Voici, en dix mots, mon retour sur la série Bruins-Canadien. Avec, en prime, une prédiction!

1- Prémonition

Certains signes ne mentent pas. Le matin du premier match de la série à Boston, Claude Julien et Michel Therrien ont rencontré la presse à tour de rôle.

Nerveux, l'entraîneur des Bruins a donné des réponses de cinq secondes à plusieurs questions. Il ne transpirait pas la confiance, mettons...

Une heure plus tard, Therrien l'a suivi à la tribune. Il était décontracté et savourait le moment. «On est heureux d'être ici», a-t-il dit, un grand sourire au visage.

Comme une prémonition de ce qui allait suivre... Sept matchs plus tard, Therrien souriait toujours et Julien était plus renfrogné que jamais.

2- Vitesse

Ce fut l'atout du Canadien contre les Bruins. Quand l'équipe a misé sur sa véritable identité dans les 6e et 7e matchs, plutôt que perdre son temps à contrer l'avantage des Bruins sur le plan de la robustesse, cela a renversé le cours de la série.

À ce moment, les Bruins venaient de remporter deux rencontres d'affilée, profitant notamment de la présence de Douglas Murray à la défense du CH. Le gros défenseur joue avec coeur, mais il ne peut plus aider l'équipe à ce stade de la saison. Le tempo est trop rapide.

La recette du Canadien: patiner et patiner encore. Comme dans le bon vieux temps des Flying Frenchmen...

«Tu ne peux pas battre les Bruins en jouant comme les Bruins», disait Daniel Brière avec à-propos avant le match décisif.

3- Foule

Max Pacioretty a noté à quel point le premier but du Canadien mercredi, dès la troisième minute de jeu, a fait mal aux Bruins.

«Un but énorme, a-t-il dit. Au sixième match à Montréal, on a inscrit le premier but et nos fans ont pris le contrôle. Si on avait permis aux Bruins de marquer les premiers à Boston, leurs partisans auraient fait la même chose.»

L'énergie de la foule du Centre Bell porte les joueurs du Canadien et embête leurs rivaux. C'est un gros avantage.

4- Attitude

Lorsque Michel Therrien adopte un mot, celui-ci revient souvent dans sa bouche.

À son retour avec le Canadien à l'été 2012, il a choisi «structure» pour expliquer l'importance de respecter le style de jeu. C'est ainsi que ce terme est devenu à la mode dans notre vocabulaire sportif.

Plus tard, il a ajouté «processus», un terme passe-partout pour illustrer une foule de concepts, comme la manière d'intégrer un jeune joueur à l'équipe. Ainsi, la présence de Nathan Beaulieu dans la formation est le résultat d'un «processus».

Depuis quelques jours, l'entraîneur du CH utilise le mot «attitude» pour qualifier l'état d'esprit des siens. On devine qu'il le répète souvent puisque les joueurs s'en font l'écho.

Contre les Bruins, le Canadien a en effet adopté la bonne attitude. L'équipe a toujours conservé sa pleine maîtrise. Je revois encore les yeux de Carey Price après le quatrième match, lorsqu'on lui a demandé s'il serait dur de se relever après cet échec crève-coeur en prolongation: «Pas du tout!», a-t-il martelé.

Au bout du compte, malgré le déraillement du cinquième match à Boston, le verdict final a donné raison au gardien du Canadien.

5- «Monstre»

Un «monstre» dans l'uniforme du Canadien? Oui! Son nom: Daniel Brière.

«L'été dernier, j'ai parlé à des gars qui ont joué avec Daniel Brière dans le passé, a raconté Max Pacioretty. C'est ainsi qu'ils me l'ont décrit. Il est un "monstre" en séries éliminatoires, il saisit l'occasion... C'est en plein ce qu'il a fait dans ce septième match.»

En attendant l'ouverture des portes du vestiaire du Canadien mercredi, on a clairement entendu les joueurs crier leur joie. Soudain, l'un d'eux a lancé: «Yeaaahhhh, Danny Brière...»

Dans le monde du hockey, Brière n'est plus très jeune. Mais son expérience et ses habiletés le servent bien. S'il était joueur de baseball, il serait un de ces lanceurs dont la balle rapide a perdu sa vélocité, mais qui compense en tenant les frappeurs hors d'équilibre.

Brière a connu une saison difficile. Il n'était pas un favori de Michel Therrien, une situation délicate puisque Marc Bergevin lui a consenti 8 millions pour 2 ans l'été dernier. Un coach n'aime pas faire mal paraître son DG en ignorant un joueur embauché à fort prix.

Mais au bout du compte, tout le monde s'en tire bien dans cette affaire: Bergevin pour avoir eu le flair de le recruter, Therrien pour l'avoir utilisé au bon moment et Brière lui-même, bien sûr, qui a contribué à l'élimination des Bruins.

Peu importe la suite des choses, Brière aura rempli son mandat au cours de sa première saison à Montréal. Mais il s'en est fallu de peu pour que le bilan soit moins rose. Le succès en séries fait foi de tout.

6- Respect

Le Canadien a-t-il suscité assez de respect dans la LNH au cours des dernières années? Non, si on en croit P.K. Subban. Le défenseur du Canadien estime cependant que la victoire contre les Bruins modifiera cette perception.

«On a accompli beaucoup de choses au cours des dernières années», a-t-il dit, mentionnant la participation à la demi-finale de la Coupe Stanley en 2010 et la longue série contre les Bruins un an plus tard. Le Canadien a alors été éliminé en prolongation, à Boston, au septième match.

«Mais on n'a jamais obtenu le respect qu'on mérite, a-t-il ajouté. Et c'est assez! On compose un solide groupe, avec beaucoup de caractère, et je pense que cette victoire contre les Bruins nous vaudra ce respect.»

Le Canadien n'a pas apprécié les petits gestes insolents des Bruins durant la série: Shawn Thornton qui asperge d'eau P.K. Subban, Brad Marchand qui projette le casque de Brendan Gallagher, Milan Lucic qui roule les mécaniques dans une pitoyable tentative d'impressionner ses rivaux... «On a vu tout ça, a dit Daniel Brière. Et on s'en est servi à notre avantage.»

7- Citation

Après le match de mercredi, un journaliste a demandé à Max Pacioretty si le Canadien avait appris une leçon dans cette série contre les Bruins. Réponse du gros ailier: «J'ai appris qu'on avait une pas mal bonne équipe...»

La citation de la série, à mon avis...

8- Profits

Ce sera une très bonne année financière pour le Canadien. Avec le recul, Geoff Molson et son groupe ne regrettent sûrement pas d'avoir investi 575 millions pour acquérir le CH, le Centre Bell et evenko en 2009.

En vertu de la nouvelle convention collective, la part des propriétaires sur les revenus hockey a augmenté de 43 à 50%. Résultat, le plafond salarial est en baisse cette saison, ce qui diminue les coûts des équipes riches comme le Canadien.

En 2010, le Canadien a touché des profits de 65 millions en atteignant la demi-finale de la Coupe Stanley. Les chiffres seront sûrement colossaux cette année aussi. Il suffit de jeter un coup d'oeil au coût des billets pour la série contre les Rangers pour s'en convaincre.

Les sièges Platine et Prestige valent de 492$ à 642$; les Rouges, de 298$ à 450$; la section Club, de 415$ à 575$; les places les plus éloignées valent de 95$ à 222$. Bref, les caisses se rempliront vite.

Qui profitera de cette manne? Certains joueurs, bien sûr, mais Marc Bergevin devra néanmoins respecter le plafond salarial.

Cela dit, Michel Therrien sera en bonne position pour demander une lucrative prolongation de contrat. La performance du Canadien cette saison renforce son image dans la LNH. S'il perd un jour son emploi à Montréal, il pourra sûrement se retrouver un boulot ailleurs. Ce n'était pas nécessairement vrai en début de saison.

John Tortorella et Dan Bylsma, qui ont chacun une Coupe Stanley à leur palmarès, auraient touché 2 millions cette saison à Vancouver et Pittsburgh. Si c'est vrai (les salaires des entraîneurs, contrairement à ceux des joueurs, ne sont pas dévoilés), Therrien méritera presque autant. Et si jamais le Canadien gagnait la Coupe Stanley...

9- Citron

Le prix citron de la série est attribué à Milan Lucic. Pas même fichu de perdre dans l'honneur, il menace un joueur du Canadien en lui serrant la main. Consternant... Ce gars-là incarne le mauvais esprit sportif.

10- Repos

Une observation de mon collègue Robert Laflamme, de La Presse Canadienne, après le match de mercredi: «Le repos dont a profité le Canadien après la série contre Tampa Bay l'a bien servi. L'équipe a eu beaucoup d'énergie durant toute la série contre les Bruins.»

Robert a raison. Les joueurs ont refait le plein et se sont remis de petites blessures. Cette semaine de congé, inhabituelle en séries, a été un cadeau du ciel.

Et la prédiction

Après cette série très émotive contre les Bruins, un danger guette le Canadien: être un peu à plat au début de l'affrontement contre les Rangers de New York. Les joueurs de Michel Therrien devront être vigilants pour ne pas perdre l'avantage de la glace.

Alors, quelle équipe atteindra la finale de la Coupe Stanley? Les Rangers sont solides, mais Henrik Lundqvist ne l'est pas autant que Carey Price. Et la troupe d'Alain Vigneault n'aligne pas un défenseur de la trempe de P.K. Subban.

Le Canadien en six.