Sentez-vous cette odeur enivrante qui flotte sur le Québec aujourd'hui? Non, ce n'est pas encore celle de la Coupe. Mais avouez qu'elle rappelle drôlement le parfum de mai 1993 lorsque, peu à peu, on a compris que le Canadien avait rendez-vous avec la destinée.

Ce printemps-là, comme c'est le cas deux décennies plus tard, rien ne laissait présager une suite de petits miracles au début des séries éliminatoires. Mais les exploits de Patrick Roy ont donné confiance à tout le groupe. Et subitement, ces 20 joueurs et leur entraîneur se sont soudés en un tout imbattable.

Le CH de 2014 est-il de la même eau? La suite des séries nous le dira. Mais son gardien semble taillé dans le même moule. Solide devant le filet, mais aussi capable d'un grand leadership auprès de ses coéquipiers. Après le match d'hier, comme s'il s'agissait d'une simple journée au bureau, Carey Price a dit d'un ton calme: «Je suis super content. Mais je ne le montre pas beaucoup...»

Encore une fois, Price a réussi des arrêts exceptionnels. Et aujourd'hui, contre toute attente, le Canadien compte parmi les quatre équipes toujours en lice pour l'obtention de la Coupe Stanley! Il faut se pincer pour y croire.

Non, rien de tout cela ne devait se produire. Non, le Canadien ne devait pas balayer le Lightning de Tampa Bay en première ronde. Et encore moins éliminer au tour suivant les Bruins de Boston, la meilleure équipe de la LNH. Surtout pas dans un septième match au TD Garden, où la foule déchaînée appuierait sans relâche ses favoris.

Mais les joueurs de Michel Therrien ont réussi le coup en montrant un cran formidable. Cette équipe est franchement étonnante.

«Mais nous n'avons fait que la moitié du chemin, a ajouté Price. C'est loin d'être fini.»

Hier, le calme du Canadien a été impressionnant. Dès les premières secondes, on a senti les joueurs en pleine confiance, aucunement angoissés à l'idée de disputer cet affrontement sans lendemain. Au contraire, ce sont les Bruins qui ont souvent cafouillé. Comme si la convaincante poussée du sixième match se poursuivait.

«Durant ce match à Montréal, on a réalisé à quel point nous formions une bonne équipe, a expliqué Price. La confiance aide beaucoup. L'attitude aussi. On a été tenaces du début à la fin de la série. On n'a jamais abandonné. Et nous avons été récompensés. On a toujours cru en nos chances. Comme dit le proverbe, une fois que tu es à la danse, tout peut arriver.»

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Dale Weise a donné l'avance 1-0 au Canadien dès la troisième minute du match. Oui, Dale Weise, ce joueur à peine connu en février dernier, quand Marc Bergevin a obtenu ses services dans une transaction à première vue anodine. Et voilà que le jeune homme de Winnipeg connaît des séries formidables.

Daniel Brière a réussi la superbe passe qui a conduit au but de Weise. Faut-il s'en étonner? Pas du tout!

La veille, le vétéran attaquant avait expliqué combien il souhaitait voir les partisans des Bruins rentrer à la maison la tête basse après le match. «La foule du Garden? Non, ce n'est pas intimidant, avait-il dit. Au contraire, ça peut être très positif si tu l'utilises à ton avantage...»

Brière a vite transformé la théorie en réalité. Ce but a brisé net et sec l'entrain de la foule. On a deviné que le doute envahissait l'amphithéâtre.

D'ailleurs, tout l'après-midi, sur les ondes de la radio sportive de Boston, les animateurs semblaient nerveux à propos des chances de leurs favoris.

On disait que les Bruins n'alignaient pas un joueur explosif comme P.K. Subban, que Brad Marchand était décevant, que le Canadien était très rapide... On rappelait qu'il fallait gagner pendant que Zdeno Chara demeurait un joueur dominant... Et, du même coup, on se demandait comment diable les Bruins pouvaient bien se retrouver le dos au mur dans cette série!

À Boston, on rêvait de Coupe Stanley. Dans ces circonstances, cette élimination aux dépens du Canadien fait très mal. Encore davantage parce qu'elle survient contre le rival historique.

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Les Bruins ont plusieurs qualités: parmi elles, ils bataillent jusqu'au bout. En déjouant Carey Price en fin de deuxième période pour couper en deux l'avance du Canadien, ils ont retrouvé beaucoup d'énergie. Et la foule s'est aussi réveillée.

En troisième, les Bruins ont attaqué avec fougue. Mais ils ont manqué d'opportunisme autour du filet. Et Price a réussi de beaux arrêts.

Autour de lui, la défensive était souvent sur les talons. Ce ne fut pas toujours joli. Mais l'idée était de monter la garde, peu importe les tentatives des Bruins de créer l'égalité. Et le CH a relevé le pari, Brière marquant le but d'assurance.

Résultat, samedi, le Canadien accueillera les Rangers de New York dans le premier match de la demi-finale de la Coupe Stanley. C'est presque invraisemblable!

P.K. Subban, qui a célébré son anniversaire mardi, a raconté que son père lui a alors transmis ce message: «Il m'a dit: "Tu es maintenant âgé de 25 ans. Et il n'y aurait pas de plus beau cadeau que de ramener une 25e Coupe Stanley à Montréal!" Bon, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir avant d'en arriver là. Mais on a fait un gros pas dans cette direction.»

Ça, c'est le moins qu'on puisse dire. Oui, tout ça rappelle l'odeur de mai 1993.

Bettman a les yeux sur Seattle

Gary Bettman le répète sur toutes les tribunes: une expansion n'est pas dans les projets immédiats de la LNH. Ce qui ne l'a pas empêché, au cours des derniers jours, de s'arrêter à Seattle en compagnie de son adjoint Bill Daly. La nouvelle a été confirmée à plusieurs médias par un porte-parole du circuit.

Les visites de courtoisie ne sont pas la spécialité du commissaire, surtout en pleines séries éliminatoires. Sa rencontre avec les autorités de Seattle est une autre preuve - sans doute la plus éloquente - de l'intérêt du circuit pour ce marché. Les simples coups de téléphone ne suffisent plus.

La LNH rêve d'implanter une équipe dans le Nord-Ouest américain depuis deux ans. Seattle est disposée à construire un nouvel amphithéâtre, mais uniquement si cet édifice lui permet de retrouver les Sonics, son équipe de la NBA transférée à Oklahoma City en 2008.

Un investisseur originaire de Seattle, Chris Hansen, souhaite obtenir une concession et a conclu un partenariat avec les pourvois publics pour financer la construction de l'amphithéâtre. Une étude environnementale reste à compléter. En revanche, contrairement à Québec ou Las Vegas, pas question de lancer le chantier avant d'obtenir un club.

Au début du mois, lors d'un point de presse à Boston, Bettman a de nouveau évoqué la candidature de Seattle. «Mais jusqu'à ce qu'on nous dise qu'il y a une possibilité réaliste de construction, on ne peut pas envisager sérieusement cette option», a-t-il précisé.

Que conclure de tout ceci? D'abord, si Bettman veut à ce point obtenir des réponses à des questions précises, c'est que Seattle figure bel et bien au premier rang des marchés auxquels songe la LNH. Ensuite, que l'expansion est beaucoup plus présente dans l'esprit du commissaire qu'il ne le laisse entendre.

Au cours des derniers mois, Bettman a eu de multiples occasions d'écarter pour de bon tout projet d'expansion. De fermer le couvercle sur cette marmite, en quelque sorte. Il ne l'a jamais fait. Ce n'est pas un hasard.

Si Seattle retrouve ses Sonics et qu'un amphithéâtre est construit, le processus d'expansion pourrait être lancé. Resterait alors à savoir si la LNH voudrait ajouter une deuxième équipe. Si oui, qui l'obtiendrait: Las Vegas, Kansas City, une ville ontarienne ou Québec? Remarquez que le circuit pourrait très bien fonctionner avec un nombre impair de concessions. Ainsi, il y a eu 21 équipes de 1979 à 1991.

Une autre question est intéressante: si le dossier de Seattle ne débloque pas, Bettman voudra-t-il tout de même procéder à une expansion?

Rien ne l'assure. La LNH aime en effet compter sur des villes souhaitant accueillir une équipe, comme Québec, pour arracher des avantages des pouvoirs publics si une concession existante éprouve des ennuis. On l'a bien vu avec la saga des Coyotes de Phoenix.