Le niveau de décibels au Centre Bell était celui d'un concert rock: vous savez, lorsque nos oreilles bourdonnent encore le lendemain matin. Max Pacioretty venait d'inscrire le but vainqueur en fin de match, et l'ovation de la foule racontait toute l'histoire.

Eh oui! Pour la première fois depuis 2010, le Canadien atteint la deuxième ronde des séries éliminatoires. Et tout le Québec se met à rêver. Après le rude hiver et une dure campagne électorale, les Glorieux ont bien choisi le moment pour renouer avec leur mission historique: rassembler les Québécois de toutes origines autour de leurs triomphes.

Comme le dit si bien la chanson de Loco Locass, «Le tissu social de Montréal, c'est de la Sainte-Flanelle». Hier, ces paroles ont pris tout leur sens. C'était la fête dans l'amphithéâtre et aux quatre coins du Québec.

Le sport est parfois magique. Il possède alors cette extraordinaire capacité d'unir les gens. C'est ce qui s'est produit hier. Et qui se poursuivra au moins deux autres semaines.

Voilà pourquoi cette victoire est une si bonne nouvelle. Pensons-y: qui d'autre que le Canadien peut regrouper, dans tout le Québec, des millions de personnes? Ce succès, c'est une grande bouffée d'air frais.

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Non, ce ne fut pas une victoire facile. Tout cela en raison d'un gardien de 21 ans qui a fait son entrée dans le match lorsque le Canadien a pris l'avance 3-1 tôt en deuxième période.

La dernière fois où j'avais vu Kristers Gudlevskis, c'était à Sotchi, après l'extraordinaire performance de l'équipe lettone contre celle du Canada. Épuisé après avoir stoppé 55 des 57 tirs dirigés sur lui, il répondait aux questions d'une voix à peine audible.

Le Canada avait évité une humiliante élimination en l'emportant 2-1 à l'arraché, mais tous les regards étaient braqués sur ce jeune homme aux longs cheveux et au visage effilé, payé 55 000 $ par saison dans la Ligue américaine! Il venait de frustrer plusieurs des meilleurs joueurs offensifs du monde. Le talent de Gudlevskis était clairement immense.

Hier, le jeune Letton a ressorti ses trucs de magie. Et servi une terrible frousse au Canadien. Ses arrêts ont changé le tempo de la rencontre. Et le Lightning a créé l'égalité. La foule est soudainement devenue moins bruyante. Mais le but de Pacioretty a sauvé la mise.

Michel Therrien et ses joueurs peuvent être fiers d'eux. Bien sûr, le Lightning n'est ni robuste ni expérimenté. Et son meilleur gardien, Ben Bishop, n'a pas disputé un seul match durant cette série en raison d'une blessure. Ces deux éléments ont clairement avantagé le Canadien.

N'empêche que ce coup de balai représente une réussite majeure. Après cette première ronde, à peine huit équipes demeureront en lice dans la course à la Coupe Stanley. Et le Canadien sera l'une d'elles.

Qui l'aurait cru lorsque la morosité s'est installée en janvier dernier? Rappelez-vous ces quelques défaites d'affilée... La participation aux séries semblait compromise. Et on s'interrogeait sur l'avenir de Michel Therrien en cas de glissade prolongée. Tout cela semble bien loin ce matin.

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Je sais, ce n'est qu'une ronde. Et peut-être que les gros méchants Bruins de Boston, s'ils viennent à bout des Red Wings de Detroit, démoliront le Canadien au deuxième tour. Mais peut-être pas non plus.

En 1986, personne ne croyait le Canadien capable de remporter la Coupe Stanley. La saison s'était terminée en queue de poisson. Mais inspirée par un jeune gardien nommé Patrick Roy, l'équipe a tout balayé.

En 1993, les Nordiques étaient favoris contre le Canadien en première ronde. Les Glorieux n'alignaient pas de Joe Sakic ou de Mats Sundin. Et lorsque les Bleus ont remporté les deux premiers matchs au Colisée, l'affaire semblait entendue.

Mais encore une fois, Patrick Roy a pris les choses en main. Ses exploits ont mené le Canadien à une 24e conquête de la Coupe Stanley.

Conclusion: une équipe moins puissante mais alignant un gardien exceptionnel et croyant en ses moyens peut réussir des miracles.

À ce chapitre, le Canadien de 2014 possède des atouts. Carey Price n'a pas le côté frondeur de Roy, mais il est très solide. Et toute l'équipe est convaincue de pouvoir vaincre les meilleurs. En sport, il faut atteindre le sommet de sa forme physique et mentale lorsque l'enjeu est décisif. Ça semble être le cas du Canadien ce printemps.

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Alors, suis-je en train de prédire la Coupe Stanley au Canadien? Pas du tout! La route sera longue, les défis seront exigeants et les adversaires, coriaces. Et je crois toujours que le Canadien menacera véritablement pour la Coupe dans deux ans, lorsque les jeunes joueurs auront gagné en maturité.

En revanche, je suis convaincu d'une chose: les partisans de l'équipe ont le droit de rêver. N'est-ce pas déjà étonnant?

Les débuts de Quintal

Quand Stéphane Quintal a assumé la relève de Brendan Shanahan comme préfet de discipline, j'espérais qu'il nous surprenne avec des sanctions dures lorsque la situation l'exigerait.

L'ancien défenseur du Canadien m'a d'abord déçu en imposant une ridicule amende de 5000 $ à Milan Lucic, des Bruins, auteur d'un coup vicieux porté à Danny DeKeyser, des Red Wings. Triste départ.

En revanche, Quintal a bien réagi en suspendant pour trois matchs Brent Seabrook, des Blackhawks de Chicago, après sa charge à la tête de David Backes, des Blues de St. Louis. Il a ainsi respecté la jurisprudence du calendrier régulier.

Celle-ci est trop clémente, mais Quintal a néanmoins résisté à une tentation: imposer une peine moins lourde en raison des séries éliminatoires. Heureusement, puisque les conséquences des commotions cérébrales ne sont évidemment pas moins sévères à cette période de l'année...

Et voilà que Matt Cooke, ce joueur du Wild du Minnesota qui, disait-on, avait enfin découvert l'existence du fair-play, est convoqué aujourd'hui à une audition en personne pour son attaque sauvage sur Tyson Barrie, de l'Avalanche du Colorado. Cela signifie que Quintal peut lui imposer une suspension de six matchs et plus. Souhaitons qu'il se montre intraitable.

Cela dit, saluons la détermination de Quintal. Faire ses débuts comme préfet de discipline en séries éliminatoires est un rude défi.