Ce sera une finale de rêve entre deux équipes incapables de se blairer.

«Non, ce n'est pas l'amour...», reconnaît Caroline Ouellette, lorsqu'on l'invite à décrire la relation entre les États-Unis et le Canada en hockey féminin.

Hier, les deux équipes se sont qualifiées pour le match de la médaille d'or, qui sera présenté jeudi. Il y aura des étincelles sur la glace lorsque la rondelle sera mise en jeu.

«Des finales olympiques, il n'y en a une qu'aux quatre ans, rappelle Ouellette, la capitaine canadienne. Pour certaines joueuses, ce sera la seule de leur vie. C'est un grand moment. On a travaillé toute la saison en vue de ce match. Il faut s'en souvenir et jouer avec confiance.»

Si les États-Unis ont écarté la Suède dans une demi-finale à sens unique, la Suisse a offert une opposition coriace au Canada. Les Helvètes étaient très fières de leur performance. «Perdre 3-1 contre les Canadiennes, c'est un excellent résultat», a dit la gardienne Florence Schelling.

Sans doute. En revanche, les joueuses de Kevin Dineen ont parfois paru désorientées. À l'approche du grand rendez-vous contre les États-Unis, une équipe beaucoup plus puissante que la Suisse, c'est plutôt inquiétant. Mais Hayley Wickenheiser ne semblait pas de cet avis.

«On a beaucoup de joueuses expérimentées qui savent comment réagir dans un match si important. J'aime notre équipe. On trouve des façons de gagner.»

Kevin Dineen a abondé dans le même sens. «Ce ne sont pas tous des chefs-d'oeuvre. Mais on est très contents d'être en finale.»

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Dans les gradins, une prof du Cégep du Vieux Montréal avait les yeux rivés sur l'action. France St-Louis, une pionnière du hockey féminin, est à Sotchi à titre de chef de mission adjointe du Canada.

«C'est formidable de revivre l'expérience olympique 16 ans après les Jeux de Nagano. Lorsqu'on m'a approchée, j'ai tout de suite senti la fébrilité. Je pensais être dans les boules à mites et me voilà de nouveau aux Jeux!», me disait-elle, peu après son arrivée à Sotchi.

L'énergie de France St-Louis est contagieuse. Hier, elle a même fait un saut au patinage artistique pendant le match Canada-Suisse afin d'encourager Tessa Virtue et Scott Moir en danse. Elle est ensuite revenue en courant, ou presque, à l'aréna Shayba.

«Les Jeux, c'est tellement spécial. En 1994, on a appris que le hockey féminin ferait ses débuts à Nagano. J'avais 35 ans et j'hésitais à poursuivre ma carrière. Je me demandais si mon corps tiendrait le coup. Mais les Olympiques, c'était mon rêve de jeunesse. Je ne voulais pas avoir de regrets. Et j'ai foncé...

«Tu sais, ce fut ma plus belle expérience d'athlète. Juste à t'en parler, j'en ai des frissons. Je me rappelle un matin, au village. Je déjeunais tranquillement lorsque quelqu'un me demande s'il peut s'asseoir à ma table. Je lève les yeux et je vois... Wayne Gretzky!

«Les gars de l'équipe masculine sont venus nous encourager. Raymond Bourque trouvait qu'on jouait bien, mais il était un peu déçu de la force de nos lancers. Je lui ai dit: "Écoute, on pèse 140 lb, pas 200...»»

À Nagano, les Canadiennes ont remporté la médaille d'argent. Ce n'était pas l'or convoité, certes, mais pour France St-Louis, la seule présence du hockey féminin aux Jeux était déjà un triomphe. Toute sa vie, elle s'était battue pour son sport et voilà qu'elle célébrait sa consécration sur la patinoire.

«Je regarde les filles aujourd'hui et j'aimerais parfois retourner en arrière. Elles font la vraie vie de joueur de hockey. Moi, je demandais des congés à mon employeur pour les camps d'entraînement! Et j'allais pratiquer après ma journée de travail.»

Heureusement, France St-Louis a toujours aimé son boulot. Détentrice d'un baccalauréat de l'Université de Sherbrooke, elle enseigne l'éducation physique depuis l'âge de 21 ans.

«Sentir qu'on peut faire une différence dans la vie des jeunes, c'est formidable. Parfois des élèves me disent: «Madame, vous avez changé ma vie...» Tu peux pas imaginer ce qu'on ressent... Moi, je suis une enseignante dans l'âme.»

En plus de donner des cours de tennis, de badminton ou de musculation, France St-Louis reste profondément engagée dans son sport préféré. Elle dirige une école de hockey et agit comme coordonnatrice technique des Carabins de l'Université de Montréal, championnes canadiennes en titre.

Jeudi, elle sera aux premières loges pour suivre le match de la médaille d'or. Et lorsque Caroline Ouellette et ses coéquipières sauteront sur la glace, son coeur battra fort.

«Caroline, c'est comme ma petite soeur. Elle venait à mon école de hockey à l'âge de 14 ans. Elle y a ensuite travaillé. C'est l'fun de la regarder aller, je me revois un peu en elle...»

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Contre les Suédoises, les Américaines ont lancé 70 fois au filet! L'affrontement terminé, elles pensaient déjà au match de la médaille d'or.

«On adore jouer contre le Canada, a dit la capitaine Meghan Duggan. Ce sont de grandes rencontres, toujours décidées par un pointage serré. Le Canada nous a battues en ronde préliminaire, mais la page est tournée. On a fait une longue séance vidéo pour s'assurer de ne pas répéter nos erreurs...»

Sa coéquipière Kelli Stack a été plus mordante. «Leur défense est brouillonne quand on met de la pression...»

Battues en finale par le Canada au cours des trois derniers Jeux olympiques, les Américaines veulent mettre fin à cette domination olympique. La famille Kessel est notamment pleine d'ambition. Amanda et Phil, l'attaquant des Maple Leafs de Toronto, représentent tous deux leur pays à Sotchi.

«Il y a de la place pour deux médailles dans notre famille», a dit Amanda.

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Mélodie Daoust a compté le troisième but du Canada. Son extraordinaire aventure olympique se poursuit et ses yeux brillaient après la victoire.

«Il y aura beaucoup d'émotion en finale, mais on essaiera de garder les choses simples», a dit la jeune attaquante originaire de Valleyfield, dont la place au sein de l'équipe a été confirmée peu avant Noël.

Le Canada devra cependant beaucoup mieux jouer qu'hier pour l'emporter. Cette fois, il faudra un chef-d'oeuvre.

Subban doit jouer

Oh là là, il est sans doute temps que ces Jeux prennent fin, car voilà que je pense comme Don Cherry! Décidément, le vent qui souffle de la mer Noire produit de curieux effets...

Dans un entretien avec mon collègue Gabriel Béland, Cherry a déploré que P.K. Subban n'endosse pas l'uniforme, dimanche, contre la Finlande. Il a entièrement raison.

Les gagnants de trophées majeurs dans la LNH ont généralement droit à plus de considération de leur équipe nationale. Subban a remporté le Norris la saison dernière, il est actuellement le meilleur compteur du Canadien, son coup de patin est formidable, son lancer aussi, mais ce n'est pas assez.

Avec le recul, on comprend que Mike Babcock a fait son nid dès novembre dernier. L'entraîneur d'Équipe Canada avait alors expliqué que Subban devait être «fiable» défensivement pour être du voyage en Russie. Il a été choisi, mais ce ne fut sans doute pas dans l'enthousiasme.

Le Canada a inscrit un seul but en temps régulier contre la Finlande, son premier adversaire sérieux du tournoi. Les attaquants ont eu des ennuis à se démarquer. Résultat, l'apport d'arrières habiles en attaque est devenu essentiel, comme Drew Doughty l'a démontré.

Voilà pourquoi Babcock doit utiliser Subban, un excellent passeur. Il possède les outils pour augmenter les occasions d'Équipe Canada autour du filet adverse.

Martin St-Louis doit aussi réintégrer la formation. Il serait plus utile à l'équipe que certains attaquants en difficulté, notamment Chris Kunitz.

St-Louis est un vétéran de 38 ans à la carrière magnifique. Si on l'a invité en Russie à la dernière minute, après l'avoir ignoré dans la sélection initiale, qu'on le fasse jouer. Sinon, pourquoi l'avoir convié? Pour l'exaspérer une deuxième fois?