Tout son corps criait sa douleur. Le visage déchiré. Les yeux noyés de larmes. Le poids du monde sur les épaules.

Comme tous les patineurs sur courte piste, François Hamelin sait que son sport peut être cruel. Que les accidents de course brisent les rêves de médaille. Mais pourquoi fallait-il que ça arrive ici, à Sotchi, aux Jeux olympiques? Et pourquoi à lui, dont la sélection au sein de l'équipe a provoqué une controverse en décembre dernier?

S'il avait commis son erreur dans une épreuve individuelle, Hamelin aurait été le seul à porter son fardeau. Mais non. La chute est survenue au relais, une spécialité où le quatuor canadien domine ses rivaux. C'est ça qui lui faisait le plus mal.

Peu avant la mi-course, le patin de Hamelin a heurté une borne balisant une courbe de la piste. Les coureurs les appellent les «blocs». Il n'a pas été poussé par un adversaire, mais a simplement coupé un peu trop court son virage. Une question d'un ou deux centimètres. Mais assez pour provoquer la plus grande déception canadienne depuis l'ouverture des Jeux.

«Ces blocs sont super durs et ne pardonnent pas, a dit Hamelin. Je suis tombé, aucune chance de pouvoir me rattraper. Je sais qu'on gagne en équipe et qu'on perd en équipe. Mais c'est moi qui ai fait une chute. J'ai privé le Canada d'une médaille, une médaille d'or potentiellement. Je me sens coupable.»

Le Canada, champion olympique en titre, ne participera donc pas à la finale du relais la semaine prochaine. Mais d'ici là, il faudra rebâtir le moral de François Hamelin. Le psychologue sportif de l'équipe, Fabien Abejean, trouvera sans doute les mots pour le réconforter. Et, surtout, lui permettre de placer les événements en perspective. Après tout, il n'est pas le premier patineur à tomber en relais.

N'empêche que la soirée s'annonçait sombre pour lui. Marianne St-Gelais, qui a aussi connu une déception après son élimination au 500 m, n'a pas fait de mystère lorsque je lui ai demandé comment ce groupe tricoté serré, gars et filles, pourrait relever le moral de François Hamelin.

«Les mots me manquent, a-t-elle dit. Souvent, on peut dire qu'on va se reprendre. Mais là, non. Se reprendre, c'est dans quatre ans... Et ce ne seront pas nécessairement les mêmes garçons qui seront là. Mais ils sont forts ensemble, ils se soutiendront.»

***

Le Canada éliminé en demi-finale du relais, Charles Hamelin perd ses chances de remporter quatre médailles à Sotchi. Sa victoire de lundi sur 1500 m, mais surtout la manière éclatante dont il a coiffé cette course, lui permettait d'entretenir ce rêve.

«Le courte piste, c'est parfois glorieux pour les coureurs, mais parfois ça brise le coeur, a-t-il dit. On voulait une chance de défendre notre titre de champion olympique, alors c'est une déception. Dans notre sport, il faut être capable de passer par-dessus ces moments-là. On ne blâme personne. C'est Frank qui est tombé, mais ç'aurait pu être moi, Olivier Jean ou Michael Gilday. On va essayer de le lui faire comprendre.»

L'entraîneur Derrick Campbell a ajouté: «L'équipe va se rallier autour de François. C'est sûr qu'il se sent très mal. Mais tous les patineurs qui ont fait du relais connaissent cette sensation. Il faudra une soirée pour évacuer la peine. Mais ça ira mieux demain. Je suis fier de mes gars.»

L'équipe canadienne devait trancher entre François Hamelin et Guillaume Bastille comme cinquième représentant masculin à Sotchi. En vertu d'un «choix discrétionnaire», une procédure propre à ce sport, Hamelin a ironiquement été préféré à Bastille justement en raison de ses capacités évidentes au relais. Cette décision a été confirmée en appel.

Si les Jeux de François Hamelin sont terminés sauf pour la finale B du relais, une épreuve sans conséquence, ceux de son grand frère Charles se poursuivent. Le podium, et même sa plus haute marche, lui est accessible dans les courses de 500 et 1000 m.

***

Après les grands succès québécois depuis l'ouverture des Jeux, il était peut-être inévitable qu'une journée soit plus difficile.

Non seulement l'équipe de relais masculin a vécu une immense déception, mais Marianne St-Gelais a été écartée de la finale du 500 m, une distance qui lui a valu la médaille d'argent à Vancouver. La finale a été remportée par la Chinoise Jianrou Li, qui n'a pas été menacée après une chute impliquant les trois autres finalistes. Ce ne fut pas un grand spectacle.

La journée de St-Gelais s'est jouée en quarts de finale. Elle a obtenu la deuxième place plutôt que la première. Résultat, elle était située à l'extérieur lorsque le départ de la demi-finale a été donné. Dans une épreuve si courte, combler ce désavantage est très difficile.

«C'est comme si j'étais partie avec des bâtons dans les roues, a-t-elle dit. Je suis vite passée de la quatrième à la troisième place, j'ai été patiente, mais je n'ai pas saisi les occasions de me rapprocher davantage.»

Terre à terre, Marianne St-Gelais a ajouté: «J'avais rien qu'à aller plus vite en quarts de finale. Bon, je suis un peu déçue, mais il me reste encore deux autres courses, le 1000 m et le 1500 m. J'ai des chances, tout est possible.»

De son côté, Valérie Maltais a fait une chute dès la ronde initiale.

***

Les Néerlandais sont les rois du patinage de vitesse longue piste. Mais attention! Voilà qu'un grand nombre de jeunes athlètes de ce pays s'intéressent au courte piste.

Parmi eux, on trouve Jorien ter Mors, une fille de 24 ans qui participe à la fois aux épreuves de courte et de longue piste à Sotchi. À la cérémonie d'ouverture des Jeux, elle a porté le drapeau de son pays.

Selon un collègue néerlandais, ses concitoyens sont fiers de leurs exploits sur longue piste, mais aimeraient aussi briller dans d'autres disciplines d'hiver. Le côté spectaculaire du courte piste attire de nombreux jeunes.

Il ne faudra pas s'étonner si, au cours des prochaines années, les Néerlandais progressent vite dans cette discipline.