Le cran de ces filles! Leur résilience, aussi. Leur énergie. Leur foi en elles et en leur bonne étoile. Leur refus d'abandonner.

À Sotchi hier, 20 joueuses endossant un chandail rouge ont écrit un nouveau chapitre de l'histoire sportive du Canada. Un chapitre avec un rebondissement exceptionnel et une fin en or.

Au coeur du récit, on retrouve une jeune femme de Beauceville, passionnée de son sport depuis l'enfance, et qui a réussi un tour de magie comme seuls en sont capables les plus grands athlètes du monde : inspirer leur équipe et la conduire à la victoire lorsqu'elle est dans les câbles. Marie-Philip Poulin est la nouvelle reine du hockey.

«C'est un moment inoubliable, a-t-elle dit. Ce fut un effort d'équipe et nous n'avons jamais abandonné. Je suis si heureuse, c'est un autre rêve qui se réalise.»

En fin de troisième période, les Américaines menaient 2-0 et semblaient sûres de monter sur la plus haute marche du podium. Dans les gradins du Bolshoï, ce bel amphithéâtre où cette finale du tournoi féminin était présentée, leurs partisans s'apprêtaient à célébrer.

Mais un but de Brianne Jenner avec moins de quatre minutes à écouler a redonné espoir aux Canadiennes. Et semé un doute dans la tête de leurs rivales.

«Avant le match, on s'était juré de ne jamais lâcher, a dit la capitaine Caroline Ouellette. On voulait se battre jusqu'à la fin, peu importe les événements. C'est pour ça que je suis si fière des filles...»

Kevin Dineen, l'entraîneur d'Équipe Canada, a alors remplacé sa gardienne par une sixième attaquante. Quelques secondes plus tard, un dégagement des Américaines a frappé le poteau ! «On a eu des frissons, a dit la jeune attaquante Mélodie Daoust. Mais moi, j'y ai vu signe. Ça allait nous aider...»

C'est à ce moment que Marie-Philip Poulin est entrée en scène. Ralentie par une blessure depuis plusieurs semaines, elle a pris le match en main. À moins d'une minute de la fin, elle a créé l'égalité d'un tir sec. Devant des Américaines incrédules, ses coéquipières ont explosé de joie. Non, la rencontre n'était pas terminée.

«Pendant l'entracte avant la prolongation, les filles étaient très excitées, a dit la gardienne Shannon Szabados. Mais Hayley Wickenheiser nous a rappelé que le match n'était pas terminé...»

Le surtemps a été disputé à quatre contre quatre. Durant une punition aux Américaines, Marie-Philip Poulin a inscrit le but de la victoire, celui qui donnait l'or aux Canadiennes pour les quatrièmes Jeux olympiques consécutifs. À Vancouver en 2010, c'est elle qui avait marqué les deux filets de son équipe dans l'ultime affrontement contre les États-Unis.

«Marie-Philip ne parle pas beaucoup, a dit Dineen. Mais dans ses yeux, quelque chose dit: "Joueuse des grandes occasions". Elle l'avait fait à Vancouver, elle vient maintenant de mettre son sceau là-dessus.»

Marie-Philip a célébré son but en or avec retenue. Elle a simplement souri. «Je ne réalisais même pas...»

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Dans la zone mixte, cet endroit où les journalistes rencontrent les athlètes après les matchs, le contraste ds émotions était saisissant. Des joueuses américaines éclataient en sanglots, mélange de peine, de douleur, peut-être même de rage. Des Canadiennes riaient, écrasant de la main des larmes de joie. Tout cela constituait une scène étonnante.

Une médaille d'argent, c'est bien. Mais ce n'était pas le temps de le rappeler aux Américaines, venues à Sotchi pour conquérir l'or. Après leurs échecs de 2002, 2006 et 2010, toujours face aux Canadiennes, elles croyaient que le vent allait enfin tourner en leur faveur.

Au-delà de la déception, elles ont accepté dignement le résultat. «Je félicite Équipe Canada, a dit l'entraîneure Katey Stone. Ce fut un grand match de hockey. On était en bonne position pour gagner. Malheureusement, nous avons été incapables de compléter le travail.»

Pour Équipe Canada, les six mois précédant les Jeux ont été difficiles. Le changement d'entraîneur de décembre dernier, lorsque Kevin Dineen a remplacé Dan Church, a illustré à quel point tout ne tournait pas rond au sein de la formation.

«C'est notre médaille d'or la plus difficile, a expliqué Caroline Ouellette. On a eu tellement d'adversité, tellement d'obstacles, tellement de défaites, tellement de blessures... Mais on était en excellente forme physique. Je pense que ç'a paru ce soir.»

Ouellette en est sans doute à ses derniers Jeux olympiques. D'autres prendront sa relève, comme Mélodie Daoust. Celle-ci était heureuse de la contribution des francophones au sein de la formation.

«J'espère que le Québec est fier de nous, a-t-elle dit. On a vraiment tout donné. On est vraiment contentes de représenter le Canada mais on a une bonne partie de notre coeur pour le Québec.»

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Ce fut un match exceptionnel et un grand moment de la quinzaine olympique. Le hockey féminin ne pouvait rêver d'un meilleur spectacle pour consolider sa crédibilité.

Marie-Philip Poulin a été au coeur de cette réussite. Peut-être parce que sa philosophie du hockey n'a rien à voir avec de savantes analyses sur jeu collectif ou le coup de patin. Pour elle, son sport est simplement synonyme de joie. «J'essaie de m'amuser. Je veux toujours aller sur la glace avec un sourire.»

Hier, elle en est ressortie avec le plus beau de sa vie.

L'affaire Tavares

La blessure de John Tavares, dont la saison a pris fin mercredi lors du match entre le Canada et la Lettonie, fournit un argument de poids aux propriétaires d'équipe opposés à la présence des joueurs de la LNH aux Jeux olympiques.

Parmi eux, on compte l'influent Ed Snider, des Flyers de Phildelphie. Plus tôt ce mois-ci, il a tiré à boulets rouges sur ce concept. «Toute cette affaire est ridicule. Nous ne devrions pas suspendre notre saison durant trois semaines. Aucune autre ligue agit ainsi. Alors pourquoi nous ? Nous n'en tirons aucun avantage.»

Tavares absent, les Islanders de New York perdent leur principale carte d'attraction. Leurs assistances, déjà modestes, en souffriront. Tout comme les cotes d'écoute de leurs matchs à la télé. Le directeur général Garth Snow n'a d'ailleurs pas caché sa colère hier, demandant si la Fédération internationale de hockey sur glace ou le CIO allait rembourser ses détenteurs d'abonnements saisonniers!

Si les Islanders occupaient une meilleure position au classement, l'absence de Tavares serait encore plus catastrophique. Une participation aux séries éliminatoires vaut des millions en revenus supplémentaires. Sans Tavares, impossible pour eux d'atteindre cet objectif. Bref, le coût de cette blessure est majeur.

Gary Bettman n'est pas le plus grand fan de l'aventure olympique. La blessure de Tavares ne rehaussera pas son enthousiasme. Le commissaire a l'impression d'offrir son produit au CIO sans toucher de compensation en retour. Voilà pourquoi il préfère le concept d'une Coupe du monde, où la LNH et l'Association des joueurs partageraient les profits.

Malheureusement pour lui, les joueurs adorent représenter leur pays aux Jeux olympiques. Zdeno Chara a même raté deux matchs des Bruins afin de participer à la cérémonie d'ouverture, où il était porte-drapeau de la Slovaquie. Et suffit d'avoir vu les yeux brillants de Carey Price à son arrivée à Sotchi pour comprendre combien cet enthousiasme est partagé.

«Quand j'étais enfant, on voulait jouer dans la LNH et gagner la Coupe Stanley, disait Steve Yzerman, la semaine dernière. On ne pensait pas aux Jeux olympiques. Les jeunes joueurs d'aujourd'hui aiment le hockey international. Ils ont vu des matchs à la télé en grandissant. Ils ne veulent pas échapper cette occasion.»

La blessure de Tavares, la plus sérieuse de ce tournoi olympique, ne diminuera pas l'intérêt des joueurs de la LNH pour les Jeux. Mais elle augmentera le dédain des proprios déjà réfractaires à l'initiative.

Le débat n'est pas terminé.