles. Sur la glace et à l'extérieur.»

En fait, l'affaire résulte d'un malentendu. Dans l'esprit du Canadien, il va de soi qu'on ne regarde pas l'entraînement de l'équipe rivale. Pour les Rangers, cette façon d'agir est exceptionnelle et doit faire l'objet d'un accord préalable.

Que s'est-il réellement produit dans ce cas-ci? Marc Bergevin et Glen Sather, les deux directeurs généraux, se sont bel et bien entretenus au téléphone avant la série, comme c'est la coutume. Bergevin croit avoir soulevé la question avec son homologue. Sather pense le contraire. C'est d'ailleurs ce qu'il lui a répondu lorsque Bergevin l'a appelé au moment de l'incident, pour exiger des explications.

Hier, Vigneault a soutenu que le Canadien n'aurait eu qu'à faire la demande pour régler la question avant la série. «J'aurais dit: «Pas de problème, on ne regardera pas votre pratique, mais si ça vous tente de regarder la nôtre, ça ne me dérange pas du tout...»»

Cette réponse est évidemment un peu arrogante puisqu'elle sous-tend que le Canadien est préoccupé par des broutilles. Sauf que, en séries, chaque détail compte. Et Therrien ne voulait pas que les entraîneurs des Rangers soient témoins des ajustements qu'il souhaitait apporter au style de son équipe.

J'ajouterai ceci: même si les Rangers prétendent accorder peu d'importance à pareille séance d'observation, ils semblaient bien intéressés par l'entraînement du CH! Et ils auraient dû partir dès le premier avertissement plutôt de faire traîner les choses.

On peut néanmoins comprendre Vigneault d'avoir été choqué par la sortie du Canadien, qui a fait mal paraître l'organisation des Rangers. C'était son droit le plus strict de donner sa version des faits, au risque d'égratigner quelques sensibilités.

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Devant les micros, Alain Vigneault est très habile. Il manie bien le français et l'anglais. Et son sourire ne camoufle pas entièrement le caractère souvent acéré de ses propos.

Après le deuxième match de la série au Centre Bell, il a déclaré que les Rangers se doutaient depuis la veille que Dustin Tokarski serait devant le but du Canadien. Pourtant, la blessure de Carey Price n'avait été confirmée que quelques heures plus tôt. «Le hockey, c'est un p'tit monde...», m'a-t-il répondu, quand je lui ai demandé comment il avait appris si tôt l'absence du gardien no 1 du Canadien.

Quelques minutes plus tard, lorsqu'il a pris connaissance de la déclaration de Vigneault, Therrien n'a pas caché son étonnement. Son visage s'est durci. «Alain doit avoir de bonnes informations. Mais je ne suis pas sûr qu'il savait...»

L'affaire est manifestement restée dans la gorge de Therrien. Ce qui l'a conduit à commettre une erreur qui a jeté beaucoup d'huile sur le feu.

Samedi, pour narguer Vigneault, il a dit que le Canadien savait «exactement» où Derick Brassard avait été blessé durant le premier match «parce que le hockey est un p'tit monde». C'était sa façon de montrer que lui aussi était bien informé. Mais il a ajouté un malheureux bout de phrase: «Va falloir s'assurer de le jouer très solide.»

À New York, ce commentaire a fait des vagues. Réplique de Vigneault hier: «J'espère que rien n'arrivera à Brassard, car Michel pourrait être dans le trouble.»

Therrien s'est ensuite défendu d'avoir eu de mauvaises intentions. «Brassard est un excellent joueur. On le respecte beaucoup. C'est sûr qu'il faudra jouer de manière physique contre lui. Mais on ne veut pas blesser qui que ce soit. Ça n'a jamais été notre philosophie et ça ne changera pas.»

Therrien a ensuite rendu hommage à Vigneault. Et il a mis leur querelle en perspective de la bonne façon: «On se bat pour le même objectif: atteindre la finale de la Coupe Stanley. On met notre amitié de côté pour deux semaines.»

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Alors, qui est à blâmer pour ce début de dérapage? Vigneault ou Therrien? Les responsabilités sont partagées. Et les deux hommes, qui se sont croisés à leur arrivée au Madison Square Garden avant le match d'hier, semblaient avoir fait la paix. On verra si cette trêve résistera à la suite des choses.

Le calendrier de la série explique aussi cette montée de tension. En cinq jours, de mardi à samedi, un seul match a été disputé. Cela est inhabituel. Les journées de relâche additionnelles ont fait du bien aux joueurs. Mais elles ont aussi mis, plus que jamais, les entraîneurs à l'avant-scène. Les résultats ont été plutôt ordinaires.

Crève-coeur, mais...

Oui, le Canadien a subi un revers crève-coeur, hier. Aucune autre lecture de la situation n'est possible. Mais la série n'est pas terminée.

Le Canadien s'est battu avec courage. Un jeu reste en mémoire: ce tir d'Alex Galchenyuk qui a frappé la tige horizontale en fin de troisième période, avant de rebondir devant la ligne rouge. Le hockey est une question de pouces, comme le rappelle parfois Marc Bergevin. Si la rondelle avait déjoué Henrik Lundqvist, le Canadien serait peut-être rentré à Montréal avec une égalité en poche.

Ce n'est pas le cas, bien sûr. Mais cette équipe n'abandonnera pas. Une victoire devant ses partisans demain, au Centre Bell, et la pression serait forte sur les Rangers,jeudi à New York.

Contre les Bruins au tour précédent, le Canadien s'est aussi retrouvé dans les câbles. On connaît la suite. Contre toute attente, les joueurs de Michel Therrien ont enlevé les deux derniers matchs de la série. L'équipe possède les ressources pour causer une autre surprise.

Devant le filet, Dustin Tokarski a démontré des nerfs d'acier. Il a encore été formidable. P.K. Subban? Il a marqué un but et joué plus de 33 minutes, dont 12 en avantage numérique.

Plusieurs équipes ont réussi des retours depuis le début des séries éliminatoires. Les Rangers le savent mieux que quiconque, puisqu'ils ont fait le coup aux Penguins de Pittsburgh, comblant un déficit de trois matchs à un. Le cliché demeure vrai: la quatrième victoire est la plus difficile à obtenir.

En remportant une rencontre sur deux à New York, le Canadien a conservé ses chances. Mais il devra mieux profiter de ses avantages numériques.

Non, cette série n'est pas terminée...

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Un mot sur Martin St-Louis. Il a encore montré son sens du leadership en inscrivant le but victorieux en prolongation.

En obtenant les services de St-Louis à la date limite des transactions, Glen Sather a réussi un grand coup. Le numéro 26 des Rangers ne porte peut-être pas le «C» du capitaine sur son chandail, mais tout le monde sait qui est le meneur de cette équipe sur la patinoire.