Ce jour-là, Mélodie Daoust s'est présentée à l'aréna avec une boule dans l'estomac. Le verdict était imminent. L'équipe féminine de hockey devait retrancher trois joueuses en vue des Jeux de Sotchi. Après des mois d'efforts, elles verraient leur rêve olympique brutalement brisé.

C'était le 22 décembre dernier. Comme les autres filles sur la sellette, Mélodie a été convoquée à une rencontre avec l'entraîneur-chef Kevin Dineen et ses adjointes, Danielle Goyette et Lisa Haley. Soudain, la porte de la salle de physiothérapie, où elle attendait seule le moment de l'entretien, s'est ouverte: «Mélodie, c'est à ton tour...»

Tremblante, les nerfs à fleur de peau, Mélodie est entrée dans le bureau des entraîneurs. Elle a observé leur visage à la recherche d'un signe. Quelqu'un lui ferait-il un sourire, laissant ainsi présager une bonne nouvelle? Hélas, les trois visages devant elle étaient imperturbables.

En s'assoyant, Mélodie repensait aux paroles de l'ancien entraîneur, Dan Church, quelques mois plus tôt: «Tu es sur la brèche. Tes chances de mériter une place dans l'équipe sont de 50-50. Ça dépend de ton rendement jusqu'au moment où on annoncera la formation finale.»

Ce message ne l'avait pas étonnée. Il était semblable à celui si souvent entendu durant sa carrière. Depuis l'âge de 13 ans, Mélodie s'était battue pour atteindre ses objectifs. On la trouvait trop petite, pas assez rapide...

Chaque critique lui faisait mal. Mais au lieu de se décourager, elle a redoublé d'énergie. Ah, comme ça mon coup de patin est déficient? OK, je vais m'inscrire à des camps spécialisés. Ça prendra le temps qu'il faudra, mais je vous ferai un jour ravaler vos paroles...

Mélodie a fait de longs séjours en Alberta et en Colombie-Britannique pour obtenir les conseils d'entraîneurs de renom. Elle progressait, mais pas assez aux yeux des responsables d'Équipe Québec. Invitée aux sélections, elle a été recalée à 13 ans. Et à 14 ans. Et à 15 ans. Et à 16 ans. L'impression de recevoir un coup de couteau, surtout les deux dernières fois...

Comment, en effet, être invitée à se joindre au programme national canadien sans d'abord être membre des équipes d'élite de sa province?

Un mois après le dernier refus, au moment où les portes semblaient se refermer sur elle, Mélodie a reçu un coup de fil. Une joueuse d'Équipe Québec venait de se blesser. On lui offrait de la remplacer. C'était comme le retour du soleil après l'orage.

Mélodie n'allait pas rater l'occasion. Une chance, une seule chance, c'est tout ce qu'elle voulait. Première sur la glace avant les entraînements, elle a continué de s'investir à fond dans son sport. Ou plutôt sa passion, un mot plus juste pour qualifier sa relation avec le hockey.

Les recruteurs d'Équipe Canada ont été impressionnés par l'énergie de la jeune attaquante. Oh, bien sûr, son jeu affichait des lacunes, mais son ardeur au travail compensait ses défauts. Un coup de patin, ça s'améliore; le coeur à l'ouvrage, on l'a ou on l'a pas.

Au fil des saisons suivantes, Mélodie s'est améliorée. Mais l'étape la plus difficile restait à franchir: obtenir son billet pour les Jeux olympiques. Trois jours avant Noël, elle saurait enfin si son rêve se concrétiserait.

L'entretien avec les trois entraîneurs a été court, à peine cinq minutes. Mais il a paru deux fois plus long à Mélodie. Car c'est seulement à la toute fin que Kevin Dineen a prononcé la seule phrase qu'elle voulait entendre: «Tu viens avec nous à Sotchi...»

Mélodie s'est levée d'un coup, renversant sa chaise au passage. Ses yeux se sont inondés de larmes. Elle avait réussi.

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Depuis son arrivée à Sotchi, Mélodie Daoust est sur un nuage. Lorsqu'on lui parle, un sourire est accroché à son visage.

«Je suis tellement contente d'être ici! dit-elle. Et vraiment fière. Tu sais, chaque personne a son cheminement. Le mien n'a pas été une belle ligne droite. Il y a eu des hauts et des bas. Mais rien n'est impossible quand on y croit vraiment.»

Après avoir obtenu sa place au sein d'Équipe Canada, Mélodie est rentrée à la maison, à Valleyfield, pour le congé de Noël. Ses parents et son frère aîné ont célébré sa sélection avec elle.

«Ils m'ont tous tellement soutenue! explique-t-elle. Plus jeune, je jouais parfois pour quatre équipes durant l'été. Comme je ne conduisais pas, mes parents faisaient la navette. Quand je pense au temps et à l'énergie qu'ils m'ont consacrés sans jamais me mettre de pression... Ce sont vraiment des parents formidables.»

Son père, Michel Daoust, exploite une ferme laitière et agricole, en plus d'une cabane à sucre; sa mère, Johanne Mercier, travaille en informatique pour le Mouvement Desjardins. Les deux font le voyage à Sotchi. Ils auront les yeux rivés sur le numéro 15. Mélodie fait partie d'un trio régulier, même si son temps de glace diminue lorsque le match est serré. Elle est aussi utilisée en désavantage numérique.

«J'ai joué avec des garçons jusqu'aux rangs midget, dit l'attaquante de 22 ans. Ce ne fut pas toujours facile. Certains trouvaient que je prenais une place qui leur revenait. Il y avait de la jalousie, un peu de frustration. Mais je réalise aujourd'hui que tout ça m'a servi. Et j'ai aussi amélioré ma vision du jeu. Dans une ligue où il y a des contacts, tu dois garder la tête haute...»

Après les Jeux, Mélodie reprendra ses études en éducation physique à l'Université McGill, elle qui baragouinait à peine quelques mots d'anglais à son premier cours.

La Russie relève le défi

Ce ne fut pas la cérémonie d'ouverture la plus grandiose de l'histoire olympique. Mais ce spectacle sobre et souvent émouvant, mettant en évidence des morceaux soigneusement choisis de l'histoire de la Russie, a été réussi.

Les concepteurs méritent des félicitations pour le respect avec lequel ils ont traité les athlètes. On ne les a pas fait attendre pendant plus d'une heure à l'extérieur du Stade pendant que le show prenait son envol, comme ce fut le cas à Londres. Leur défilé a été l'un des premiers éléments de la soirée et ils ont ensuite été dirigés vers les meilleurs sièges.

Deux numéros ont provoqué de grands frissons. D'abord, le bal impérial inspiré du roman Guerre et Paix de Tolstoï, dans lequel des vedettes russes de la danse classique ont offert un moment inoubliable aux 40 000 spectateurs. Ensuite, l'interprétation de l'hymne olympique par la soprano Anna Netrebko.

Pour les organisateurs, le succès de la cérémonie représente sûrement un grand soulagement. Ces Jeux baignant dans la controverse (coûts, loi homophobe, sécurité), la réussite de vendredi leur apporte un répit.

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J'ai assisté à la cérémonie assis dans la septième rangée, dans un coin du Stade. La vue était imprenable. Même si un toit recouvre l'édifice, l'enceinte n'est pas chauffée. La tuque et les gants n'étaient pas superflus, surtout vers la fin.