Tout, absolument tout, jouait contre le Canadien, hier. Un gardien recrue devant le filet, une mauvaise première période, des Rangers galvanisés par l'appui de la foule bruyante du Madison Square Garden...

Malgré tout, comme un naufragé s'accrochant à un radeau au milieu de la mer, le Canadien s'est battu pour sa survie. Et en fin de troisième période, il a osé prendre les devants grâce à un but de Daniel Brière, M. Séries éliminatoires lui-même.

Hélas, quelques instants plus tard, le malheur a frappé. Les Rangers ont nivelé la marque avec une poignée de secondes à écouler au cadran. Si au moins il s'était agi d'un beau but! Mais non. La rondelle a frappé le patin d'Alexei Emelin et bifurqué dans le filet.

Cette fois, les carottes semblaient cuites. Comment le Canadien allait-il se relever de ce mauvais coup du sort?

«Quand les Rangers ont marqué, j'imagine que la majorité des gens pensaient que c'était la fin pour nous, a dit Brière, un sourire aux lèvres. Mais ç'a été la même chose toute la saison pour nous. On n'a jamais abandonné. On a trouvé le moyen de rebondir même si tout le monde pensait qu'on était morts. On trouve de nouvelles façons d'aller chercher de gros jeux. On y croyait.»

Oui, ils y croyaient. C'est la seule façon d'expliquer cette victoire inattendue. Les Rangers ont dominé la majorité du match, mais le Canadien a sauvé sa peau. Et cette victoire change beaucoup l'allure de cette série.

D'abord, le rencontre de dimanche ne sera pas sans lendemain. Même en cas de revers, le Canadien reviendra devant ses partisans la semaine prochaine.

Ensuite, en gagnant un match à New York, l'équipe a semé un doute chez les Rangers. La lutte sera serrée jusqu'à la fin. Comme une demi-finale de la Coupe Stanley doit l'être.

Enfin, une incertitude est levée. Oui, Dustin Tokarski peut assumer la relève de Carey Price.

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Dustin Tokarski. Rarement vu un gars jusque-là plutôt inconnu devenir un héros du Québec en un si court laps de temps. Remplacer le gardien numéro un de son équipe est déjà un défi extraordinaire. Le faire à ce moment-ci de la saison ajoute à la difficulté. Et lorsque le coéquipier en question s'appelle Carey Price, c'est presque une mission impossible.

Mais n'allez pas dire ça à Tokarski. Après le match, il semblait détendu, rendant hommage à ses coéquipiers. Michel Therrien a bien raison de dire que le jeune homme est un gagnant. Il faut du cran pour s'imposer de la sorte dans un match-clé.

«On voulait aller chercher la victoire pour Tokarski, a dit Brière. C'était la moindre des choses après tout ce qu'il a fait durant la rencontre. En première période, il nous a gardés dans le match. Le pointage aurait pu être pire que 1-0. Oui, on lui en devait une!»

Avant la prolongation, le calme régnait dans le vestiaire du Canadien, a ajouté Brière. Pas de grands discours ou d'appels à l'exploit, même si la saison était presque sur la ligne. «Il ne s'est pas dit grand-chose. On savait ce qu'on avait à faire...»

Cette équipe a donc encore trouvé le moyen de nous surprendre. Et Michel Therrien continuer de jouer des cartes gagnantes, comme en fait foi sa décision d'utiliser Tokarski, décision audacieuse s'il est en une.

En revanche, on sent que certains joueurs du Canadien sont fatigués. P.K. Subban n'a pas affiché son énergie habituelle hier. Voilà pourquoi les deux jours de repos avant le quatrième match tombent à point.

Non, les séries éliminatoires ne sont pas terminées pour le Canadien. Soudain l'espoir revient. Qui l'aurait dit après la première période du match d'hier?

Le beau souvenir de St-Louis

Saviez-vous que Martin St-Louis a déjà porté l'uniforme du Canadien? Hélas pour les partisans de l'équipe, ce n'était pas dans la LNH, mais plutôt chez les pee-wee!

À l'époque, St-Louis évoluait pour les Sénateurs de Laval. Son équipe avait été choisie pour représenter le Canadien au tournoi international de Québec. Avant la compétition, ses camarades et lui ont été invités à participer à un entraînement promotionnel de l'équipe. Une chance unique de patiner en compagnie de son idole, Mats Naslund.

«C'était la pratique Humpty Dumpty, raconte St-Louis. Patrick Roy était le gardien du Canadien. Tous nos joueurs ont eu la chance d'effectuer un lancer de punition contre lui. Patrick a laissé trois ou quatre gars le déjouer. Et j'ai été un de ceux-là.»

Les deux gardiens des Sénateurs étaient Jocelyn Thibault, qui a connu une belle carrière dans la LNH, et Steve Plouffe, plus tard repêché par les Sabres de Buffalo. «On était forts devant le filet, se souvient St-Louis. Mats Naslund avait effectué des tirs contre nos gardiens. À la fin de la pratique, je lui ai demandé son hockey. Et il me l'a donné. C'est un de mes beaux souvenirs en carrière.»

St-Louis est un gars intense, qui répond parfois brièvement aux questions. Mais hier matin, après l'entraînement des siens, il fallait voir combien ses yeux brillaient en racontant ces souvenirs. L'espace d'un moment, il est redevenu le p'tit gars d'alors, fasciné de rencontrer ses héros en chair et en os.

Lorsque je lui ai demandé comment son équipe s'était comportée au tournoi pee-wee de Québec, il a énuméré les victoires (contre les petits Nordiques, entre autres) et les défaites comme si l'événement avait eu lieu hier! Il a même donné les pointages de deux matchs.

Après avoir rencontré Naslund, St-Louis est devenu son fan pour la vie. En 2004, l'année où il a contribué de si belle façon à la victoire du Lightning de Tampa Bay en finale de la Coupe Stanley, St-Louis a aussi remporté le trophée Art Ross, remis au meilleur pointeur de la ligue. Lors la remise des prix, à Toronto, Naslund lui a rendu hommage de la Suède par lien vidéo.

«Ç'a été une belle semaine, dit St-Louis. On a gagné la Coupe, et mon idole m'a félicité!»

Pour des raisons évidentes, Naslund a toujours inspiré St-Louis, un autre joueur de petite taille qui s'est imposé dans la LNH. À cette époque, les joueurs de ce gabarit étaient rares. Ce qui n'a pas empêché le petit Viking d'être un attaquant redoutable durant plusieurs saisons. Il a ainsi contribué à paver la voie. «Il était tout un joueur de hockey!», dit St-Louis.

En grandissant, St-Louis était partisan du Canadien. Il écoutait les matchs à la télé avec son père. Mais son équipe préférée, comme toutes les autres dans la LNH, a oublié de le repêcher. Le reste, comme on dit, fait partie de l'histoire.