Il fallait sans doute que ce soit lui. Oui, il fallait sans doute que ce soit lui qui marque ce but vainqueur, en deuxième période de prolongation.

P.K. Subban! Qui d'autre? D'un puissant tir frappé, il a permis au Canadien d'accomplir un petit miracle et de prendre les devants un match à zéro dans cette série.

Pour le Canadien, cette victoire est significative. Arracher un des deux premiers affrontements à Boston, où les Bruins sont si coriaces, était le premier objectif à atteindre. C'est chose faite et la pression devient encore plus forte sur les Bruins, grands favoris pour se tailler une place en finale de la Coupe Stanley.

Le Canadien a montré du cran, hier. Avec ses deux buts en avantage numérique, Subban a joué un rôle essentiel. Et Carey Price a été l'autre membre du duo de choc.

On a dit beaucoup de choses à propos de Carey Price depuis son arrivée avec le Canadien en 2007. Notamment qu'il était injuste de le comparer à Patrick Roy, vainqueur de deux Coupes Stanley dans le chandail tricolore.

Mais en voyant Price multiplier les arrêts sensationnels hier devant des Bruins déchaînés, en constatant son sang-froid même lorsque ceux-ci ont comblé deux fois des retards pour provoquer la prolongation, comment ne pas faire le rapprochement avec Roy?

Disons les choses franchement: le Canadien a été dominé pendant la grande majorité du match. Mais Price a fait la loi. Il a inspiré ses coéquipiers, souvent étourdis par l'offensive des Bruins.

Price, comme Roy l'a si souvent réussi à son époque, a volé le match à ses rivaux. Sans ses miracles, le résultat aurait été différent.

Après la rencontre, en entrevue à la télé américaine, Price semblait relaxe. «Les gars ont fait du beau travail et beaucoup de ces lancers sont venus des côtés... Et on est restés calmes quand les Bruins ont poussé la rencontre en prolongation. On a beaucoup de vétérans dans le vestiaire et on savait que le match était encore à notre portée.»

Le Canadien est toujours invaincu en séries éliminatoires ce printemps. Et la deuxième ronde est commencée. Qui aurait pensé ça?

Michel Therrien était évidemment ravi de la tournure des événements. «C'est très difficile de gagner à Boston, a-t-il rappelé. Chaque fois que tu réussis, peu importe la manière, c'est un accomplissement. Ç'a n'a pas été un classique, mais Carey Price a été extraordinaire et notre jeu de puissance a été efficace. C'est une grosse victoire pour la confiance de notre équipe.»

Claude Julien, lui, a salué le travail des siens. «Pas de frustration ou de panique après un premier match, a-t-il dit. Nous avons obtenu plusieurs chances de marquer. Nous devrons en convertir un plus grand nombre.»

- Et ces deux punitions imposées aux Bruins en prolongation?

- Elles étaient méritées.

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La première surprise de cette série, c'est Julien lui-même qui nous l'a réservée après l'entraînement du matin. Son point de presse a été d'une brièveté étonnante. Chacun de ses réponses aux huit premières questions a duré 11 secondes ou moins! La séance ne s'est guère prolongée, les journalistes ne voyant aucun intérêt à poursuivre cet exercice futile.

Dommage, puisque Julien est habituellement un interlocuteur généreux. Mais cette fois, il n'avait pas le coeur à l'affaire. Peut-être a-t-il été échaudé par cette déclaration, plus tôt cette semaine, où il disait «détester» le Canadien.

Pour avoir déjà discuté de la question avec lui, je peux vous assurer qu'il s'agit d'un sentiment purement lié à la rivalité sportive entre les deux équipes. Lorsqu'il en parle dans son sens large, Julien n'a que de bons mots pour l'organisation qui lui a donné sa première chance dans la LNH.

Cela dit, les Bruins et Julien ont beaucoup plus à perdre dans cette série que le Canadien et Michel Therrien. Et celui-ci, pas mécontent de voir son équipe cantonnée dans le rôle de négligée, le sait très bien. Il a d'ailleurs servi de beaux compliments aux Bruins lorsqu'il s'est présenté à son tour devant les micros.

Contrairement à Julien qui, le visage fermé, a balbutié une poignée de syllabes, l'entraîneur du Canadien a franchement savouré le moment. «Nous sommes conscients que ces matchs ont un caractère particulier, a-t-il affirmé. Et on est heureux de contribuer à écrire le prochain chapitre de cette rivalité. On est chanceux d'être ici, on est chanceux de vivre ça.»

Vivre ça. Deux petits mots qui signifient gros. Lars Eller, qui n'a pas vu un seul match de la LNH à la télé avant l'âge de 18 ans, s'apprêtait aussi à savourer l'expérience. C'est dire combien l'histoire se transmet entre les joueurs, si même ceux qui ne l'ont pas suivie en grandissant l'évoquent les yeux brillants.

«C'est l'fun de jouer à Boston, a expliqué le grand Danois. La foule est dans le match, il y a beaucoup de bruit. Et on connaît bien les joueurs des Bruins, on joue si souvent contre eux. Et tout le passé ajoute à l'émotion.»

Avant la rencontre, il y avait déjà une ambiance des grands jours autour du TD Garden. Au coin d'une rue, trois gars déchargeaient de leur petit camion 500 t-shirts qu'il espéraient vendre au cours des heures suivantes.

Plusieurs étaient aux couleurs des Bruins, mais d'autres affichaient des slogans écorchant le Canadien. Rien de particulièrement subtil, mais l'un d'eux m'a fait rigoler. Il qualifiait les «Habs» de «Dive Team», c'est-à-dire une équipe dont les joueurs plongent à la première occasion pour provoquer des punitions à leurs rivaux. À 20 $ pièce, nos commerçants du dimanche étaient confiants de réaliser de bonnes affaires.

«Même s'ils n'ont pas gagné la Coupe depuis plusieurs années, le Canadien est toujours perçu comme une équipe de catégorie A, a expliqué Matt, le chef du groupe. Ils ont remporté tellement de championnats. Ils sont aux Bruins ce que les Yankees sont aux Red Sox.»

Yankees, Red Sox, Canadien, Bruins... «Vivre ça», comme dit Michel Therrien. L'expression parle d'elle-même.

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Cette première rencontre a été digne des mots «Vivre ça». Ce fut un match enlevant et disputé dans les règles.

Au bout du compte, l'attitude a contribué à faire la différence. Les joueurs du Canadien aurait pu perdre contenance devant les attaques répétées de leurs adversaires. Mais ils n'ont jamais abandonné.

Lorsque Subban a concrétisé la victoire du CH, j'ai repensé aux mots de Therrien hier matin.

«J'aime beaucoup l'ambiance au sein de l'équipe et l'importance que les joueurs accordent aux détails, disait-il. Nous sommes conscients du défi contre les Bruins, mais on est confiants.»

Même si cette série est loin d'être terminée, les Bruins sont sûrement inquiets. Au plan psychologique, c'est avantage Canadien.